La Banque nationale suisse a déclaré la guerre à l'inflation en augmentant ses taux d'intérêt. Cette décision, que les économistes n'attendaient pas aussi tôt, lui vaut de nombreux éloges. En particulier de la part des analystes des banques. Mais il y a aussi des voix critiques, dont celle du patron de Stadler Rail.
Peter Spuhler n'y va pas avec le dos de la cuillère. «Je ne sais pas ce qu'ils ont fumé», s'étrangle le CEO du constructeur suisse de matériel roulant ferroviaire dans le «Business Talk» du magazine «Bilanz».
Il faut dire que la décision de la banque centrale helvétique a de grosses répercussions sur l'activité de Stadler Rail. Depuis que la BNS a augmenté son taux directeur de 0,5 point, jeudi dernier (désormais à -0,25%), le franc s'est encore apprécié — «un poison» pour l'industrie. «La BNS créé ainsi une crise supplémentaire», critique Peter Spuhler.
«Une absence de sens économique»
La force de notre monnaie signifie des commandes, des marges et des emplois en moins, selon le patron de Stadler Rail. L'entreprise est très active dans le domaine de l'exportation, puisqu'elle vend ses trains dans le monde entier.
Le CEO du groupe basé en Thurgovie aurait souhaité que la BNS fasse preuve d'un peu plus de «sens économique», poursuit-il dans l'émission de débat économique.
De son point de vue, la BNS aurait pu attendre encore et augmenter le taux directeur à une date ultérieure. Et, dans le cas où il fallait agir tout de suite, une augmentation de 0,25 point de pourcentage aurait été suffisante à ses yeux.
«La récession fait partie du jeu»
Également partie prenante dans ce débat, le président de Swiss Re et ex-CEO d'UBS Sergio Ermotti adopte une toute autre position. D'une part, les entreprises profiteraient d'importations moins chères en cas de franc plus fort. D'autre part, avec cette décision, la BNS a donné un signal important quant à sa propre indépendance.
La maîtrise de l'inflation fait partie des tâches centrales de la Banque nationale. Actuellement, le franc ne cesse de perdre de la valeur dans le porte-monnaie de la population: en mai, l'inflation en Suisse est passée à 2,9%, alors qu'elle était encore de 2,5% en avril. C'est pourquoi la BNS s'estime «contrainte d'intervenir».
L'Europe entraînera-t-elle la Suisse dans sa chute?
Sergio Ermotti fait également remarquer dans le talk de «Bilanz» qu'une récession «fait partie d'une économie». Il faut maintenant payer le prix de la politique monétaire et fiscale expansive de ces dernières années.
Quoi qu'il en soit, une récession est actuellement peu probable en Suisse, malgré la hausse des taux d'intérêt de la BNS: dans ses dernières prévisions estivales, le Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ (KOF) continue de tabler sur une croissance économique de 2,7% pour l'année en cours.
Ce n'est que l'année prochaine que le KOF s'attend à un ralentissement, prévoyant encore une croissance de 1,6%. Ses experts avertissent toutefois qu'une récession en Europe et aux États-Unis qui pourrait entraîner la Suisse vers le bas également. (smt)