Un mois après le début du retentissant scandale de corruption présumée, le Parlement européen, sa présidente en tête, a insisté lundi sur sa volonté de faire le ménage dans ses pratiques. Le but est de redorer son blason le plus vite possible.
«Nous prendrons des mesures pour renforcer la lutte contre la corruption et les moyens de combattre les ingérences étrangères», a promis Roberta Metsola, dans l'hémicycle du Parlement européen à Strasbourg, à l'ouverture de la première session plénière de l'année.
Ébranlée alors qu'elle fête tout juste son premier anniversaire à la présidence du Parlement européen, Mme Metsola a souligné que «les événements du mois écoulé ont démontré le nécessité de rebâtir les liens de confiance avec les citoyens européens que nous représentons».
Mais nombre d'élus et d'observateurs réclament plus d'allant et d'audace pour restaurer la crédibilité du Parlement, sur qui la foudre s'est abattue début décembre via la justice belge.
Argent en petites coupures
En un week-end, l'eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, alors l'une des vice-présidentes (l'institution en compte 14), est mise sous les verrous, de même que son conjoint, assistant parlementaire, et qu'un influent ex-eurodéputé italien, inculpés pour corruption présumée au profit du Qatar. Les enquêteurs saisissent lors de perquisitions un million et demi d'euros en petites coupures.
Quelques jours plus tard, réunis à Strasbourg, les eurodéputés assommés retiraient illico sa fonction de vice-présidente à Eva Kaili et réclamaient des changements, notamment la suspension de l'accès du Qatar au Parlement le temps de l'enquête judiciaire et, à son issue, la création d'une commission d'enquête.
Mis en cause, l'émirat «rejette fermement» les accusations de corruption. Le Maroc, dont le nom est également cité, dénonce, lui, des «attaques médiatiques» injustifiées.
Crédibilité de l'UE
Dès mi-décembre, Roberta Metsola avait promis un «paquet de réformes d'ampleur», dont elle a présenté jeudi une première salve aux présidents des groupes parlementaires, qui lui ont donné leur feu vert.
Parmi ces premières étapes, figurent la restriction de l'accès du Parlement européen aux anciens élus, qui jusqu'à présent gardaient porte ouverte, ou l'enregistrement dans le registre de transparence de tous les intervenants extérieurs. Roberta Metsola veut également que soient publiés les cadeaux, voyages ou rencontres des eurodéputés dans le cadre de leur mandat, mais aussi les sanctions infligées.
Professeur en droit de l'UE à HEC, Alberto Alemanno ne croit pas que «l'imposition de ces petites règles soit suffisante pour créer une nouvelle culture politique au Parlement européen». «Ce scandale est bien plus grave que les autres pour la crédibilité de l'Union européenne, on pouvait s'attendre à une réponse un peu plus sérieuse, un peu plus structurelle que par le passé», considère le juriste, interrogé par l'AFP.
«Le début»
La présidente du Parlement européen, elle, a insisté lundi sur le fait que c'était «le début et non la fin». «Nous allons commencer avec les mesures qui peuvent se mettre en œuvre rapidement», a-t-elle argumenté.
Les eurodéputés, qui doivent débattre mardi soir sur les nouveaux développements du «Qatargate», réclament eux d'aller plus loin.
Le Français Stéphane Séjourné, chef de file du groupe Renew (centristes et libéraux), insiste notamment sur la nécessité de créer une «haute autorité pour la transparence de la vie publique au niveau européen», idée déjà mise sur la table par la Commission européenne par le passé, mais jamais concrétisée.
Levée d'immunité
Alors que persiste la crainte de voir le scandale s'étendre, la justice belge a demandé la levée de l'immunité parlementaire de deux autres eurodéputés du groupe des socialistes et démocrates (S&D): le Belge Marc Tarabella, dont le domicile a été perquisitionné en décembre, et l'Italien Andrea Cozzolino.
Lancée en urgence début janvier, la procédure de levée d'immunité, qui compte plusieurs étapes, a été officiellement communiquée lundi aux eurodéputés pour un aboutissement espéré en février.
«Nous ne sommes pas dans une tour d'ivoire imaginaire»
Mercredi, les eurodéputés procéderont aussi à l'élection d'un nouveau vice-président ou d'une nouvelle vice-présidente pour remplacer Eva Kaili. Les candidats à cette fonction seront connus mardi soir.
«Nous ne sommes pas dans une tour d'ivoire imaginaire», a insisté Roberta Metsola, qui a promis depuis le début du scandale qu'il n'y aurait pas d'impunité.
Dans un entretien à l'AFP, la médiatrice de l'UE, Emily O'Reilly, a estimé que ce scandale devait provoquer un véritable «changement de culture» au sein de l'institution.
«Même si le style de corruption dont nous parlons avec le Qatargate a un côté très spectaculaire, avec les billets, les valises, etc., la corruption a lieu à des niveaux très différents, et tous ne sont pas visibles à l'œil nu comme ce que nous avons vu ces dernières semaines à la télévision», a-t-elle souligné.
(ATS)