Guerre en Ukraine, énergie, industrie, migration...
2023, l'année de tous les dangers pour l'Union européenne

L'Union européenne aura un agenda très rempli en 2023. Le premier défi est celui posé par la guerre en Ukraine. Mais sur bien d'autres fronts, les 27 devront à nouveau démontrer leur unité et leur crédibilité.
Publié: 05.01.2023 à 08:37 heures
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Dernière mise à jour: 05.01.2023 à 12:55 heures
Le 20 octobre 2022, la présidente de la Commission européenne Ursula von Der Leyen s'est de nouveau rendue à Kiev. Objectif: réitérer le soutien illimité de l'UE à l'Ukraine agressée par la Russie. Cet engagement sera testé grandeur nature en 2023
Photo: Michael Fischer/dpa
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ukraine – Energie – Concurrence industrielle et technologique – Migration – Euro. Ces cinq mots (ou cinq maux) planeront, tout au long de 2023 au-dessus de l’Union européenne (UE) et, par conséquent, au-dessus de ses voisins les plus proches.

Si l’UE parvient à y faire face, cette communauté unique au monde de 27 pays membres aura de nouveau démontré sa solidité, après le choc de la pandémie de Covid-19 en 2020 et 2021. Si les failles s’élargissent en son sein, en revanche, les interrogations seront de plus en plus nombreuses. En Suisse, où le Conseil fédéral a finalement publié le 9 décembre son rapport sur l’état actuel des relations entre la Confédération et l’Union, le débat sur la nécessité, ou non, d’un nouvel accord bilatéral entre Berne et Bruxelles en subira les conséquences.

Pourquoi cibler ces défis plutôt que d’autres? On pense à la transition climatique, à la question du respect de l’Etat de droit qui sera relancée par les élections législatives en Pologne à l’automne, aux divergences entre Paris et Berlin… Sans oublier la corruption, mise en lumière par le «Qatargate» et l’arrestation, le 10 décembre dernier, de l’ex vice-présidente grecque du parlement européen, Eva Kaili, toujours en détention. Mais bon, il fallait bien choisir.

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Le défi de l’Ukraine

Chaque jour, la guerre déclenchée par l’agression de la Russie le 24 février 2022 est un défi pour l’Union européenne qui a accordé à l’Ukraine, le 24 juin, le statut de pays candidat. Mais au-delà des négociations à venir, quatre questions sont posées à l’UE, qui tiendra un sommet très symbolique à Kiev le 3 février:

  1. Jusqu’où accroître les sanctions contre la Russie après l’adoption, le 16 décembre, d’un neuvième «paquet» de mesures?
  2. Jusqu’où aller dans l’aide directe à l’Ukraine, après les 46 milliards d’euros débloqués en 2022 (47 milliards de dollars du côté américain, dont 23 milliards en aide militaire)?
  3. Comment répondre, du point de vue de la défense et de la sécurité du continent européen, au retour en force de l’OTAN, dominée par les Etats-Unis?
  4. Faut-il, ou non, que l’UE prenne l’initiative de renouer le dialogue avec Vladimir Poutine, en sachant que certains pays voudraient d’abord voir le maître du Kremlin devant la justice internationale pour «crimes de guerre»?

Sur chacun de ces points, les désaccords entre pays membres sont importants, avec en arrière-plan, l’inquiétude de nombreuses capitales à propos de la corruption en Ukraine et des dégâts causés à l’économie des 27. Un seul exemple: faut-il, ou non, passer du gel des avoirs des oligarques russes à leur confiscation? Si cette mesure est décidée, la Suisse qui a jusque-là appliqué les sanctions européennes, sera inévitablement montrée du doigt.

Autre sujet lié à la guerre en Ukraine: l’avenir de la Communauté politique européenne lancée le 11 octobre 2022 à Prague. Elle doit permettre d’associer à l’UE des pays non-membres, dont la Suisse. Prochains sommets: au printemps en Moldavie, puis à l’automne en Espagne.

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Le défi énergétique

Ce défi-là est multiple. Il peut être résumé à quatre priorités:

  1. La réforme indispensable du marché européen de l’électricité et la mise en œuvre d’achats en commun de gaz et de pétrole, à prix plafonné (60 dollars le baril de brut, 180 euros le Mégawatt/heure) si les cours s’envolent de nouveau, comme le prévoient les accords récents conclus à Bruxelles.
  2. L’installation de nouvelles infrastructures portuaires adaptées pour recevoir le gaz liquéfié acheté aux Etats-Unis, mais aussi au Qatar ou à l’Algérie.
  3. La nécessité d’une stratégie commune sur le nucléaire, sur les renouvelables et sur l’hydrogène – énergies compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique.
  4. La construction rapide de nouvelles infrastructures (lignes haute tension, gazoducs, etc.) pour acheminer l’énergie vers les pays jusque-là les plus dépendants du gaz russe comme les Pays baltes, la Pologne ou la Hongrie.

Le nerf de la guerre est la capacité collective d’investissement, et la convergence indispensable des «mix énergétiques» (le type d’énergie utilisé par chaque pays). Pour la Suisse, la question de l’accès au marché européen de l’électricité est cruciale, notamment pour le transit de l’électricité et pour bénéficier des mêmes prix d’achat que les 27.

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Le défi industriel et technologique

Le terme est vague. La réalité est simple.

  1. Faut-il un plan d’aides d’Etat massif à l’industrie européenne, pour répondre à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain qui prévoit d’allouer plus de 400 milliards de dollars aux entreprises «Made in USA», officiellement pour leur transition énergétique? Si oui, l’UE reniera sa politique de concurrence qui l’a tant opposée à la Suisse depuis des décennies. Elle recommencera à subventionner ses producteurs. La Commission européenne a fait des premières propositions à la mi-décembre et un débat est attendu début 2023.
  2. Comment éviter que la guerre en Ukraine, qui favorise le complexe militaro-industriel américain exportateur d’armes, augmente la domination des Etats-Unis dans des domaines clés comme la surveillance numérique, les infrastructures digitales. Bref, l’exploitation des données sous toutes ses formes.
  3. Faut-il continuer d’avancer aux forceps vers la voiture électrique, comme l’impose la décision européenne d’interdire la commercialisation des moteurs thermiques d’ici à 2035, prise en octobre 2022? Si oui, le risque de carnage industriel est majeur. Des premières réponses doivent intervenir pour le secteur automobile en 2023, au-delà de l’Alliance européenne pour les batteries électriques lancée en février.
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Le défi migratoire

Un seul nom dit l’importance politique de ce défi: celui de Giorgia Meloni, la nouvelle présidente du Conseil en Italie, issue de la mouvance néofasciste. D’emblée, celle-ci a affronté Emmanuel Macron sur le sujet de l’accueil des bateaux humanitaires et des migrants qu’ils sauvent en Méditerranée. Un autre nom est décisif: celui du parti d’extrême droite des Démocrates de Suède, arrivé en seconde position aux législatives du 11 septembre 2022. Or la Suède assume depuis le 1er janvier la présidence tournante de l’Union européenne. L’Espagne suivra le 1er juillet.

Que faire face au défi migratoire, rendu encore plus compliqué par le déferlement de réfugiés ukrainiens sur le continent, en raison de la guerre? Les trois sujets les plus épineux sont:

  1. Les «hotspots», ces centres d’accueil et de «tri» des migrants (pour identifier ceux qui peuvent bénéficier du droit d’asile), dont on connaît les difficultés à Moria, sur l’île de Lesbos en Grèce.
  2. La répartition des migrants et le passage de ceux-ci d’un pays à l’autre, souvent en vue de partir au Royaume-Uni, avec en arrière-plan la question des conditions d’accueil différentes entre Etats membres.
  3. Le renvoi des migrants déboutés vers leurs pays d’origine. En France, le nouveau projet de loi bientôt discuté au parlement prévoit de «mieux intégrer et mieux expulser». Dans les deux cas, pour le moment, l’Union européenne est incapable d’apporter des réponses acceptables pour tous les Etats, malgré l’augmentation des moyens de l’agence Frontex (dont la Suisse fait partie) dirigée depuis la mi-décembre par un nouveau chef: le néerlandais Hans Leijtenspar. A noter: l’entrée depuis le 1er janvier d’un nouveau pays membre dans l’espace Schengen de libre circulation: la Croatie, voisine des Balkans…
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Le défi de l’euro

De nombreux économistes prévoient une année 2023 très difficile pour la zone euro composée de vingt pays (avec la Croatie depuis le 1er janvier), mais ils prévoyaient aussi le pire en 2022, et la monnaie européenne a tenu bon. Deux questions dominent:

  1. La soutenabilité du niveau d’endettement de certains pays comme la Grèce (195% du produit intérieur brut en 2021), l’Italie (plus de 150% du PIB), l’Espagne (116% du PIB) ou la France (113% du PIB). Avec cette question simple: sera-t-il possible, alors que les taux d’intérêt augmentent, de continuer à se refinancer sur les marchés, et à quel coût?
  2. La divergence des économies de la zone euro, alors que la concurrence va s’accroître, entre Etats membres, pour relocaliser les usines si des aides d’état massives sont consenties.

La France a un plan. Elle propose, dans le cadre d’une offensive en faveur du «Made in Europe», une nouvelle émission de dette commune européenne comparable aux 750 milliards d’euros du plan «Nextgeneration EU» adopté en juin 2020, malgré les réticences des pays «frugaux» comme les Pays-Bas ou la Finlande.

Ukraine – Energie – Concurrence industrielle et technologique – Migration – Euro. Ces défis-là façonneront cette nouvelle année européenne. Avec, pour le moment, bien plus de questions que de réponses.

Retrouvez Richard Werly sur France 24, pour les défis de 2023:

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