Les élections européennes 2024 approchent à grands pas. En juin prochain, le Parlement européen sera renouvelé. De nombreux opposants à l'Union européenne (UE) pourraient bien y accéder. En fond d'une situation géo-politique déjà compliquée, les tensions pourraient être amenées à augmenter à Bruxelles. Les pronostics penchent vers un climat de mécontentement, de réformes et de tendances extrêmes, notamment à droite.
L'Allemagne a déjà manifesté son agacement. «Nous pourrions organiser un référendum sur le Dexit, une sortie de l'Allemagne de l'UE», a déclaré Alice Weidel, co-présidente du parti d'extrême droite allemand AfD dans un entretien avec le «Financial Times». Le Brexit est «un modèle pour l'Allemagne», a-t-elle ajouté. La politicienne a également évoqué les déficits démocratiques de l'UE et la nécessité de réformer l'Union européenne.
Un projet qui, selon Frank Decker, politologue à l'Université de Bonn, est plutôt irréaliste: «Un Dexit à l'ordre du jour? Plutôt improbable.» Néanmoins, les paroles d'Alice Weidel sont approuvées par certains grands groupes d'électeurs. De nombreux Européens sont mécontents de l'UE. Très mécontents.
L'extrême droite devrait monter en puissance
Une étude publiée récemment par le European Council on Foreign Relations (ECFR) dresse le portrait d'une élection européenne qui ne reflète pas seulement ce mécontentement, mais qui pourrait soulever de profondes questions sur l'avenir de l'UE. L'institut prédit un «violent glissement vers la droite» pour le scrutin du 6 au 9 juin 2024. Le Parlement européen pourrait être non seulement plus à droite, mais aussi plus anti-européen après les élections.
Avec le glissement attendu vers la droite et la montée des forces eurosceptiques, l'UE se trouve à la croisée des chemins, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes pour ses Etats membres et ses citoyens. La question est donc de savoir si l'on se trouve à la veille de la désintégration de l'Union européenne.
L'ECFR s'attend à ce que le Parti populaire européen (PPE) de centre-droit, le parti socialiste européen (PSE) de centre-gauche, le parti centriste Renew Europe (RE) et les Verts (AEL) perdent des sièges en juin. La gauche plus radicale et surtout la droite populiste, y compris les Conservateurs et réformistes européens (CRE) et le parti d'extrême droite Identité et démocratie (ID), pourraient bien progresser.
Frank Decker craint qu'un tel déplacement des forces politiques ne mette l'UE à l'épreuve. «Avec la croissance à droite du PPE, il deviendra difficile de continuer à développer l'UE.» La probabilité que les groupes populistes sabotent les décisions du Parlement européen devient plus réaliste avec une telle évolution.
Les populistes se chamaillent entre eux
L'Union européenne est-elle donc sur le point de disparaître? Selon le professeur allemand, il est trop tôt pour prononcer des oraisons funèbres. Certes, les forces populistes au sein du Parlement européen augmentent, mais elles sont en même temps confrontées à un dilemme: l'extrême droite est très douée pour se battre contre elle-même.
Après les élections de juin, trois des plus grandes délégations parlementaires européennes seront probablement composées de populistes de droite, probablement Giorgia Meloni de Fratelli d'Italia, Marine Le Pen du Rassemblement national et Alice Weidel de l'AfD. Mais les choses bouillonnent entre ces partis. Chaque tête travaille selon une recette différente.
Jeudi, Marine Le Pen a pris l'AfD pour cible après que des radicaux proches et internes au parti aient discuté en Allemagne d'un «plan directeur» pour la déportation de millions d'Allemands issus de l'immigration. La fille de Jean-Marie Le Pen, qui s'efforce depuis des années de se montrer plus modérée, a déclaré qu'elle était contre la «remigration» et a remis en question le fait que son parti puisse encore siéger à côté de l'AfD au sein du groupe ID.
Il y a deux ans, une tentative d'intégrer des députés du parti hongrois de droite Fidesz de Viktor Orban dans les groupes de droite de l'UE CRE ou ID a échoué. Les Hongrois se trouvent toujours dans l'impasse politique après leur scission du Parti populaire européen.
Quel sera l'avenir de l'UE?
De nombreux experts politiques prédisent que les impasses au Parlement européen deviendront la nouvelle normalité. Non seulement parce que les forces de droite bloquent les décisions globales de l'UE, mais aussi parce qu'elles se sabotent mutuellement.
L'Union européenne doit trouver un moyen de combler le fossé politique qui la menace si elle veut préserver ses idéaux, estime Frank Decker. Les tensions et les divergences au sein des groupes populistes de droite pourraient paradoxalement offrir à l'UE l'occasion de se consolider et de se renouveler, chose qui est, à ce stade, définitivement nécessaire.
Frank Decker a pourtant une idée claire de ce qui devrait changer dans l'UE: «L'Europe doit mieux s'affirmer dans le monde. Cela a également un rapport avec la politique de défense, que l'UE doit aborder avec tous les Etats membres». Le deuxième défi est le suivant, selon lui: «L'Europe doit à nouveau parvenir à une simultanéité entre l'élargissement et l'approfondissement de l'intégration».