Ils ne veulent plus de «l’Europe de Macron». Ils? Les paysans français en colère, qui dénoncent les réglementations écologiques européennes, pourtant justifiées au regard des impératifs de lutte contre le climat, comme une pression administrative trop coûteuse et insupportable. Au vu du risque d’incendie social dans les campagnes, et de blocage routier généralisé, le gouvernement français a promis des mesures ces jours-ci. C’est le premier dossier géré en urgence par le jeune Premier ministre Gabriel Attal, 34 ans.
Mais comment se sortir de ce piège européen, dont le Rassemblement national compte bien profiter, en mettant tout sur le dos de Bruxelles? Le député de la Meuse Bertrand Pancher, président du groupe indépendant Liot à l’Assemblée nationale, a quelques idées.
Bertrand Pancher, vous avez regardé la conférence de presse d’Emmanuel Macron? Vous lui faites encore confiance? Ce président peut tenir face à la révolte des paysans et aux autres colères?
Je n’ai vu qu’une chose: un long show médiatique. Emmanuel Macron a annoncé des mesures gadgets. Aucune mesure d’ampleur, qui corresponde aux grandes préoccupations de nos concitoyens. On voit le résultat avec les barrages d’agriculteurs, et la révolte des territoires ruraux. Macron prouve, à nouveau, qu’il est un président déconnecté. Il refuse d’avancer vers la seule révolution qui peut vraiment changer la donne: une révolution démocratique, combinée avec un choc de décentralisation et un recours au référendum. Sur ce dernier point, le président en a parlé. Mais il n’y croit pas, c’est évident.
Les paysans en colère, c’est une crise de la démocratie?
Oui, car les agriculteurs, comme une immense majorité de Français, ne croient plus du tout en la parole publique. Et ils ne comprennent pas comment Emmanuel Macron, défenseur de la souveraineté européenne, peut encore répondre à leurs besoins. Les Français sont lucides: ils connaissent le niveau d’endettement public du pays, ils savent que les services publics ne cessent de se dégrader, ils voient que les règles européennes se font à leur détriment. L’Europe de Macron existe. C’est celle qui oublie les gens. Je le dis, car je suis proeuropéen. Il faut agir vite, car, sinon, la droite nationale populiste va rafler la mise.
Macron ne fait pas du Sarkozy, ce président que vous avez jadis soutenu?
Il fait du Sarkozysme en pire. J’ai quitté autrefois l’UMP (aujourd’hui Les Républicains) en raison des prises de position de Sarkozy sur les migrants et sur les valeurs de la république. Or, on fait pire maintenant, avec l’éloge de la préférence nationale.
Gabriel Attal, c’est un espoir?
Non, c’est du jeunisme pour s’opposer à Jordan Bardella, la tête de liste du Rassemblement national aux élections européennes. C’est de la communication. On est dans un casting politique. On avait besoin du contraire: d’un Premier ministre qui saurait incarner les territoires et la classe moyenne, par un jeune privilégié parisien. Ce gouvernement, c’est la victoire de Paris sur la France, et cela nous ramène à la colère des paysans qui le ressentent ainsi. Je pense à Rachida Dati au ministère de la Culture. C’est Paris, toujours Paris!
Les territoires, c’est le combat à mener au sein de l’Union européenne?
Bien sûr. C’est le combat essentiel. Et la défense des territoires passe aussi par les territoires ultramarins. Je reviens de l’île de Mayotte. C’est une catastrophe. Il faut arrêter de ne s’intéresser qu’aux catégories professionnelles supérieures. C’est pour cela que nous allons présenter une liste aux élections européennes du 9 juin. Dès la fin décembre, j’ai apporté mon soutien aux agriculteurs en souffrance dans mon département de la Meuse. Le 4 janvier dans mes vœux, j’ai dénoncé l’excès de normes et le manque d’écoute qui détruisent notre agriculture. Il faut des actions urgentes pour protéger notre souveraineté alimentaire et améliorer le revenu des agriculteurs. L’Europe doit protéger nos agriculteurs. Ce sera notre combat. Nous mettrons en avant des élus locaux. Il ne faut surtout pas laisser l’extrême-droite profiter de cette crise. On peut apporter des réponses.
Et comment?
En abordant les sujets de manière concrète. En refusant une intégration européenne qui lamine les classes moyennes. En utilisant le référendum pour donner du pouvoir aux gens, en cherchant des compromis à l’Assemblée nationale plutôt qu’en adoptant des décrets ou en utilisant la procédure d’urgence de l’article 49.3 de la Constitution. On doit créer un choc de l’écoute. C’est aussi ce que les paysans demandent. On ne les a pas écoutés. On a légiféré au niveau européen en oubliant qu’ils sont les racines de nos sociétés. Nos racines!