Connaissez-vous la CRS 8? Si non, c’est que vous ne suivez pas l’actualité des faits divers en France. Au sein de la police, cette Compagnie républicaine de sécurité est l’équivalent d’un commando des forces spéciales. Environ 200 hommes et femmes spécialisés dans les violences urbaines et déployés dès que la tension dégénère dans les grandes villes françaises, dans l’hexagone comme en outre-mer.
Je parle de la CRS 8, dont une partie des effectifs est arrivée ces jours-ci à Marseille, dans le quartier Maison-Blanche, en proie aux règlements de comptes, parce qu’elle opérait encore, en juin, dans le quartier de Pissevin à Nîmes, la préfecture du Gard. Un quartier où un garçonnet de dix ans a trouvé la mort la nuit dernière, lors d’une fusillade destinée, semble-t-il, à abattre son oncle qui se trouvait au volant. Il est donc possible qu’elle y soit de nouveau envoyée sous peu pour «ratisser» les environs.
La CRS 8 à la rescousse
Suivre les mouvements de la CRS 8 à travers la France donne une idée de l’ampleur des violences qui secouent régulièrement le pays, sur laquelle surfe évidemment la droite nationale populiste. En quelques mois, ces policiers d’élite, capables d’intervenir dans «les quartiers perdus de la République» comme on désigne souvent ces zones urbaines, ont été envoyés plusieurs fois à Marseille, mais aussi à Chassieu dans la banlieue de Lyon, à Dijon, à Nîmes et à Nantes.
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À chaque fois, le même spectacle à leur arrivée: des quartiers aux mains de bandes rivales, ou de groupes d’individus liés la plupart du temps au trafic de stupéfiants. Avec un inévitable lot de morts accidentelles: l’oncle apparemment visé par l’embuscade à Nîmes n’était selon toute vraisemblance pas connu des services de police.
Mais les parages, eux, sont tout sauf sécurisés. Dans ce quartier de Pissevin — dont le nom tire son origine des vignobles environnants, un homme de 39 ans avait été abattu en janvier 2023 dans une fusillade sur fond de trafic de stupéfiants. Et selon des chiffres de l’ancien procureur de Nîmes, une quinzaine de règlements de compte ont fait huit morts à Nîmes en 2020 et trois en 2021, notamment à Pissevin, où les barres d’immeubles disent les difficultés sociales de la population locale.
Guerre des gangs ? Ce terme est ouvertement utilisé par les médias de droite centrés sur les questions sécuritaires comme l’hebdomadaire «Valeurs Actuelles». «Héroïque comme un flic en France», «Touche pas à ma police», «L'armée peut-elle sauver la France?», «Drogue, l’état de guerre»… Ces couvertures du magazine publiées en 2022-2023 focalisent toutes sur le même sujet: l’impossible pacification des quartiers. Un autre magazine, «Le Point», a récemment titré lui sur «La guerre des gangs».
Le récit vidéo de la fusillade du quartier de Pissevin
Le tragique fait divers de Nîmes doit-il être associé à cette réalité du banditisme rampant, souvent lié à la main mise de bandes de narcotrafiquants sur des périmètres de deal ? Sans doute.
La radio France Info se faisait l’écho de cette inquiétude au printemps, après une fusillade en Meurthe-et-Moselle: «Règlements de compte à Cavaillon (Vaucluse), coup de filet à Mersac, près d’Angoulême (Charente), guérilla urbaine entre narcotrafiquants à Valence (Drôme), et des saisies records. Le trafic de drogue gagne du terrain et s’implante au fil des mois dans toutes les villes moyennes. Il existerait en France près de 4 000 points de deal, selon le ministère de l’Intérieur. Des petites villes en apparence paisibles, comme au Creusot (Saône-et-Loire), où l’hiver dernier, en pleine nuit, un homme a mitraillé la façade d’un bar-tabac fréquenté par des trafiquants de drogue».
Et d’ajouter: «Le marché de la drogue ne cesse de s’étendre sur tout le territoire, et 2022 a été une année record. Toutes drogues confondues, près de 66 tonnes ont été saisies. Il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg».