Comment un garçonnet de deux ans peut-il disparaître dans un hameau des Alpes-de-Haute-Provence, où tout le monde se connaît? Depuis le samedi 8 juillet – date de sa disparition, alors qu’il séjournait chez ses grands-parents dans leur résidence secondaire en altitude – les rumeurs qui enflent sur les réseaux sociaux sur les disparitions d’enfants en France ont aussitôt repris de plus belle. Onze jours plus tard, voici les cinq questions les plus troublantes au sujet de ce drame, pour lequel une alerte enlèvement n’a pas été activée.
Émile peut-il avoir été enlevé au Vernet?
La réponse des gendarmes et des autorités est pour l’heure négative. Le hameau où l’enfant a disparu, composé d’une trentaine de maisons dans la commune du Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), est à environ une heure de route de Gap, dans les Hautes-Alpes. Tout le monde se connaît. L’idée qu’un kidnapping ait pu y avoir lieu n’a pas été retenue. La disparition du garçonnet s’est déroulée samedi 8 juillet dans l’après-midi, alors que ses grands-parents préparaient leur voiture en vue d’un déplacement.
L’enfant a été vu par deux passants vers 18 heures dans la rue principale du village, mais ceux-ci n’ont pas donné l’alerte. Une enquête préliminaire a été ouverte mardi pour recherche des causes de disparitions inquiétantes.
Les gendarmes ont-ils négligé des pistes?
C’est l’une des questions qui fait le buzz sur les réseaux sociaux et Internet. Elle est rebattue par la sphère complotiste, mais les forces de l’ordre et les parents du garçon ont aussi été interpellés par l’ancienne candidate socialiste à la présidentielle Ségolène Royal. De nombreux médiums se sont fait connaître et ont proposé leurs services pour retrouver le garçonnet. «Des prétendus médiums, voyants, cartomanciens profitent de la situation pour se mêler de l’enquête, note le quotidien régional «La Provence». Ils déclarent avoir communiqué avec le petit garçon, et ce, notamment grâce à l’utilisation de pendules ou de cartes de tarot divinatoires. Ils vont même jusqu’à prétendre avoir entendu le petit garçon leur parler.»
Le procureur de la République chargé de l’enquête affirme, lui, que rien n’a été négligé: sur place, les 30 bâtiments du hameau ont été totalement visités. 25 personnes ont été entendues. 12 véhicules ont été fouillés et une battue a été organisée sur plusieurs dizaines d’hectares.
Émile serait-il dans les mains de trafiquants d’enfants?
Cette accusation anime aussi les réseaux sociaux. Une personnalité comme l’ex-animateur Karl Zéro se fait remarquer depuis des années en insistant sur les rapts d’enfants cachés en France. «La cause des enfants disparus, on devrait en faire un combat de chaque jour», distille-t-il lors de chacune de ses apparitions télévisées. Il faut dire qu’en dehors de l’affaire Émile, les chiffres donnent le tournis. En France, un enfant est signalé disparu toutes les douze minutes! 43’202 mineurs ont été signalés disparus en 2022 selon «Le Figaro».
Le numéro d’aide 116 000 «enfants disparus» a été composé plus de 100’000 fois l’an dernier, même si de nombreux appels se sont révélés erronés. Attention: selon les chiffres du «Figaro», la plupart des disparitions concernent des adolescents: 95% correspondent à des fugues. La majorité des fugueurs sont des mineurs âgés de plus de 15 ans (63%). La part de très jeunes mineurs en fugue augmente d’année en année pour atteindre 37,9% en 2022.
Retrouvez l’enquête sur Émile, disparu le 8 juillet
La famille d’Émile est-elle problématique?
L’attention des enquêteurs s’est surtout portée sur son père, connu des milieux d’extrême droite de la région. Tout est parti d’un article du quotidien «La Dépêche du Midi» selon lequel ce père de famille «était très autoritaire et haussait le ton rapidement pour réprimander des gens qui n’avaient pas, selon lui, la bonne attitude» lors des fouilles des maisons du hameau. Cet homme est âgé de 26 ans et vit avec son épouse près de Marseille.
Ingénieur, il a milité au mouvement d’extrême droite, royaliste et nationaliste, nommé Action Française. Il aurait également rejoint le Bastion Social Marseille, un groupuscule néofasciste violent, avant sa dissolution en 2019. Il avait comparu devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence en 2018 pour agression de deux personnes d’origine maghrébine, puis relaxé.
On se souvient que la France a été happée, en 2018, par le feuilleton de l’enlèvement de la petite Mia par un commando téléguidé depuis la Malaisie par Rémy Daillet, figure d’un mouvement complotiste, ensuite emprisonné, puis jugé et libéré. Il est soupçonné d’être impliqué dans trois affaires d’enlèvement d’enfants.
La justice française a-t-elle omis des indices?
Le procureur a estimé, vendredi 14 juillet que «l’enquête de terrain est désormais presque terminée». Les enquêteurs font désormais face à un minutieux travail d’analyse des données recueillies pendant la première semaine. Ils devront passer au crible les 1200 appels passés à la ligne téléphonique dédiée ou encore la masse considérable d’informations concernant la téléphonie de toutes les personnes ayant «borné» vers le Vernet samedi 8 juillet.
Un office religieux a été célébré dans le village dont dépend Le Vernet ce samedi 15 juillet. Des messes sont par ailleurs organisées tous les jours dans la petite chapelle du hameau alpin.