Pas étonnant que la Suisse neutre s’intéresse à l’OTAN et cherche à se rapprocher de cette Alliance atlantique crée en 1949 autour des États-Unis. Au sommet de Vilnius qui vient de s’achever, c’est un peu la dangerosité du monde actuel qui était de nouveau la vedette. Problème: les remèdes proposés par l’Organisation de l’Atlantique Nord posent aussi de sérieuses questions. Tableau critique.
Ukraine, la guerre va se poursuivre
Volodymyr Zelensky repart de Vilnius avec de nouvelles promesses de livraisons d’armes, avec une déclaration solennelle des pays riches du G7 à soutenir son pays à long terme. Il repart aussi avec une première marche franchie sur le seuil de l’organisation, puisqu’un Conseil OTAN-Ukraine existe désormais. Traduction: la guerre va se poursuivre sur le terrain, avec l’espoir que les nouvelles armes occidentales, comme les missiles Scalp/Storm Shadow donnés par la France ou les bombes à sous munitions données par les États-Unis, permettent de percer les défenses russes.
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L’adhésion rapide du pays à l’OTAN était défendue par certains, comme la Pologne, comme moyen de geler le conflit. Joe Biden et le chancelier Allemand Scholz y étaient opposés, à la fois pour conserver une marge de manœuvre vis-à-vis de la Russie, puissance nucléaire. Résultat: la guerre va se poursuivre. Et Poutine sait que tant que le conflit durera, l'OTAN n'arrivera pas aux portes du Donbass.
Europe, la stratégie du hérisson
Le continent européen doit devenir inattaquable. C’est-à-dire tellement bien armé que personne n’osera s’y frotter. Cette stratégie du hérisson résume bien les décisions prises par l’OTAN, dont une partie sont restées secrètes. La volonté est de renforcer le déploiement de troupes prêtes au combat au nord (l’entrée de la Finlande et de la Suède le permet) et à l’est du continent. On parle de 300 000 hommes, soit deux fois plus qu'actuellement. Sur 31 pays membres de l’Alliance, seuls onze consacrent aujourd’hui au moins 2% de leur richesse nationale à leur défense, le minimum convenu ensemble. Volodymyr Zelensky a toutefois eu raison de redire que le hérisson européen est aussi protégé par la guerre en Ukraine. Rappel: maintenant que la Turquie a levé son véto sur l’entrée de la Suède dans l’Otan, seuls quatre pays restent neutres sur le continent européen: la Suisse, l’Autriche, l’Irlande et Malte. Pas sûr que ce soit longtemps compatible avec le hérisson.
Joe Biden, le shérif incontesté
Le président américain a fait très peu d’apparitions publiques au sommet de Vilnius. Son premier bain de foule a consisté à discuter, une dizaine de minutes, avec des Lituaniens massés au pied de «Air Force One» lors de son arrivée lundi soir. Puis il a prononcé un discours à l'université. Point important: sa seule participation à une conférence de presse a eu lieu aux côtés des chefs de gouvernement du Japon et de la Corée du Sud, alliés cruciaux des États-Unis face à la Chine. Le message est clair: l’agenda de l’OTAN doit se calquer sur celui des États-Unis, y compris si l’Alliance a été conçue pour défendre l’Atlantique, pas le Pacifique. De quoi semer le trouble au sein des pays du sud.
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Zelensky, l’heure des remerciements
Le président ukrainien a vite changé de ton. Avant son arrivée mardi soir à Vilnius, il avait qualifié «d’absurde» dans un tweet la décision de ne pas laisser l’Ukraine intégrer l’OTAN tout de suite. Il a multiplié, dès le lendemain, les remerciements en affirmant «comprendre» les assurances données par les alliés. Normal. Tour à tour, Joe Biden et plusieurs dirigeants européens l’ont rappelé à la réalité. Tous doivent convaincre leurs opinions publiques. Tous doivent «vendre» à leurs citoyens le coûteux soutien militaire à l’Ukraine. Alors, pas question d’accepter les colères de Zelensky! En clair: c’est un recadrage qui a eu lieu à Vilnius même si le mot d’ordre des alliés reste identique: le soutien à Kiev «autant qu’il faudra» et aussi longtemps que nécessaire face à la Russie.
Suivez en replay la conférence de presse du sommet:
La Turquie, maître du jeu
Bien joué Erdogan! Le président turc a confirmé son habileté diplomatique et son art de la surenchère. En levant in extremis son veto à l’entrée de la Suède dans l’Otan – il incombe désormais au parlement turc de décider – Recep Tayyip Erdogan a joué quatre coups gagnants. 1) Il impose aux Européens un «donnant-donnant» sur des questions comme les visas, les négociations d’adhésion «au point mort» ou le renouvellement de l’accord sur la gestion des migrants. 2) Il démontre aux États-Unis qu’il n’est pas un empêcheur au sein de l’OTAN. 3) Il marque ses distances avec la Russie, sachant qu’il doit néanmoins rencontrer Vladimir Poutine en août. 4) Il ménage sa place d’entremetteur diplomatique en cas de négociations ou de conférence de paix.
Comment l’OTAN défend l’Europe en 2023? Comme toujours depuis sa création. En imposant aux Européens l’agenda de Washington, et en faisant bloc face à la Russie, autour de l’Ukraine. Vladimir Poutine rêvait d’affaiblir cette alliance qui, désormais, est à ses frontières sur des milliers de kilomètres avec l’intégration de la Finlande et de la Suède. Il l’a transformée en forteresse plus inexpugnable que jamais.