Merci, Monsieur le président! Merci d’avoir (enfin) choisi le silence en ce 14 juillet 2023! Merci de n’avoir pas opté, une fois de plus, pour l’annonce en direct, à la télévision, d’une interminable liste de mesures à prendre pour redresser la France!
Merci de ne pas avoir refait, comme au printemps après la bataille sociale des retraites, l’erreur des «100 jours» et de l’apaisement forcé, au moment où le pays panse à peine les plaies de ses émeutes récentes!
Narendra Modi, invité d’honneur
Merci aussi de n’avoir pas – alors que le Premier ministre indien Narendra Modi était ce vendredi votre invité d’honneur sur les Champs-Élysées – mélangé les genres en laissant croire que votre France est forte parce qu’elle sait faire défiler canons Caesar, missiles et chars d’assaut.
La réalité, que vient d’illustrer le sommet de l’OTAN à Vilnius, est malheureusement moins reluisante que les uniformes de vos soldats: chahuté par vos difficultés parlementaires, noyé par l’addition bientôt astronomique de sa dette publique, assommé par les émeutes et menacé de délitements multiples, le pays a besoin de calme plus que d’incantations. La «disruption» et la «révolution» que vous affirmiez vouloir porter lors de votre campagne présidentielle de 2017 ont jusque-là rencontré trop d’obstacles pour ne pas appuyer sur le bouton «pause».
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Merci, surtout, de ne pas brusquer de nouveau ce «vieux pays», comme le disait en 2003, au moment du non à la guerre américaine en Irak, Dominique de Villepin, décoré vingt ans plus tard, ce 14 juillet 2023, de la Légion d’honneur.
Nous savons, vu de Suisse, combien les changements sont nécessaires. Nous peinons aussi, souvent, à comprendre l’effréné conservatisme de nombreux Français et leur peur de la concurrence et du libéralisme, leur passion de l’État qui vous dorlote jusqu’à vous asphyxier, leur phobie permanente du complot anglo-saxon. Sauf que nous connaissons aussi l’autre face de la France: son ingéniosité à se battre contre elle-même, à critiquer plutôt qu’à agir, à délaisser les faits d’aujourd’hui pour les chimères d’un passé qui, rappelons-le, ne fut pas toujours glorieux.
L’impatience généralisée
Les chaînes d’information en continu, les réseaux sociaux, l’impatience médiatique généralisée devenue la règle pour gouverner… Tout ce bruit défend, depuis des jours, la thèse d’un remaniement gouvernemental pour donner un nouvel élan à votre second mandat fragilisé.
Vous avez choisi, ce 14 juillet, de ne pas vous laisser prendre par cet engrenage de la parole vaine, après y avoir malheureusement eu souvent recours. Tant mieux! Se taire est une vertu parfois solennelle. Le silence peut permettre d’éviter l’incandescence.
Demain sera un autre jour. Le temps de vos annonces viendra a priori d’ici à la fin du mois. L’histoire dit que le 14 juillet 1789, jour de fureur, de colère et de révolution, n’est pas la référence choisie, en 1880, pour la fête nationale. C’est le 14 juillet 1790 que choisirent alors d’honorer les parlementaires de la Troisième République.
«Celui-ci n’a coûté ni une goutte de sang ni une larme. Cette journée de la grande Fédération, nous espérons qu’aucun de vous ne refusera de se joindre à nous pour la renouveler et la perpétuer, comme le symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité», notaient alors les députés et sénateurs.
C’est de l’esprit du 14 juillet 1790 dont la France a, aujourd’hui, besoin.