Elon Musk à l’Élysée. Les syndicats en colère chez la Première ministre française, Élisabeth Borne. Emmanuel Macron peut-être fier de son coup médiatique, juste avant sa nouvelle intervention télévisée ce lundi 15 mai en soirée.
Depuis plusieurs jours, son entourage multipliait les annonces sur la sixième édition du Sommet Choose France qui, chaque année depuis l’élection présidentielle de 2017, permet au président français de rencontrer le gotha patronal international. Sa focalisation sur la transition écologique avait été soulignée et répétée. Mais rien n’avait filtré sur la venue à Paris du fondateur de Tesla et Space X, devenu le premier actionnaire du réseau social Twitter.
À Paris? Pas seulement. Car c’est à Versailles, dans le somptueux château de Louis XIV (1638-1715) que les quelque deux cents PDG présents dans la capitale française ont pu rencontrer l’ensemble du gouvernement, avant un dîner dans la fameuse galerie des glaces.
De bonnes raisons de venir en France?
Sur le papier, Elon Musk, 51 ans, peut avoir de bonnes raisons de venir en France. Sur le plan industriel, l’ouverture prochaine de l’une des plus grandes usines de batteries électriques d’Europe à Billy-Berclau, dans le Pas-de-Calais, va redistribuer les cartes pour ce type de propulsion automobile. Ce qui concerne évidemment Tesla.
On sait aussi que cinq millions d’internautes français se connectent chaque jour sur Twitter, le géant mondial des gazouillis à la tête duquel le milliardaire vient de nommer Linda Yaccarino, jusque-là en charge de la publicité et des partenariats chez NBC Universal.
La France, enfin, est de longue date une puissance spatiale de premier, plan et l’on sait que la bataille fait rage, pour le lancement des futurs satellites européens, entre Space X, Arianeespace et les fusées russes Soyouz, dont l’utilisation n’est plus envisageable depuis le début de la guerre en Ukraine.
Et pour le reste? C’est peut-être là l’élément essentiel. Elon Musk, ne l’oublions pas, mène un duel au sommet depuis plusieurs années pour le titre de première fortune mondiale avec le Français Bernard Arnault.
Le 28 février dernier, après s’être fait devancer pendant plusieurs mois en termes de capitalisation boursière, le fantasque américain né en Afrique du Sud a de nouveau ravi au PDG de LVMH la pole position. Près de 187 milliards de dollars contre 185 pour Bernard Arnault, dont le seul nom est un épouvantail pour une bonne partie de la gauche française.
Et ce n’est pas tout. Elon Musk surveille de près la France et ses réformes. À la mi-mars, l’intéressé s’est même fendu d’un tweet pour soutenir le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, au lieu des 62 ans actuels pour lesquels les syndicats continuent de se battre.
«L’âge de la retraite à 62 ans a été fixé alors que l’espérance de vie était beaucoup plus courte, avait écrit le milliardaire. Il est impossible pour un petit nombre de travailleurs de financer un nombre massif de retraités.»
Elon Musk répond à BFMTV
Un soutien remarqué par les marchés financiers, que le tandem Macron-Le Maire surveille comme le lait sur le feu, vu l’emballement de la dette publique française proche des 3000 milliards de dollars (2684,84 milliards de francs suisses) et la fébrilité des agences de notation démontrée par le récent déclassement de Fitch Ratings.
Le milliardaire et le président
Le scénario est quasiment écrit. D’un côté, un président français assiégé par les protestataires munis de casseroles, de plus en plus détesté par une partie de la population, mais convaincu que le pays doit se réformer à marche forcée, comme il vient de le répéter dans deux entretiens au magazine économique «Challenge» et au quotidien libéral «L’Opinion».
De l’autre, un milliardaire ultra-médiatique, incarnation de la réussite version «start-up nation», ce slogan macroniste des débuts. Bref, l’alliance parfaite entre un dirigeant politique bloqué par les présumés conservatismes d’un autre âge, et un magnat qui a la tête dans les étoiles et dans le métavers.
Avec, en plus, ce qu’il faut d’inconnu sur leurs réelles intentions pour tisser une légende: «Elon Musk offre une dimension mystérieuse au Sommet Choose France» titrait ni plus ni moins ce lundi Teslam, le magazine des concessionnaires Tesla!
Emmanuel Macron, on l’oublie souvent, doit aussi commencer à penser à son avenir. À 45 ans, sa future carrière est à écrire, puisqu’il ne pourra pas se représenter pour un troisième mandat présidentiel.
Pourquoi ne pas imaginer, demain, l’alliance au sommet des deux «M», Macron-Musk, au service de la décarbonation de l’économie? Quel meilleur allié pour le chef de l’État français, souvent plus à l’aise sur le terrain international que dans les départements français où il se rend pourtant avec volontarisme, sous haute protection?
Dans un pays où l’antiaméricanisme et le refus du libéralisme sont des valeurs sûres, du côté de la gauche comme de la droite radicale, la stratégie «Musk» pour convaincre les Français de la nécessité des réformes est risquée. Mais elle a un avantage: celle de la diversion à très haute intensité médiatique.