Après dix jours d'intenses débats, le Sénat français a adopté samedi la réforme contestée des retraites. Cette dernière a suscité des semaines de grèves et manifestations, les dernières le jour même. Le texte repousse l'âge de départ à la retraite à 64 ans.
La Première ministre française Elisabeth Borne n'a pas caché sa satisfaction après ce premier véritable succès législatif. «Une étape importante a été franchie», s'est-elle immédiatement félicitée, convaincue qu'il «existe une majorité» au Parlement pour adopter la réforme.
Le projet-phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron n'a en effet pas achevé son parcours législatif. Un vote crucial l'attend probablement jeudi à l'Assemblée nationale.
Après dix jours de débats heurtés, le Sénat a bouclé samedi soir par 195 voix contre 112 sa course contre la montre avec une journée d'avance sur l'échéance fixée à dimanche minuit, en vertu de l'article de la constitution auquel le gouvernement a eu recours pour limiter le temps des débats législatifs.
«Une journée noire»
«Enfin, nous y voilà!», s'est exclamé le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau qui a demandé au ministre français du Travail Olivier Dussopt de transmettre un message au président Macron. «Nous votons la réforme, mais nous ne votons pas [pour] lui», a-t-il précisé.
A gauche, la sénatrice PS Monique Lubin, a fustigé, quant à elle, une réforme «brutale». «C'est une journée noire pour tous les salariés de ce pays», a-t-elle déploré.
En février, l'avalanche d'amendements déposés par l'alliance de gauche (Nupes) avait empêché l'Assemblée nationale de se prononcer sur cette réforme contestée de toutes parts, sans même parvenir à examiner l'article 7 au cœur du projet, prévoyant le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans.
Au Sénat, où la France insoumise (LFI) ne dispose pas d'élus, les débats ont été moins paisibles qu'attendus. Afin d'accélérer les discussions, Olivier Dussopt, soucieux d'obtenir une légitimité démocratique pour la réforme, avait dégainé vendredi l'arme de l'article 44.3 de la constitution.
Nouvelle journée de mobilisation
Cette procédure permet un vote unique sur l'ensemble du texte sans mettre aux voix les amendements auxquels le gouvernement est défavorable.
L'examen du projet de loi a donc pu avancer au pas de charge, surtout après le coup d'accélérateur impulsé par Bruno Retailleau qui a renoncé samedi après-midi à présenter son amendement emblématique, demandant de supprimer les régimes spéciaux profitant à certaines catégories de travailleurs, y compris pour les salariés actuels.
Pendant que le Sénat concluait l'examen de la réforme, des centaines de milliers de personnes descendaient dans la rue lors d'une septième journée d'action, qui a nettement moins mobilisé que les six précédentes.
Le ministère de l'Intérieur a dénombré 368'000 manifestants en France, dont 48'000 à Paris, soit moins que le 16 février, journée qui a le moins mobilisé depuis le début de la contestation le 19 janvier.
La détermination est «forte», a néanmoins assuré Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger qui souligne régulièrement le caractère historique de l'opposition populaire à cette réforme.
Suspense à l'Assemblée nationale
Après le Sénat, c'est désormais à la commission mixte paritaire (CMP) d'entrer en scène. Le conclave réunira mercredi sept députés, sept sénateurs et autant de suppléants à huis clos avec l'objectif de parvenir à un compromis sur les mesures qu'Assemblée nationale et Sénat n'ont pas votées dans les mêmes termes.
Le camp présidentiel et la droite semblent avoir la main sur cette CMP, avec respectivement cinq et quatre titulaires chacun, dont Olivier Marleix, patron des députés LR. Une nouvelle journée de manifestations, la huitième, est prévue en parallèle de la réunion.
Dans le meilleur des scénarios pour l'exécutif, si députés et sénateurs parviennent à un accord au sein de cette commission, le texte remanié devra être validé jeudi 16 mars d'abord au Sénat, puis à l'Assemblée nationale. Ce dernier vote, s'il est positif, vaudra comme une adoption définitive par le Parlement.
(ATS)