Le temps d'une amitié «sans limites» entre la Chine et la Russie semble révolu. Au lieu de s'unir contre l'Occident, les deux chefs d'Etat Xi Jinping et Vladimir Poutine préfèrent se chamailler. Dernière fissure en date: la participation de la Chine au sommet de paix sur l'Ukraine à Djeddah, organisé par l'Arabie saoudite et auquel ont assisté en grande partie des députés occidentaux.
La «collaboration active» de la Chine, comme l'ont déclaré des représentants de l'UE au «Guardian» à la fin du sommet, irrite le Premier ministre russe Dmitri Medvedev. Tout cela n'a «aucune chance de réussir», a-t-il écrit sur Telegram. L'ennemi, c'est-à-dire l'Ukraine, devrait «se mettre à genoux et implorer la pitié». La Chine voit manifestement les choses différemment et travaille actuellement avec beaucoup d'habileté à se mettre en scène comme une puissance pacifique.
La fin de l'accord sur les céréales aurait contrarié Pékin
Si la Chine semble s'opposer à la Russie, Vladimir Poutine ne peut s'en vouloir qu'à lui-même: à la mi-juillet, il a stoppé l'accord avec l'Ukraine sur l'exportation de céréales . C'est un gros problème non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour la Chine. Car le plus grand importateur de produits céréaliers dans le cadre de l'accord est la Chine, comme le montrent les données de l'ONU. La Chine a revendiqué près d'un quart des 33 millions de tonnes de céréales expédiées sur la base de l'accord. Le pays a donc tout intérêt à ce que l'accord soit maintenu.
Le fait qu'une représentation chinoise à Odessa ait été touchée lors des attaques russes sur la ville n'a pas non plus été un signal positif envoyée par la Russie. De plus, la tentative de putsch du patron de Wagner, Evgueni Prigojine, a montré que Vladimir Poutine n'est pas un dirigeant aussi puissant qu'il veut bien le dire, ce qui serait un problème pour Xi Jinping.
Le fait que le président russe n'ait pas prolongé l'accord est également un risque pour lui. Certes, il augmente ainsi la pression sur l'Ukraine et l'Occident. Mais il heurte en conséquence son principal allié. Il n'est donc pas étonnant que le chef d'Etat chinois n'ait pas apprécié le dernier coup de Poutine - et qu'il veuille désormais rendre son propre plan en douze points pour la paix en Ukraine. Une situation encore plus attrayante pour l'Occident puisque l'accord sur les céréales y est central. Et même si la Chine a ses propres idées sur la paix, l'Occident se réjouit de son changement de bord possible.
Rapprochement des Etats-Unis avec la Chine?
Parallèlement à la rupture évoquée avec la Russie, il y aurait une tentative de rapprochement entre les Etats-Unis et la Chine. Après des mois de silence diplomatique, les contacts sino-américains se sont à nouveau intensifiés ces derniers mois. Après la ministre des Finances Janet Yellen, c'est l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger qui s'est rendu à Pékin. Dans deux semaines, la secrétaire américaine au commerce Gina Raimondo doit également se rendre à Pékin pour parler des contrôles à l'exportation qui touchent actuellement de plein fouet l'économie chinoise.
Même si la Chine et la Russie sont toujours étroitement imbriquées sur les plans politique, économique et militaire, cette prise de distance mutuelle montre que Poutine ne veut pas se laisser lier les mains par son partenaire - et que l'influence de la Chine sur la Russie est peut-être surestimée. Il est toutefois peu probable que la Chine se distancie davantage de la Russie en public. Pékin a trop besoin de soutien contre l'adversaire commun, les Etats-Unis. Car c'est connu: le lien d'amitié le plus fort est un ennemi commun.