Tensions en Asie du Sud-Est
Moscou et Washington se crêpent le chignon lors des rencontres de Djakarta

Les chefs de la diplomatie américaine et européenne ont dénoncé vendredi la vision «négative» et «agressive» de leur homologue russe. Ces critiques ont été formulées lors des rencontres de Djakarta, auxquelles participait également la Chine.
Publié: 14.07.2023 à 21:33 heures
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Dernière mise à jour: 15.07.2023 à 15:41 heures
La participation de Sergueï Lavrov n'aurait été «ni constructive ni productive», selon Antony Blinken. Le secrétaire d'Etat américain participait aux rencontres de Djakarta, organisées par l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean).
Photo: Pavel Golovkin

A l'issue d'une rencontre organisée par l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), à laquelle participaient également les Etats-Unis, la Chine et la Russie, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a affirmé que le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, n'avait présenté qu'une vision «négative» des choses, faisant probablement référence à la guerre en Ukraine.

Ainsi, la participation de Sergueï Lavrov n'aurait été «ni constructive ni productive» et il aurait offert «une présentation et un agenda totalement négatifs» selon Antony Blinken. Ce dernier a affirmé que le chef de la diplomatie russe «attribuait tous les problèmes du monde aux Etats-Unis».

Antony Blinken et Sergueï Lavrov se sont retrouvés dans la même pièce – pour la première fois depuis une brève rencontre en mars en Inde – mais ils ont soigneusement évité de croiser leurs regards.

De son côté, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a affirmé que Segueï Lavrov s'est emporté contre les critiques de l'invasion russe de l'Ukraine: «Segueï Lavrov m'a répondu de manière très agressive et a expliqué son point de vue, disant que tout est 'un complot de l'Occident' et que la guerre continuera», a ainsi déclaré le chef de la diplomatie européenne devant la presse.

Josep Borrell a également confié avoir expliqué à son homologue russe pourquoi l'Union européenne soutenait l'Ukraine et demandé à la Russie de retirer ses troupes d'Ukraine «comme le seul moyen d'arrêter la guerre», ce que Segueï Lavrov a exclu.

Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux augmentent leur soutien militaire à l'Ukraine face à l'invasion russe, et tentent de rallier d'autres pays du monde pour condamner Moscou.

Dans une interview accordée cette semaine à des médias indonésiens, Segueï Lavrov a de son còté déclaré que la guerre en Ukraine ne prendrait fin que lorsque les pays occidentaux renonceraient à leurs efforts pour «vaincre» la Russie.

Tensions ravivées entre les Etats-Unis et la Chine

Malgré les tensions avec Moscou, les États-Unis considèrent que la Chine est leur principal concurrent à long terme. Antony Blinken a ainsi appelé vendredi à Djakarta les pays d'Asie du Sud-Est à s'unir face à la «coercition» pratiquée, selon lui, par la Chine en Asie-Pacifique, une région touchée de plein fouet par les tensions sino-américaines.

«Nous devons faire respecter la liberté de navigation en mer de Chine méridionale et orientale et maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan», a déclaré le secrétaire d'Etat américain.

Avec les pays de l'Asean, nous «partageons la vision d'un Indo-Pacifique libre, ouvert, prospère, sûr, connecté et résilient», a-t-il ajouté.

«Cela veut dire une région où les pays sont libres de choisir leurs propres voies et leurs propres partenaires, où les problèmes sont traités ouvertement, et non par coercition», a-t-il poursuivi dans une allusion à peine voilée à la Chine.

Les frictions s'intensifient entre la Chine et certains membres de l'Asean, en particulier le Vietnam et les Philippines, irrités par les revendications de souveraineté par Pékin de la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale.

Les tensions sont encore plus vives concernant Taïwan, territoire considéré par Pékin comme une province rebelle destinée à revenir dans son giron, de gré ou de force.

L'Indonésie veut rester en dehors des conflits

L'Asean n'a pas vocation à servir d'«intermédiaire» à des pays tiers, a cependant plaidé vendredi le président indonésien Joko Widodo. «L'Indo-Pacifique ne doit pas être un nouveau champ de bataille», a pour sa part abondé la ministre indonésienne des Affaires étrangères, Retno Marsudi.

Antony Blinken a rencontré jeudi le haut diplomate chinois Wang Yi. Il s'agissait de leur deuxième entretien en face-à-face en moins d'un mois. Le secrétaire d'Etat américain a prévenu Wang Yi que Washington demanderait des comptes aux responsables d'une récente cyberattaque contre le gouvernement américain, d'origine présumée chinoise.

De son côté, le diplomate chinois a exhorté Washington à «travailler avec la Chine» et à cesser toute «ingérence» dans les affaires du pays, selon un compte-rendu de sa rencontre avec Antony Blinken publié vendredi par Pékin.

La ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, s'est également entretenue vendredi avec Wang Yi. Elle a jugé essentiel de parler franchement «pour défendre les droits humains» et appelé la Chine à faire preuve de «transparence» sur son pacte policier avec les Îles Salomon, critiqué par les puissances occidentales.

Les discussions plus tôt cette semaine des ministres des Affaires étrangères de l'Asean ont été dominées par la crise en Birmanie. La junte birmane, de retour au pouvoir depuis son coup d'Etat en 2021, n'a pas été invitée à Jakarta.

Antony Blinken a aussi appelé vendredi à «faire pression» sur la junte birmane pour mettre fin à la violence et à revenir à un régime démocratique, en appliquant le consensus en cinq points formulé par l'Asean.

(ATS)

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