Viva Espana, épisode 3
Surtourisme, Sécheresse, Europe: Les blessures de l'Espagne en 2023

A la veille des élections législatives de dimanche 23 juillet, l'Espagne n'est pas seulement divisée par les aspirations indépendantistes catalanes ou basques. Le surtourisme et le climat divisent aussi le pays.
Publié: 22.07.2023 à 14:04 heures
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Dernière mise à jour: 22.07.2023 à 14:19 heures
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Les exploitations agricoles du sud de l'Espagne sont toutes affectées par la sécheresse liées aux températures extrêmes.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vous adorez l’Espagne? Vous y êtes peut-être, en ce moment, allongé sur une plage écrasée de chaleur, après avoir rempli de fruits et de légumes frais votre panier de vacancier!

Dites-vous que le pays n’est pas celui que vous croyez. Dites-vous que les aspirations indépendantistes de la Catalogne ou du Pays basque, furieusement combattues par la droite et l’extrême-droite, ne sont pas les seules blessures de ce pays à la fois écrasé de soleil et de difficultés, malgré les bons résultats économiques obtenus par le gouvernement de gauche sortant dirigé par Pedro Sanchez.

Le rebond économique de 2021 et 2022, illustré par un taux de croissance de 5,5%, est loin d’avoir apaisé une société espagnole in quiète de son avenir.

Pas un royaume balnéaire

L’Espagne, qui a rendez-vous avec les urnes ce dimanche 23 juillet – pour des élections législatives susceptibles de ramener la droite au pouvoir dans une alliance avec le parti d’extrême droite Vox–, n’est pas ce royaume balnéaire béni par les touristes.

Au contraire. Le surtourisme de masse, le réchauffement climatique qui assèche les terres, l’Europe qui ne parvient pas à contrôler les flux migratoires, sont des sujets qui divisent de plus en plus les 47 millions d’Espagnols. A quoi va, demain, ressembler leur pays que le parti de droite réactionnaire Vox exige de voir revenir à ses valeurs d’antan: famille, respect de la monarchie, catholicisme…?

Plus d’authenticité

Moins de vacanciers, plus d’authenticité.

Ce mot d’ordre, Julia pourrait l’entonner car cette maître-nageuse n’en peut plus des effets du surtourisme à Malaga, en Andalousie. Julia a récemment été interrogée par le New York Times. Devenue une destination prisée aussi par les jeunes retraités d’Europe du nord, sa région de la Costa del Sol a vu les prix de l’immobilier reprendre l’ascenseur après la chute drastique des années 2008-2015. Résultat: il lui est de plus en plus difficile de se loger, car les salaires n’ont pas suivi dans un pays où la rémunération mensuelle moyenne plafonne autour de 1700 euros.

Le surtourisme est aussi source de pression maximale sur les infrastructures. «Peu à peu, les voisins ont été remplacés par les touristes: une cité sans citoyens, ce n’en est pas une, c’est un parc d’attractions, expliquait ces derniers jours au «Monde» le président de l’association des riverains du centre historique de Malaga, Carlos Carrera.

Les liens entre voisins ont été rompus et c’est particulièrement terrible pour les personnes âgées, qui voient, qui plus est, chaque année des centaines d’inconnus se loger dans leurs immeubles: «Même les supérettes ne nous sont pas destinées, et on y trouve surtout des produits à emporter pour les vacanciers.»


Un peu d’histoire pour mieux comprendre le cycle économique: le 9 juin 2012, le gouvernement conservateur espagnol demande une aide financière à l’Union européenne pour redresser le secteur bancaire ibérique. 41,3 milliards d’euros lui seront au final alloués. Le sauvetage a fonctionné. Les banques se sont redressées. Mais le Royaume n’a pas évité le krach foncier. Le patrimoine moyen des Espagnols a fondu.

Or voilà que dix ans plus tard, ceux qui ont dû vendre des propriétés, ou se séparer de biens immobiliers durant la crise, voient la spéculation régner de nouveau en maître. Trop de demande internationale. Trop de succès. Trop de crédits pas chers distribués.

De quoi relancer, au nord du pays, les ardeurs indépendantistes de la Catalogne où l’on dénonce de longue date la gabegie touristico-financière des provinces méridionales…

Inaction européenne face aux migrants

L’Europe justement. Elle est, comme en Italie lors des législatives de septembre 2022 remportées par Giorgia Meloni et son parti nationaliste et populiste Fratelli d’Italia, au cœur de la campagne menée par la droite. Thème principal: l’inaction européenne face aux vagues migratoires, et le refus des voisins de l’Espagne de s’engager davantage pour défendre les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila, au Maroc.

32'000 migrants sont arrivés en 2022 sur les cotes de l’Espagne. Soit moins que les 41'000 de 2021, mais trop pour beaucoup d’électeurs.

L’Europe? Visée aussi par ce que les Espagnols considèrent comme une inaction coupable face au maintien de la tutelle britannique sur le rocher de Gibraltar, à l’extrême sud du pays. Les accords entre Madrid et Londres, négociés dans le cadre du Brexit, nourrissent toujours l’insatisfaction.

Le défi climatique

L’Espagne, minée par les aspirations indépendantistes du nord? Oui mais… Un autre sujet domine désormais dans les médias et les conversations à la veille du scrutin que le premier ministre sortant socialiste Pedro Sanchez espère remporter sur le fil: la sécheresse et le réchauffement climatique.

Pour affronter des températures record, de vieux projets d’irrigation datant des siècles précédents redeviennent d’actualité. «Face à cette réalité, les agriculteurs, les bénévoles et les chercheurs espagnols ont puisé dans l’histoire pour trouver des solutions, en se tournant vers un réseau tentaculaire de canaux d’irrigation construits par les Maures, la population musulmane qui a conquis et s’est installée dans la péninsule ibérique au Moyen-Âge» raconte le New York Times.


En ajoutant: «La révolution agricole a contribué à faire de l’Andalousie le jardin de l’Europe, avec d’énormes quantités de grenades, de citrons et d’orge envoyées à travers le continent.

Mais elle a également engendré une soif insatiable d’eau qui a épuisé les aquifères de la région, exacerbant les sécheresses. Pour ne rien arranger, le changement climatique a exposé l’Espagne à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes. Ce printemps 2023 a été le plus chaud jamais enregistré en Espagne, selon l’agence météorologique du pays.

Insultes contre l’agence météo

Quid du soutien de l’Union européenne face à cette calamité climatique? Entrée en janvier 1986 dans la Communauté, l’Espagne en a longtemps été l’enfant chéri et la destination privilégiée des fonds structurels.

Mais aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, la solidarité penche en priorité vers l’est. Les Espagnols s’accrochent donc à un chiffre: 140 milliards d’euros doivent être alloués au pays dans le cadre du plan «Next generation EU», décidé en 2020 et financé par des emprunts de l’UE. Le pays en est l’un des premiers bénéficiaires et a, pour l’heure, reçu la moitié de cette somme. Les investissements en faveur de la transition écologique sont prioritaires.

Mais le complotisme climatique s’est installé dans le pays. L’agence météorologique nationale est la cible régulière d’insultes. 75% de la péninsule est menacée de désertification. «Mentir, alimenter le complotisme et la peur, insulter… Cela appauvrit notre société et entraîne des conséquences aussi répréhensibles et négatives que celles dénoncées par les météorologues» a récemment dénoncé la ministre de la Transition écologique espagnole, Teresa Ribera.

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