Un petit tour et puis s’en va. Une photo officielle et un communiqué en pure langue de bois diplomatique. Voici le résumé, mardi 18 juillet, de la visite d’Ignazio Cassis à Bruxelles, pour y rencontrer son interlocuteur européen Maros Šefčovič. Pas de conférence de presse commune. Pas d’annonce. Silence radio. Pas de présentation officielle à Bruxelles du nouveau négociateur helvète, Alexandre Fasel, qui prendra ses fonctions en septembre. Pas question de dissiper le brouillard. «Le chef du DFAE a réitéré la volonté de la Suisse de mener à bien ces discussions et de trouver des solutions susceptibles de générer un large soutien parmi les principaux acteurs en Suisse, en vue de l’adoption d’un mandat de négociation» confirme le communiqué officiel. «M. Cassis et M. Šefčovič ont confirmé leur engagement à continuer de donner des impulsions positives au processus. Ils ont convenu de rester en contact régulier».
Un bon baromètre bilatéral
Si les visites ministérielles sont un baromètre de l’état des relations entre la Suisse et ses partenaires, alors celle-ci est un tableau sans aucune ambiguïté possible. Une nature morte, figée au moins jusqu’aux prochaines élections fédérales du 22 octobre, où tout n’est que forme et processus, pour soigner les apparences et faire croire que l’immobilisme helvétique cache de la bonne volonté. Explication: «Berne désire désormais faire preuve d’un peu plus de bonne volonté à l’égard de Bruxelles, note, un tantinet provocateur, le professeur Gilbert Casasus, de l’Université de Fribourg. En fait, le Conseil fédéral poursuit en toute impunité sa politique «du beurre et l’argent du beurre» en distillant un seul message: un nouvel accord entre «l'UE et la Suisse passe par la signature d’un nouveau paquet Bilatérales III.»
La balle est dans le camp socialiste
L’autre théorie, plus convaincante, est celle d’une visite à Bruxelles à usage helvétique. «Cassis, au nom du Conseil fédéral, veut asseoir auprès de la Commission l’idée des Bilatérales III. Il adresse aussi un message au Parti socialiste avant les élections fédérales d’octobre, pour bien montrer que la balle est dans leur camp, poursuit Gilbert Casasus. Si Pierre-Yves Maillard continue de jouer les trouble-fête, il ne faudra compter sur aucun changement d’attitude de la part de l’Union Syndicale Suisse. «De la force du groupe socialiste et du nom des élus dans les deux chambres dépend aussi le sort de la relation entre les syndicats suisses et l’Union européenne.»
Mais pourquoi se rendre pour cela dans la capitale belge, siège des institutions communautaires? «Les Suisses ne veulent surtout pas apparaitre comme de mauvais élèves. Ils veulent continuer d’être bien notés, malgré le rejet unilatéral par le Conseil fédéral du projet d’accord institutionnel avec l’UE, le 26 mai 2021» persifle un diplomate. Le calendrier, en tout cas, était ce mardi à l’avantage d’Ignazio Cassis. Sa visite a en effet coïncidé avec l’approbation, par le parlement européen, du rapport sur les relations Suisse-UE présenté par l’eurodéputé français Christophe Grudler du groupe «Renew» (Centristes, pro-Macron). «Oui à une relation renforcée avec la Suisse, et des négociations rapides!» s’est félicité celui-ci sur Twitter. «Une mise à jour de nos accords est nécessaire, en y ajoutant de nouveaux dans le cadre d’une relation renouvelée. Nous avons une fenêtre d’opportunité pour des négociations entre les élections fédérales et les élections européennes. Il faut la saisir.»
OK pour un troisième paquet d’accords bilatéraux
Sous-entendu: ok pour un troisième paquet d’accords bilatéraux. La porte bruxelloise est donc ouverte. «L’Europe est devenue plus sociale, et protège plus que jamais ses travailleurs et consommateurs» complète Christophe Grudler, à l'intention de la gauche helvétique. «La Suisse n’a pas à craindre les travailleurs et citoyens européens, qui profitent à l’économie suisse. Les restrictions et discriminations doivent être du passé». Pas sûr qu’Ignazio Cassis transmette ce message dans les mêmes termes à ses collègues du Conseil fédéral…