Un livre le dit aux Francais
L'enfer scolaire de Bétharram au pied des Pyrénées, c'était quoi?

«Le silence de Bétharram»: c'est le titre du livre publié par un collectif des victimes de cette institution scolaire catholique située au pied des Pyrénées. Violences, abus sexuels, harcèlement...Un enfer dirigé par des prêtres, dans le silence de l'Eglise catholique.
Publié: 15:01 heures
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François Bayrou se retrouve politiquement fragilisé par les aveux de sa fille, victime de violences durant un camp de vacances.
Photo: imago/Le Pictorium
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un enfer. C’est ce que décrivent les victimes de violences perpétrées, au fil des années 1980-2000 au sein de l’institution scolaire Notre-Dame de Bétharram. Un enfer dans un cadre presque idyllique, dans la commune pyrénéenne de Lestelle-Bétharram. A moins de vingt kilomètres du sanctuaire catholique le plus visité de France: la grotte de Sainte Bernadette Soubirous à Lourdes.

Cet enfer est raconté à la première personne par plusieurs victimes dans Le silence de Bétharram (Ed. Michel Lafon), le livre de témoignages coordonné par Alain Esquerre, l’un des porte-parole des anciens élèves abusés, filles et garçons. Son contenu? Le récit glaçant de méthodes scolaires d’un autre âge, de violences physiques sans retenue de la part des enseignants et des prélats en charge de l’établissement, et des abus sexuels commis par des religieux ou des laïcs chargés de la surveillance des dortoirs. Bétharram était en effet plus qu’un lycée. Son internat accueillait des centaines d’enfants, essentiellement venus du sud-ouest de la France. Il fonctionne toujours aujourd’hui, sous le nom de groupe scolaire privé du Beau Rameau.

Culture du secret

Que dit le livre? D’abord le culte du secret et la loi du silence qui a prévalu pendant au moins trois décennies. L’établissement scolaire de Bétharram existe depuis le milieu des années cinquante. Mais les faits documentés dans l’ouvrage remontent pour l’essentiel aux années 1980 ou 1990, comme c’est le cas pour la fille du Premier ministre François Bayrou, dont le témoignage a été publié en avant-première par Paris Match, puis complété par un entretien à France Inter. Selon les libraires de la région, des centaines d’exemplaires ont déjà été commandées, preuve que cette affaire interpelle la population locale, majoritairement catholique.

Victime lui-même, très présent dans les médias, l’auteur principal du livre Alain Esquerre, scolarisé sur place entre 1980 et 1985 (mais pas comme interne) raconte les caresses infligées par des laïcs et des religieux, des viols, dans les dortoirs ou dans le bureau du directeur. Les témoignages recueillis détaillent surtout l’instauration d’un système de violences, dans lequel les élèves surveillants étaient enrôlés. Eux aussi abusaient des plus jeunes. Côté judiciaire, une centaine de victimes ont été entendues depuis février 2024, mettant en cause une dizaine de personnes. Un ancien surveillant a été mis en examen pour «viol et agression sexuelle aggravés».

Pourquoi avoir tant attendu?

C’est à la suite du lancement par Alain Esquerre d’un groupe Facebook en 2023, repris par Mediapart, que l’affaire Bétharram a éclaté. Pourquoi avoir tant attendu? Pas seulement à cause du déni qui régnait au sein de l’Eglise catholique. Bétharram était connu comme une institution scolaire où les enfants turbulents étaient remis dans le droit chemin. «Des parents ont choisi d’y placer leurs enfants à parce qu’ils savaient que la discipline y était dure et que leurs enfants y seraient «tenus».

Beaucoup demeurent persuadés que la culture de la punition est une garantie de la réussite de l’enfant, sans avoir bien conscience qu’elle est un terreau propice aux maltraitances. Les silences autour de Bétharram en disent long sur le problème de la France à l’égard des droits de l’enfant» expliquait récemment dans Le Monde l’essayiste Marion Cuerq.

Prochaine étape: l’Assemblée

La prochaine étape de l’affaire va se jouer à l’Assemblée nationale. Sa commission d’enquête sur «les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires publics et privés» y entendra le 14 mai, sous serment, le Premier ministre François Bayrou, élu local du Béarn, dont l’épouse enseignait le catéchisme à Bétharram. Les deux co-rapporteurs de la commission d’enquête sont Violette Spillebout (Macroniste) et Paul Vannier (La France insoumise, Gauche radicale).

Or ce dernier a par avance demandé la démission du chef du gouvernement, l’accusant d’avoir menti devant les députés. Motif? En 1996, lorsque François Bayrou était ministre de l’Education nationale, un rapport pointait déjà les fautes commises.

Châtiments corporels

«Ce rapport décrivait des châtiments corporels commis sur des enfants placés nus, la nuit, dans la cour de récréation pour les punir. Il parlait de conceptions de la discipline qui posent problème. Il indiquait que dans cet établissement il y avait des élèves surveillants chargés de surveiller d’autres enfants.» accuse le co-rapporteur.

«Je n’aurais pas laissé mes enfants dans cette institution si j’avais connaissance de ces faits. Il n’y a pas un parent que je connaisse qui aurait exposé son enfant à ce risque» a poursuivi François Bayrou. Sauf que l’on sait désormais que sa fille a été violentée. Celle-ci affirme ne lui avoir rien dit pour «le protéger». Des aveux qui ont «poignardé le cœur» du Premier ministre.

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