François Bayrou, 73 ans, est un Premier ministre français très catholique. Le dirigeant centriste, nommé à la tête du gouvernement le 13 décembre 2024, a toujours mis sa foi en avant, aussi bien pour sa carrière politique nationale que dans ses fonctions de maire de Pau, la ville pyrénéenne qu’il dirige depuis 2014. Autant dire que les révélations de sa fille aînée à «Paris Match», sur les violences qu’elle dit avoir subi de la part d’un prêtre de l’institution Bétharram lorsqu’elle avait 14 ans, vont relancer les questions sur la responsabilité de son père.
Il doit maintenant d’urgence répondre à ces 5 questions.
Bétharram, pourquoi ce silence collectif?
C’est la question centrale que le témoignage d’Hélène Perlant, la fille aînée de François Bayrou âgée de 53 ans, va relancer avec une intensité maximale. La congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, fondée en 1832 sur la commune de Lestelle-Bétharram (Pyrénées Atlantiques), à proximité du sanctuaire de Lourdes, est ancrée depuis sa création dans cette région montagneuse et rurale. Elle est aujourd’hui dirigée par un prêtre argentin, et se retrouve visée par plus de cent plaintes d’anciens élèves pour les faits de violences physiques et d’agressions sexuelles commis dans son établissement scolaire et son internat réputé accueillir des enfants en difficulté. Les religieux de Bétharram sont aussi très actifs à Pau, la ville dont François Bayrou est le maire. Il est impossible d’imaginer que personne ne savait.
Bétharram, une affaire Bayrou?
La réponse est affirmative. La fille aînée du Premier ministre français explique qu’elle n’avait jamais fait part des violences subies de la part d’un prêtre de Bétharram lors d’un camp de vacances, alors qu’elle avait 14 ans. C’est bien sûr possible. Le problème est que cette agression a alors été vue par d’autres adolescents. Personne, dans ce camp, n’en aurait donc parlé à ses parents? Deux des enfants de François Bayrou ont été scolarisés dans cet établissement catholique où un livre à paraître cette semaine parle d’un «calvaire quotidien pour les jeunes pris pour cible, violemment frappés, masturbés de force ou violés par des surveillants ou des prêtres». L’épouse de Bayrou, Elisabeth, y enseignait le catéchisme.
Bétharram, une affaire politique?
Là aussi, la réponse devient affirmative au fur et à mesure des révélations, assurées d’être encore plus relayées par les médias cette semaine, après la parution du livre Le Silence de Bétharram, d’Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes. Le calendrier est en plus redoutable pour François Bayrou. La disparition du Pape François, ce dimanche, a mis en émoi le monde catholique. Rome devient l’épicentre de la douleur partagée des fidèles. Or le Premier ministre français ne sera pas aux obsèques du Souverain pontife. Emmanuel Macron s’y rendra accompagné de ses ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères. La peur de voir François Bayrou interpellé, alors que les collectifs de victimes françaises de prêtres et de religieux reprochaient au pape François de ne pas les avoir reçus ?
Bétharram, une boîte de pandore?
C’est le risque pour François Bayrou. Après le témoignage de sa fille qui dit dans «Paris Match» «avoir été saisi tout d’un coup par les cheveux, traînée au sol sur plusieurs mètres et rouée de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre», la parole se retrouve encore plus libérée. Cela, au moment où un autre livre vient de sortir sur les méfaits sexuels de l’Abbé Pierre, l’icône de l’Eglise catholique, religieux disciple de Saint François d’Assise comme l’était le pape François. François Bayrou connaissait l’Abbé Pierre. Héritier de la démocratie chrétienne française, il fréquentait de nombreux évêques. Alors?
Bétharram, une bombe politique?
Là aussi, la réponse est oui. Il faut se souvenir que François Bayrou avait, dans le passé, accusé en direct à la télévision l’ancien leader de mai 1968 Daniel Cohn-Bendit d’avoir couvert des actes pédophiles. Il a toujours joué le rôle de «Monsieur Propre» en politique, tirant le signal d’alarme sur la corruption ou la dette publique du pays. François Bayrou, nommé ministre de la Justice par Emmanuel Macron en 2017, avait dû démissionner après quelques semaines en raison de sa mise en examen dans une affaire de détournement de fonds publics du Parlement européen assez similaire aux faits reprochés à Marine Le Pen. Il a été relaxé le 5 février 2024, mais le parquet a fait appel. Aujourd’hui, son impopularité est forte. La bombe Bétharram pourrait bien avoir raison de son passage à la tête du gouvernement.