Le commentaire de Richard Werly
Le très catholique François Bayrou face aux silences de son Eglise

Le Premier ministre français jure qu'il ne savait rien sur les agressions sexuelles commises au pensionnat Notre-Dame de Betharam, où ses enfants étaient scolarisés. Soit. Mais il doit d'urgence faire la lumière sur cette affaire estime notre journaliste Richard Werly.
Publié: 12.02.2025 à 16:03 heures
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Dernière mise à jour: 12.02.2025 à 19:16 heures
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François Bayrou nie avoir gardé le silence sur les agressions sexuelles commises au pensionnat de Notre-Dame de Betharam.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

François Bayrou ne peut pas se contenter de porter plainte en diffamation contre ceux qui l’accusent d’avoir gardé le silence sur les agressions sexuelles commises au pensionnat catholique de Notre-Dame de Betharam, dans les années 1990. D’abord, parce que le rôle d’un Chef de gouvernement, dans un pays laïc comme la France, ne peut pas se limiter à se protéger personnellement sur le plan juridique. Ensuite, parce que cette triste affaire résonne, bien plus qu’il ne veut l’admettre, avec son parcours politique personnel.

L’affaire en question n’est pas encore élucidée. Le parquet de Pau, la ville située au pied des Pyrénées dont François Bayrou est le maire depuis 2014 – fonction qu’il continue d’assumer, malgré son arrivée à l’hôtel Matignon depuis le 13 décembre 2024 - enquête sur des plaintes pour violences et agressions sexuelles commises par des prêtres et des surveillants de ce pensionnat catholique fréquenté un temps par ses enfants.

Un «non» catégorique

Or jusque-là, la réponse du chef du gouvernement français, notable éminent de cette région du Béarn et pieux catholique revendiqué, s’est limitée à un «non» catégorique. Non, il ne savait rien. Non, il n’a rien caché. Non, son silence ne cache rien. Non, son épouse qui a enseigné dans ce pensionnat ne savait rien. «C’est vrai que la rumeur, il y a vingt-cinq ans, laissait entendre qu’il y avait eu des claques à l’internat. Mais de risques sexuels, je n’avais jamais entendu parler», s’est-il contenté de répondre au journal Le Parisien en mars 2024.

Tout devrait donc s’arrêter là, alors qu’une centaine de plaintes ont déjà été déposées? Il suffirait donc que François Bayrou réaffirme haut et fort, mardi 11 février à l’Assemblée nationale «je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit, de violences ou de violences a fortiori sexuelles, jamais» pour couper court aux interrogations?

Désolé, monsieur le Premier ministre, mais la réponse est négative. Dans une France actuellement secouée par le scandale des agressions sexuelles à répétition commises par l’Abbé Pierre, icône catholique s’il en est (décédé en 2007), les silences de l’Eglise ne sont plus acceptables. Ce que l’institution a d’ailleurs compris en créant une Commission indépendante sur les abus sexuels en son sein. Laquelle a rendu un rapport fracassant en octobre 2021 à la hiérarchie catholique, avec procédures d’indemnisations à la clef.

Devoir de vérité

L’autre raison pour laquelle François Bayrou a, plus que tout autre responsable politique français, un devoir de vérité sur cette affaire Betharam est son comportement passé sur ces questions douloureuses. En 2009, l’intéressé avait publiquement accusé le député européen Daniel Cohn-Bendit, en direct à la télévision, d’avoir dans le passé couvert des actes pédophiles. Il dénonçait là les pratiques permissives d’une certaine gauche alternative dans les années 60 et 70. Soit. Or maintenant que le projecteur est mis sur sa ville de Pau, sa région du Béarn et sur le catholicisme rural, le silence et l’inaction ne peuvent pas être des réponses.

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François Bayrou est autant confronté, dans cette affaire, à la fierté de son enracinement local et géographique – il a écrit une biographie du roi béarnais Henri IV dont le portrait est accroché dans la grande salle de la mairie de Pau – qu’à son propre itinéraire.

Désarroi démocratique

Qu’il le veuille ou non, l’accusateur d’hier doit aujourd’hui tirer les conséquences de sa détermination passée à faire toute la lumière sur les complicités qui ont pu conduire une partie de la nomenklatura politique et cléricale française à couvrir des actes pédophiles. Il en va de la confiance des Français dans leurs institutions. A l’heure où, selon l’enquête tout juste publiée du Centre d’études de la vie politique française (Cevipof), 26% seulement des Français déclarent avoir confiance dans leurs élus et leurs dirigeants nationaux.

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