L'inspecteur de 1996 témoigne et admet des erreurs
A Bétharram, un «esprit d'établissement» et une inspection sous pression

L'inspecteur de Notre-Dame-de-Bétharram en 1996 témoigne devant une commission parlementaire. Il révèle avoir été pressé de rendre un rapport hâtif, privilégiant l'esprit d'établissement aux préoccupations individuelles.
Publié: 10.04.2025 à 14:27 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2025 à 19:08 heures
D'après son rapport, les délégués de classe lui ont dit suivre une scolarité sans châtiment. Seul un élève nuançait.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

L'inspecteur qui a mené en 1996 une rare inspection à Notre-Dame-de-Bétharram, où ont eu lieu des violences pendant des décennies, a été poussé à rendre à la hâte son rapport, lequel a permis de réhabiliter l'établissement, où il décrit un esprit de corps plus que le souci des «personnes».

Il a été pressé d'agir

Camille Latrubesse a indiqué avoir été poussé à agir très vite sur demande du recteur de l'époque, lors de son audition par téléphone jeudi dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire sur le contrôle par l'Etat des établissements scolaires.

«Le recteur lui a dit 'j'ai reçu une plainte d'un parent d'un élève (...) J'ai absolument besoin d'un rapport(...) Je souhaiterais l'avoir lundi prochain.' Là nous étions donc le jeudi», a-t-il raconté.

«Tout ça ne m'a pas pour dire gêné mais il a fallu que (...) tout s'organise le plus rapidement possible», a commenté Camille Latrubesse.

Les co-rapporteurs de la commission d'enquête Paul Vannier et Violette Spillebout l'interpellent sur sa journée d'inspection essentiellement consacrée à voir le chef d'établissement de l'époque, Vincent Landel, des enseignants, des encadrants, mais peu d'élèves.

Un esprit d'établissement plutôt que de la considération

D'après son rapport, les délégués de classe lui ont dit suivre une scolarité «très normalement sans subir de châtiments corporels», Camille Latrubesse évoquant juste un élève «plus nuancé».

Interrogé par Paul Vannier sur son rapport de trois pages focalisé sur l'ex-enseignante Françoise Gullung, qui avait tenté d'alerter sur des châtiments corporels, Camille Latrubesse a répondu que «l'ensemble des professeurs» de Bétharram rencontrés «étaient contre cette dame».

«Il y avait un esprit d'établissement avant d'y avoir de la considération pour les personnes», se souvient Camille Latrubesse.

Il a regretté l'absence de Mme Gullung ce jour-là mais n'a pas cherché à la contacter. Son rapport suggère de trouver une autre affectation pour Mme Gullung, pour «que les choses se passent mieux», a-t-il précisé jeudi.

Le rapport met l'accent sur des éléments matériels.

«On peut avoir l'impression que vos conclusions sont celles attendues par le chef de l'établissement» de l'époque, relève Paul Vannier, citant une lettre de remerciements qui aurait été adressée par Vincent Landel à Camille Latrubesse.

L'ancien inspecteur, parti en retraite peu après son passage à Bétharram, a par ailleurs indiqué ne pas être au courant du fait que la femme de François Bayrou donnait des cours de catéchisme dans l'établissement.

«J'ai appris tout ça beaucoup plus tard», en février dernier, affirme-t-il.

Des regrets

Âgé de 88 ans aujourd'hui, il avait exprimé en février des regrets au sujet de cette inspection, réitérés jeudi: «Si j'avais aujourd'hui à faire un rapport, je ne dirais pas la même chose, parce que j'ai appris» depuis «tellement de choses».

Le rapport, que François Bayrou dit avoir diligenté après une première plainte pour «coups et blessures» dans cette école alors qu'il était ministre de l'Éducation nationale, avait conclu après «une dizaine d'entretiens» que Notre-Dame-de-Bétharram «n'est pas un établissement où les élèves sont brutalisés».

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