Embuscades nocturnes
Prisons attaquées en France, la nouvelle guerre des Narcos?

La recrudescence des attaques contre les prisons en France prouvent une offensive organisée. La police n'exclut pas une campagne d'intimidation des «Narcos» pour éviter l'isolement des trafiquants.
Publié: 16.04.2025 à 15:55 heures
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Plusieurs prisons françaises ont été attaquées de nuit, dont celle de Tarascon.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

DDPF: qui se cache sous ces quatre lettres, pour «Droits des prisonniers français»? C’est en effet ce sigle qui figure au bas des seules revendications connues, depuis le début des attaques contre plusieurs prisons françaises, dont certaines menées à l’arme lourde.

Le sigle, pour certains, pourrait désigner un comité de l’ultragauche décidé à défendre les droits des détenus. Mais pour d’autres, il ressemble davantage à une diversion. Pour cacher un nouveau coup des «Narcos», ces gangs de trafiquants qui mettent des quartiers entiers sous coupe réglée.

L’hypothèse d’embuscades menées par les «Narcos» n’est pas privilégiée pour l’heure par le parquet antiterroriste, qui a été saisi. Mais la méthode utilisée, et le choix des prisons visées, ressemble à s’y méprendre à une signature de ces bandes criminelles dont les plus connues sont, en France, la DZ Mafia, le gang Yoda ou la Black Manja family, découverte récemment avec l’arrestation, le 24 mars en Roumanie, de Mohammed Amra, le trafiquant le plus recherché de France depuis son évasion meurtrière d’un fourgon pénitentiaire à un péage d’autoroute le 10 juillet 2024.

Prisons surpeuplées

Sur le choix des prisons, la carte se lit comme une liste des centres de détention où de nombreux trafiquants de drogue sont incarcérés. Agen, Aix-en-Provence, Toulon, Valence, Réau… Toutes ces prisons surpeuplées – 82'000 détenus pour seulement 62'000 places opérationnelles en France en 2024 – abritent des condamnés pour trafic de stupéfiants, souvent membres de ces réseaux criminels ou de cellule affiliée.

La méthode est aussi une indication: les tirs à la kalachnikov contre le portail de la prison de Toulon, ou les voitures incendiées sur le parking de l’Ecole de l’administration pénitentiaire dans le Lot-et-Garonne (Sud ouest) ressemblent aux actions des Narcos pour terroriser les quartiers et garder le contrôle de leurs points de deal. Le narcotrafic générerait en France chaque année entre 4 et 6 milliards d’euros de revenus. Autant dire un pactole qui exige une organisation minutieuse, impitoyable, et des chefs capables de tenir les forces de l’ordre à distance. 

Contre la nouvelle loi

L’autre raison de suspecter l’ombre des Narcos est le calendrier. Le 4 février, le Sénat a voté une proposition de loi visant à accroître les moyens de l’Etat pour lutter contre les narcotrafics. La semaine dernière, le texte a été finalisé entre les deux chambres du Parlement. Or parmi les mesures phares de ce texte figure la mise en place d’un nouveau régime carcéral très strict pour les chefs de gangs.

Ils pourront désormais être placés à l’isolement total dans deux centrales: Vendin le vieil (Pas-de-Calais) et Condé-sur-Sarthe (Orne). Les fouilles totales seront possibles en permanence. Leurs cellules seront vidéosurveillées. Les contacts avec les familles se feront sans pouvoir se toucher. Le brouillage des portables dans ces quartiers de haute sécurité sera constant. Plus de 200 détenus pourraient se retrouver ainsi privés d’accès à leurs réseaux. Et d’autres prisons se verront doter de quartiers similaires. 

Campagnes d’intimidation

L’intimidation des gangs de narcotrafiquants n’est pas nouvelle en France. En janvier, le directeur des douanes du port du Havre a tiré le signal d’alarme, estimant que ses 350 agents sont très vulnérables aux menaces des gangs. Dans les établissements pénitentiaires, la peur s’installe aussi. Des surveillants reçoivent régulièrement des menaces de mort. Leurs familles sont visées. Des photos de leurs enfants circulent, avec le nom des écoles qu’ils fréquentent. En juin 2024, un jeune homme de 19 ans a été payé 5000 euros par un prisonnier pour incendier le véhicule d’une surveillante de la prison d’Aix-en-Provence…

Neuf prisons ont été jusque-là touchées par ces attaques, dont les protagonistes ont parfois mis en scène leur action, en se filmant sur place. Une forme d’avertissement? Possible, même si la piste de commandos anarchistes reste étudiée de près par la police. L’on sait en effet que les gangs redoutent d’être décapités par l’arrestation et la mise à l’isolement de leurs leaders, ce qui les expose souvent à des représailles meurtrières de leurs concurrents.

Le cas de Marseille

On sait aussi que certaines prisons, comme Les Baumettes à Marseille, sont particulièrement poreuses aux influences criminelles extérieures. En octobre 2024, quelques jours après son arrivée à cette maison d’arrêt des Baumettes, à Marseille, un détenu de 22 ans, inconnu jusqu’ici de la justice, a été égorgé par un codétenu. Alors qu’il avait exigé de changer de cellule.

Un rapport d’enquête sur le narcotrafic en France a été rendu en 2024 par le Sénat. Il estime à près de trente tonnes la quantité de cocaïne saisie chaque année en France, cinq fois plus qu’il y a dix ans. «On assiste à une véritable submersion», dénonçaient dans ce document les Sénateurs. Jusqu’à l’intérieur des prisons?

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