Pete Hegseth vient-il déjà de remporter le titre de secrétaire à la Défense le plus calamiteux de l’histoire des Etats-Unis? Au vu de la polémique (justifiée) déclenchée par la diffusion de plans de guerre et de frappes contre les Houthis du Yemen sur la messagerie Signal, dans une boucle au sein de laquelle figurait un journaliste de «The Atlantic», la réponse semble acquise.
L’ancien officier des forces spéciales, tatoué sur une bonne partie du corps, se retrouve dans la pire position pour un chef du Pentagone, alors qu'il effectue une première tournée en Asie-Pacifique: celle d’une leader dans lequel les subordonnés, et les alliés, ne peuvent plus avoir confiance.
Brèche de sécurité majeure
Sur le papier, le «Signalgate» est une brèche de sécurité majeure, sur laquelle un politicien comme Donald Trump se serait rué s’il n’était pas Président en exercice, et s’il n’avait pas nommé Pete Hegseth. Impossible en effet de ne pas relier l’utilisation d’une messagerie publique comme Signal, et l’inclusion d’un journaliste, aux précédentes fonctions du ministre, surtout connu pour ses talk-shows sur la chaîne conservatrice Fox News.
Pete Hegseth, aux yeux des téléspectateurs américains, reste d’abord l’animateur de l’émission à succès «Fox & Friends week-end». Certains observateurs affirment même que Trump l’aurait volontiers remplacé s’il n’avait pas été confirmé par le Sénat. Une confirmation à l’arrachée obtenue le 24 janvier par 51 voix contre 50, grâce au vote du Vice-Président JD Vance.
Une bavure absolue
Le pire, au-delà de l’utilisation de ce canal pour diffuser des informations hautement confidentielles et décisives pour la sécurité nationale, est le récit complet de cette bavure. Exemple: l’inclusion dans la boucle Signal de l’émissaire de Trump pour le cessez-le-feu en Ukraine et le Moyen-Orient, Steve Witkoff.
Selon «Politico», celui-ci a été ajouté au groupe de discussion alors qu’il se trouvait encore à Moscou pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine. Ce que le média très lu à Washington juge comme une faute majeure: «Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’être en Russie n’est pas très bon pour la confidentialité et la sécurité de votre téléphone et que cela bafoue les protocoles habituels pour discuter en toute sécurité d’informations militaires sensibles.»
Des Européens détestés
Autre fait accablant: le langage employé par Hegseth, dans cette boucle, à propos des Européens dont il est l’interlocuteur pour les questions militaires. En réponse à une affirmation du Vice-Président JD Vance (auquel il doit sa confirmation sénatoriale) qui répétait «détester simplement renflouer les Européens une fois de plus», l’intéressé a rajouté une couche de mépris.
«Je partage entièrement votre aversion pour le parasitisme européen», a-t-il répondu. C’est PATHÉTIQUE». Et ce, alors que le même Hegseth demande aux alliés des Etats-Unis réunis au sein de l’OTAN d’augmenter leurs dépenses militaires, d’acheter du matériel américain, et de continuer de se fier à cette alliance dont le prochain sommet aura lieu à La Haye (Pays-Bas), les 24 et 25 juin.
Danger mondial
«Il transforme le Pentagone en danger mondial. Il est impossible de commander une aussi formidable machine de guerre sans inspirer le respect et l’autorité» commente, pour Blick, un diplomate suisse qui connaît bien l’institution basée à Bruxelles. D’autant que Pete Hegseth est aussi connu pour ses habitudes personnelles qui posent question sur ses obsessions viriles.
Il a payé 50'000 dollars à une femme qui l’accusait de viol en 2017 à Monterey, en Californie, pour qu’elle ne dépose pas plainte. Il a accusé dans son dernier livre les généraux «réveillés» et les dirigeants des académies militaires d’élite de laisser derrière eux une armée dangereusement faible et «efféminée». Il a promis de se concentrer sur les méthodes «létales».
Le chef et les soldats
«Il n’y a pas un seul officier en vie dont la carrière survivrait à une telle violation de la sécurité», commentait le «New York Times» mardi 25 mars. «Elle aurait normalement des conséquences immédiates (révocation du commandement, par exemple), suivies d’une enquête approfondie et, éventuellement, d’une inculpation pénale.»
Et le célèbre journal de conclure: «Rien ne détruit plus la crédibilité d’un dirigeant auprès des soldats que l’hypocrisie ou la politique du deux poids deux mesures. Lorsque les chefs enfreignent les règles qu’ils imposent aux soldats, ils rompent le lien de confiance entre les soldats et les commandants. Les meilleurs commandants ne demandent pas à un soldat de se conformer à une règle qui ne s’appliquait pas également à eux. Les meilleurs commandants donnaient l’exemple.»