Ils seront les fers de lance de la future administration Trump. Et pour obtenir les faveurs du président élu, leur première qualité, outre la loyauté à son égard, semble être leur popularité médiatique ou la longueur de leur casier judiciaire. Les premiers sont d’ex-vedettes de la chaîne conservatrice Fox News – dont l’audience explose depuis l’élection du 5 novembre – comme le futur secrétaire à la Défense Pete Hegseth ou le futur secrétaire aux transports Sean Duffy. Les seconds ont un passif avec la justice, comme le prochain ambassadeur des Etats-Unis en France, Charles Kushner, condamné pour fraude fiscale en 2005. Un délit pour lequel cet ancien promoteur immobilier du New Jersey, père du gendre de Donald Trump, a passé deux ans en détention.
Un choix basé sur la confiance? Sans doute, vu les liens étroits qui unissent le futur 47ᵉ président des États-Unis à ces personnalités controversées. Mais un choix qui relève surtout de la provocation et de la volonté de marquer le futur gouvernement d’une empreinte «authentique», populaire et anti-élites.
Des forces spéciales aux plateaux TV
Pete Hegseth, animateur populaire de l’émission Fox & Friends, n’est pas qu’un vétéran des forces spéciales au sein desquelles il a servi en Irak et en Afghanistan. Ce quadragénaire est surtout très populaire parmi l’un des publics clés de la base électorale trumpiste: les anciens combattants. Mehmet Oz, le très médiatique médecin qui sera en charge des programmes publics d’assurance maladie Medicare et Medicaid, animait depuis 2009 le «Dr Oz Show», diffusé par de nombreuses chaînes de TV locales. Sean Duffy, dont la mission sera de superviser les grandes infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires du pays, était le co-animateur du programme «The Bottom Line», tandis que son épouse Rachel Campos-Duffy, est l’un des piliers de «Fox & Friends»…
Transgresser les règles
Sur le plan judiciaire, le calcul est le même: Donald Trump transgresse d’emblée les règles qui, en général, imposent d’écarter des repris de justice des responsabilités gouvernementales. Le dernier exemple en date est familial. Le futur ambassadeur à Paris Charles Kushner, père de Jared, le mari d’Ivanka Trump, a plaidé coupable il y a vingt ans de seize chefs d’accusation pour aide à la production de fausses déclarations fiscales, d’un chef d’accusation pour représailles à l’encontre d’un témoin coopérant et d’un chef d’accusation pour fausses déclarations à la Commission électorale fédérale. Ironie des circonstances, le procureur qui l’a condamné, Chris Christie, avait été nommé en 2016 par Donald Trump coresponsable de son équipe de transition, avant de devenir l’un de ses adversaires. Le président avait gracié le beau-père de sa fille en 2020, à l’issue de son premier mandat.
La stratégie politique derrière ces nominations a été révélée par l’affaire Matt Gaetz, du nom de l’élu de Floride que Donald Trump envisageait de nommer à la tête du département de la Justice. Dès l’annonce de son choix, l’attention médiatique a été concentrée sur ce membre réélu de la Chambre des Représentants, accusé de trafic sexuel apparemment documenté dans un rapport parlementaire pour l’heure resté confidentiel.
Trump gagne sur tous les tableaux
«Trump gagne sur tous les tableaux avec ce type de personnalités, juge un ancien diplomate américain. S’ils doivent renoncer avant d’être auditionnés par le Sénat, comme cela a été le cas pour Matt Gaetz, il leur trouve aussitôt un remplaçant (le poste de «ministre» de la Justice est finalement revenu à Pam Bondi, ancienne procureure de Floride). Et s’ils se défendent et tiennent face aux critiques, leur notoriété deviendra un argument de poids».
L’exemple de Pete Hegseth est de ce point de vue éloquent: couvert de tatouages et accusé de harcèlement sexuel, l’ancien commando sera compliqué à démonter lors de son audition par les Sénateurs. «Ces auditions seront retransmises en direct. Or Hegseth, comme Duffy, sont des pros des caméras poursuit notre interlocuteur. Ils sauront mettre le public de leur côté».
Des personnalités à son image
Donald Trump a aussi choisi des personnalités à son image. Lui-même devait répondre, avant d’être élu, de plusieurs chefs d’accusation, dont deux au niveau fédéral. Il était accusé d’avoir interféré dans l’élection présidentielle de 2020, et d’avoir dissimulé des documents confidentiels relatifs à la sécurité nationale après avoir quitté la Maison Blanche en 2021. Il avait, parallèlement, été condamné en mai par un tribunal de Manhattan dans l’affaire du versement d’argent non déclaré à la star du porno Stormy Daniels.
Or tout cela appartient au passé. L’annonce de la peine par le tribunal new-yorkais, qui devait intervenir fin novembre, a été reportée sine die. Le procureur spécial Jack Smith a, quant à lui, suspendu les deux procédures fédérales en vertu de l’immunité du Chef de l’Etat. C’est le système judiciaire qui se retrouve maintenant le dos au mur. «La fin des deux affaires pénales fédérales contre le président élu laisse des questions importantes et non résolues sur les contraintes imposées aux présidents en matière d’actes criminels, qu’il s’agisse de la portée de l’immunité présidentielle ou de la question de savoir si le ministère de la justice peut continuer à nommer des conseillers spéciaux externes pour enquêter sur des actes répréhensibles de haut niveau» note le journaliste du «New York Times» Charlie Salvage.
Le cas de Rudy Giuliani
Dernier acte de cette transition qui va durer jusqu’à l’investiture du 20 janvier 2025: les pardons présidentiels. Donald Trump a promis de pardonner aux meneurs de l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole. «Je ferai libérer les otages du 6 janvier qui sont emprisonnés à tort» avait-il écrit en mars 2024 sur son réseau Truth Social, avant de réitérer cet engagement lors d’un forum de l’Association nationale des journalistes noirs à Chicago en juillet. Alors? Les intéressés attendent. S’agira-t-il d’un pardon généralisé ou sélectif? Donald Trump laissera-t-il croupir en détention ceux qui, comme il l’a écrit «ont probablement échappé à tout contrôle»?
Les observateurs suivent enfin attentivement le cas de l’ancien maire de New York et avocat de Trump Rudy Giuliani, condamné à verser 148 millions de dollars de dommages et intérêts pour diffamation envers deux scrutatrices noires des élections de 2020 dans l’État de Géorgie. Depuis plusieurs jours, la presse américaine scrute le comportement de celui qui vient enfin, après des mois, de remettre à la justice sa Mercedes décapotable et plusieurs montres de collection. Sauf que lors de la dernière audience, le 26 novembre, l’ex avocat a de nouveau oublié les clefs et le titre de propriété de son véhicule. Comme s’il comptait pouvoir le récupérer, après avoir obtenu un pardon présidentiel au début janvier.