Sommet «patriote» à Madrid
«Make Europe Great Again», le slogan des nationalistes qui sonne faux

Le sommet des leaders de droite «patriotes» a entonné samedi 8 février à Madrid le slogan «Make Europe Great Again» emprunté à Donald Trump. Sauf que tous ces partis nationalistes veulent d'abord la réussite de leur pays.
Publié: 09.02.2025 à 10:12 heures
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Dernière mise à jour: 09.02.2025 à 11:06 heures
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Viktor Orban, Santiago Abascal (organisateur du sommet de Madrid) et Marine Le Pen: tous trois ont adopté le slogan «Make Europe Great Again».
Photo: imago/alterphotos
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils promettent de «rendre à l’Europe sa grandeur» avec le slogan «Make Europe Great Again» directement copié du «Make America Great Again» de Donald Trump. Tous les leaders des partis de la droite nationale-populiste réunis samedi 8 février à Madrid (Espagne) à l’invitation du parti espagnol Vox l’ont répété. Sauf que ce slogan sonne terriblement faux dans la bouche de Santiago Abascal, le leader de Vox ouvertement nostalgique du général Franco, de Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, de Geert Wilders, le leader néerlandais du parti de la Liberté, et de Marine Le Pen, la dirigeante du Rassemblement national.

Pourquoi? Pour deux raisons simples et évidentes. La première est que ce slogan «Make Europe Great Again», formulé dès l’arrière de Trump à la Maison Blanche par le milliardaire Elon Musk, est contradictoire avec les urgences de la nouvelle administration américaine. Trump veut que les pays européens paient davantage. Il veut qu’ils achètent plus de produits et d’armes américaines. Il a demandé au Forum de Davos que le marché de l’Union européenne (auquel la Suisse est arrimée) soit dérégulé pour faire plus de place aux multinationales américaines. Son projet se défend, du point de vue des Etats-Unis. Mais il n’est absolument pas conçu pour rendre à l’Europe sa grandeur. Au contraire.

Les nationalismes antagonistes

La seconde raison est le nationalisme de tous les partis représentés au sommet de Madrid. Tous clament, d’ordinaire, leur volonté de défendre d’abord leurs intérêts nationaux. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a même appliqué ce principe à la lettre, en menaçant de mettre son veto à plusieurs reprises contre les sanctions européennes sur la Russie, qui lui fournit son gaz (il ne l’a finalement jamais fait). Or l’Europe est un continent qui, dans l’histoire, a toujours souffert dans sa chair de ses divisions et de ses antagonismes. Que tous ces partis veuillent démanteler l’Union européenne est leur droit. Une bonne partie de l’opinion les soutient. Mais si le délitement s’ensuit, l’Europe comme bloc n’en sortira pas gagnante.

«Make Europe Great Again» est en fait une façade. Un bon slogan. Une manière de surfer sur la vague Trump qui, c’est incontestable, va débarquer encore plus fort sur le continent européen maintenant que le nouveau président américain est en fonction. Attention toutefois: tous les partis nationaux-populistes n’étaient pas au rendez-vous de ce sommet des «patriotes» de Madrid, car ils sont en réalité divisés entre eux. Trois groupes rassemblent ces formations de droite nationaliste au Parlement européen. «Patriotes pour l’Europe», fondé par Viktor Orban, est présidé par le patron français du RN Jordan Bardella. Le groupe des «Conservateurs et réformistes européens» (ECR) regroupe les députés italiens de «Fratelli d’Italia», le parti de la Première ministre Giorgia Meloni, et ceux du PIS Polonais. Le groupe des «Nations souveraines» a été enfin formé autour de l’AfD, le parti d’extrême-droite allemand.

Trump et ses protégés

Plus compliqué encore: Donald Trump, l’inspirateur du slogan «Make Europe Great Again» entretient des relations très différentes avec ces partis de droite nationale populiste. Trump, comme Elon Musk (venu à Madrid), aime les leaders de droite libéraux sur le plan économique. Il est depuis longtemps proche de Viktor Orban. Il cajole Giorgia Meloni (absente du sommet). Il est en phase avec le Néerlandais Wilders. En revanche, Marine Le Pen, jugée trop étatiste, n’est pas du tout sa tasse de thé. Là aussi, la pression de Washington est à géométrie variable.

Le prochain test du «Make Europe Great Again» aura lieu le 23 février, avec les élections législatives allemandes anticipées. L’AfD, le parti d’extrême droite dirigé par Alice Weidel, va-t-il encore progresser dans les urnes, fort du soutien d’Elon Musk? Si oui, tous ces partis, malgré leurs divergences, utiliseront sans doute encore plus ce slogan et cette formule, pour mettre en scène leur proximité avec Trump. Si ce n’est pas le cas en revanche, alors la question sera posée: peut-on gagner des scrutins en Europe en mimant le Trumpisme, qui est d’abord un nationalisme américain sans partage?

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