Donald Trump en est certain: il est en train de propulser les États-Unis vers leur nouvel «âge d’or». Soit. La suite de son mandat présidentiel dira si, oui ou non, ses prédictions économiques s’avèrent justes, et si la première puissance mondiale redevient «le meilleur endroit sur terre pour faire du business». Mais il est une autre chose certaine: le «bon sens» au nom duquel Trump a justifié toutes ses politiques dans son discours au Forum de Davos – du renvoi massif des migrants à la dérégulation et aux baisses d’impôts massives – ne correspond en rien à l’état de l’Europe en 2025.
Précisons tout de suite l’argument. La charge menée devant le public de Davos par Donald Trump contre la bureaucratie et les normes qui ligotent les entreprises évoluant sur le marché européen n’a, en soi, rien de choquant. Tous les entrepreneurs ou presque se plaignent d’un fardeau administratif communautaire devenu un boulet, et les cas d’opérateurs dégoûtés par l’amoncellement de règles et par les délais pour obtenir les autorisations requises sont légion dans les 27 pays de l’Union.
Rapport Draghi
A preuve: l’ancien premier ministre italien Mario Draghi en a même fait l’un des piliers de son rapport sur le marché unique, que l’actuelle Commission a pris comme référence, avec les recommandations parallèles d’Enrico Letta sur la compétitivité. Donc oui, Président Trump: cette Europe-là, dont Draghi redoute «l’agonie» a un énorme problème. Ce n’est pas la Suisse, demeurée à l’écart tout en prenant bien soin d’y rester associée, qui vous dira le contraire. Et ce n’est pas le discours d’Ursula von der Leyen, mardi à Davos, avant tout défensif et dépourvu d’annonces, qui peut sceller la confiance dans un sursaut à venir.
Prétendre en revanche, comme l’a fait Donald Trump lors de son intervention, que le «bon sens» économique européen serait de tout démanteler pour faire encore plus de place aux multinationales américaines, à commencer par les géants du numérique, est une aberration. L’Union Européenne doit au contraire se réformer d’urgence pour revitaliser son incroyable tissu d’entreprises et attirer les capitaux internationaux indispensables aux innovations de demain. Ouvrir plus grandes les portes aux géants de la tech «Made in USA», tous ralliés à Trump, ne réglera rien sur un continent déjà terriblement contraint par sa dépendance énergétique. La cartellisation américaine de l’Europe, en particulier dans le secteur des données et de l’intelligence artificielle si crucial pour nos vies quotidiennes et notre avenir n’est, en rien, un projet qui relève d’un quelconque «bon sens».
Libéralisme et entreprise
Il est triste de voir qu’au Forum de Davos, au beau milieu de ce continent et d’un pays, la Suisse, qui a toujours défendu le libéralisme et l’esprit d’entreprise, aucun intervenant n’a osé interroger Trump sur ce sujet, et lui rappeler cette évidence. Logique. Le président américain sidère. Il sème l’effroi. Il parle comme le shérif de l’économie mondiale. Il affirme, en plus, vouloir ouvrir grandes les portes des États-Unis à tous ceux que ses réformes et ses dérogations fiscales ne manqueront pas d’attirer. Avec de gros profits en perspective.
N’oublions néanmoins jamais, durant les quatre années qui viennent, que son unique mot d’ordre demeure: «Rendre à l’Amérique sa grandeur».
Donald Trump est l’évangéliste zélé et implacable d’une vision sociale et économique à sens unique. Pas d’un quelconque «bon sens» européen, voire universel.