800 milliards d'euros demandés
Comment Super Mario veut sortir l'Europe de l'agonie

L'ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi propose une injection massive de milliards pour relancer l'économie de l'Union européenne. Bon point pour la Suisse: elle en profitera.
Publié: 09.09.2024 à 21:02 heures
1/5
Mario Draghi présentait ce lundi son rapport sur la compétititivé de l'Union européenne.
Photo: Anadolu via Getty Images
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Super Mario n’est plus le bouclier d’autrefois. Lorsqu’il présidait la Banque centrale européenne (BCE) entre 2011 et 2019, Mario Draghi savait dire stop à la spéculation des marchés financiers. En juillet 2012, le fait d’affirmer que son institution défendrait la monnaie unique «quoi qu’’il en coûte» (Whatever it takes) avait calmé l’appétit de tous ceux qui rêvaient de détruire l’euro. Douze ans après, c’est à ce banquier, président du Conseil en Italie entre février 2021 et octobre 2022, que les 27 pays membres de l’Union européenne ont demandé un rapport sur la relance de leur grand marché de 450 millions d’habitants. Résumé en 5 points.

Investir est une urgence

Mario Draghi ne mâche pas ses mots, même si son constat est depuis longtemps partagé par de nombreux économistes: l’économie européenne est en train de décrocher face aux États-Unis et à la Chine. L’UE est, selon lui, confrontée aujourd’hui à «un défi existentiel» et sera condamnée à «une lente agonie» si elle n’agit pas. 

La raison est double. Point 1: les pays membres de l’UE sont sortis de la pandémie de Covid en moins bonne forme économique que les États-Unis, dont les entreprises ont rapidement repris leurs positions sur les marchés mondiaux, en particulier dans les pays émergents. 

Point 2: la productivité européenne baisse de manière trop importante. Le décrochage n’est donc pas seulement vrai en matière d’innovations, de brevets, et d’avancées technologiques. Il se constate aussi dans les ressources humaines. L’entreprise Europe manque de personnel qualifié. Investir pour relancer la machine est une urgence.

Emprunter est justifié

Attention, pavé dans la mare. Mario Draghi, hier gardien de l’austérité et des équilibres budgétaires à la tête de la Banque centrale européenne, s’est converti en défenseur de la relance à marche forcée. Il faut, selon lui, doper l’économie des 27 (et par ricochet de leurs principaux partenaires dont la Suisse) en offrant ce que cherchent les entreprises du continent: un marché, des opportunités, et la possibilité de compenser leur recul sur les marchés internationaux. 

Comment y parvenir? En injectant près de 800 milliards d’euros, ce qui correspond à deux fois le plan Marshall américain de l’après-guerre. «Il faut mobiliser les capitaux privés» insiste l’ancien chef du gouvernement italien. Avec, à la clef, 170 propositions pour prendre (enfin) le taureau par les cornes.

Bâtir des champions européens

Les logiques industrielles nationales ne tiennent plus la route. Cette affirmation de Mario Draghi, qui plaide pour la constitution de champions européens, par exemple dans le domaine de l’industrie de la défense, est de loin la plus problématique. Car dans les faits, qui dit champions continentaux dit choix douloureux pour les pays qui devront accepter de sacrifier leurs propres conglomérats, en les fusionnant avec d’autres entreprises. 

Où placer ensuite les usines? Est-il possible de reproduire à 27 le modèle multinational qui a fait le succès de l’avionneur Airbus? Et comment vendre cette idée à des gouvernements de plus en plus confrontés à la montée des partis nationaux populistes qui réclament au contraire «moins d’Europe»? Présente à ses côtés lors de la présentation de son rapport ce lundi 9 septembre à Bruxelles, la présidente allemande de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’est bien gardée d’acquiescer. Les industriels de la République fédérale pensent d’abord à eux.

La dette commune est la solution

Mario Draghi a parlé comme Emmanuel Macron. Le président français plaide depuis plusieurs années pour une nouvelle émission d’obligations communautaires, comme cela a été fait lors de la crise du Covid. Super Mario en est convaincu: c’est parce qu’ils empruntent beaucoup que les Américains peuvent investir au bon moment, et relancer la machine économique quand celle-ci présente des signes de faiblesse. «Il y a urgence», a répété Mario Draghi, en défendant «une coalition des volontés», que ce soit dans le cadre d’une coopération renforcée ou d’un traité intergouvernemental qui permettraient aux plus allants d’avancer.

C’est maintenant ou jamais

Cette formule pourrait servir de titre au rapport Draghi que les chefs d’État ou de gouvernements des pays membres de l’Union européenne vont maintenant examiner, et débattre. Il sera au menu du sommet européen, les 17 et 18 octobre prochain à Bruxelles. L’urgence stratégique est triple. 

1. Il faut prendre conscience du vieillissement des populations européennes qui érode progressivement la compétitivité du continent. 

2. Il faut investir massivement dans les technologies propres et le numérique, tout en réduisant les dépendances, notamment à la Chine. 

3. Il faut utiliser au mieux le levier des industries de défense, indispensables dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Message reçu? 

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la