L’Europe a évité l’attaque frontale. D’ordinaire très dur avec ses alliés de l’Alliance atlantique (OTAN) dont il exige obéissance et achats massifs d’armes américaines, Donald Trump n’a pas ciblé le Vieux Continent et ses démocraties dans son discours d’investiture. Une bonne surprise? La preuve, surtout, que le nouveau président des Etats-Unis met en place une stratégie graduelle. Il s’exprimera ce jeudi 23 janvier en visioconférence au Forum économique mondial de Davos. Les hommes clés de son administration seront ensuite présents, du 14 au 16 février, à la Conférence annuelle de Munich sur la sécurité où la guerre en Ukraine sera omniprésente.
Trois scénarios sont en fait envisageables pour les pays de l’Union européenne et leurs partenaires les plus proches, dont la Suisse. Il est d’ailleurs possible que leurs réponses piochent dans ces trois options. Avec le risque d’une désunion que Donald Trump ne manquerait pas d’exploiter sur le plan militaire et économique. L’autre homme à guetter sera bien entendu Elon Musk, qui a multiplié les ingérences politiques dans les affaires de plusieurs pays européens, avec ses déclarations sur son réseau social X. Ce dernier a d’ailleurs un plan: MEGA, Make Europe Great Again.
Scénario 1: L’Europe Meloni
Giorgia Meloni était présente à l’investiture de Donald Trump, où elle a été vue plaisantant, bras dessus bras dessous, avec le président argentin Javier Milei, fameux pour ses réformes libérales «à la tronçonneuse». L’Europe Meloni, du nom de la Première ministre italienne, est une Europe qui accepte sa vassalité, conforme à l’histoire depuis 1945. L’Italie est, de longue date, très proche des Etats-Unis. Durant la guerre froide, la CIA a tout fait pour faire échouer la grande alliance entre la démocratie chrétienne et la gauche communiste. Giorgia Meloni a, pour obtenir gain de cause, de sérieux atouts dans sa manche.
Sa relation avec Elon Musk est très étroite. Donald Trump la traite un peu comme sa fille. Autre argument pour la cheffe du gouvernement italien, venue de l’extrême droite néofasciste: le patronat italien peut difficilement se permettre une crise avec les Etats-Unis, où le groupe automobile Fiat est le principal actionnaire de Chrysler. S’y ajoutent les pressions des industriels du luxe. Melania Trump était habillée en Dolce & Gabbana lors du diner avant l’investiture. Un autre atout?
Scénario 2: L’Europe Zelensky
Cette Europe-là est celle qui est aujourd’hui transie de peur. Le sort du président ukrainien, et de son pays, dépend très largement du soutien militaire de Washington. Or plus il attend, plus Trump met l’Ukraine au pied du mur, à l’heure où les revers militaires s’accumulent sur le front. La seule carte dans les mains de Volodymyr Zelensky, qui s’exprimera ce mardi 21 janvier au Forum de Davos, est paradoxalement la menace de Vladimir Poutine.
Trump apprécie le président russe, ce n’est pas un mystère. Les deux hommes ont déjà promis de se rencontrer, et la Suisse rêve de les accueillir à Genève. Sauf que Trump, qui s’est présenté dans son discours en «faiseur de paix» ne peut pas imposer un cessez-le-feu qui permettrait au Kremlin de crier victoire. Ce serait alors une défaite de l’OTAN, donc des Etats-Unis. L’Europe Zelensky a un seul choix: convaincre Donald Trump de lui accorder une «surge», un renfort en armes avant négociation. Pour punir Poutine, puis entamer les discussions. Compliqué.
Scénario 3: l’Europe Tusk
Pourquoi pas l’Europe Macron ou l’Europe von der Leyen? Parce que le Premier ministre polonais, à la tête d’un pays traditionnellement très pro-américain a, paradoxalement, beaucoup à perdre si Trump prend ses distances avec l’Europe. La Pologne veut les garanties de sécurité américaines et elle estime les mériter. Son budget de la défense atteindra 5% de son Produit Intérieur Brut en 2025, le niveau exigé par Trump. Et Varsovie a des arguments convaincants pour faire dérailler le grand rapprochement Trump-Poutine.
Autre raison, pour la Pologne, d’entamer une négociation avec Washington: sa prospérité économique, et ses usines qui fabriquent les voitures allemandes. Donald Tusk, ancien président du Conseil européen (l’instance qui représente les dirigeants des 27 pays membres), connaît en plus l’UE de l’intérieur. A l’inverse, le président français Macron, qui appelle au sursaut, est démonétisé en raison de la crise politique dans son pays. Et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, atlantiste invétérée, attend le résultat des législatives allemandes du 23 février.