Il ne s’agit pas d’un boycott. Ni d’une politique de la chaise vide. Lorsque Joe Biden, puis Volodymyr Zelensky s’exprimeront ce mardi devant l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, les délégués des 193 États membres de l’ONU les écouteront bien sûr avec attention. Sauf que quatre places cruciales ne seront pas occupées par leurs titulaires, à savoir les Chefs d’État ou de gouvernement. Sur les cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui dictent leur loi au monde entier depuis 1945, quatre seront représentés par leurs ministres des Affaires étrangères. Ni Vladimir Poutine pour la Russie, ni Xi Jinping pour la Chine, ni Emmanuel Macron pour la France et ni Rishi Sunak pour le Royaume-Uni ne seront présents. Le président américain et son homologue ukrainien occuperont seuls le devant de la scène.
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La question posée par cet absentéisme de haut niveau est évidemment celle de la pertinence de l’ONU, dont le second siège mondial se trouve à Genève. Faut-il, aujourd’hui, consacrer encore de l’énergie et des moyens à cette organisation dont l’impuissance est démontrée chaque jour par la poursuite de la guerre en Ukraine et l’impossible mobilisation collective contre le réchauffement climatique?
Le climat: tel est d’ailleurs le thème de cette semaine d’Assemblée générale, du 18 au 24 septembre à New York. Des milliers d’activistes ont encore réclamé des mesures urgentes ce lundi, sur le fameux parvis du UN Building. Mais là aussi, les bras levés et les images des protestations ne doivent pas faire illusion: c’est ailleurs, loin de l’ONU, que tout se joue au sujet du réchauffement de la planète.
Il n’y a aucun lieu de se réjouir de cet affaissement de l’ONU et du système multilatéral, comme l’on nomme ce labyrinthe de traités, de pratiques diplomatiques et d’agences internationales telles que celles basées au bord du Lac Léman, comme le Haut-commissariat aux Réfugiés (HCR), ou l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
La Suisse, qui a tant tardé à rejoindre les Nations Unies après le référendum de 2002, est bien placée pour le savoir. La Confédération siège comme membre non permanent au Conseil de sécurité, l’instance suprême de l’ONU, pour 2023 et 2024. Les diplomates suisses sont donc aux premières loges pour constater les fractures mondiales croissantes et les dommages causés par l’agression de la Russie contre l’Ukraine, condamnée à nouveau le 23 février 2023 par 141 pays lors d’un vote onusien. Ce jour-là, comme un an plus tôt, 32 pays se sont abstenus, dont la Chine et l’Inde. Tandis que sept ont voté contre (Russie, Biélorussie, Syrie, Corée du Nord, Mali, Nicaragua, Erythrée).
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La vérité est que l’ONU n’est plus perçue comme un arbitre, et comme le lieu où se déroule la compétition entre puissances. Alain Berset, présent à New-York pour cette Assemblée générale, le constatera lui-même. Les BRICS, ce regroupement des nouvelles puissances, plaident pour une alternative et ne veulent plus financer des agences humanitaires dominées selon eux par les Occidentaux. A Genève, le Conseil des droits de l’homme est de plus en plus étouffé par les raisons d’État.
S’y ajoute une crise encore plus concrète: celle des finances de l’organisation. Son secrétaire général, Antonio Gutteres, le répète sans cesse: les Nations Unies sont à court de liquidités et les institutions financières internationales sont «trop restreintes pour remplir leur mandat et bénéficier à tous». Si ce n’est pas une agonie programmée, cela commence à y ressembler.
Ils vont parler dans le vide
Joe Biden et Volodymyr Zelensky vont parler dans le vide. C’est une réalité. Ceux à qui ils veulent s’adresser en priorité ont choisi ne pas se déplacer. Parce que c’est ailleurs que le monde regarde. La transition écologique a relancé la course acharnée aux terres et aux minerais rares.
La Russie de Poutine a jeté aux orties le droit international et les frontières. La Chine a constitué, à travers son projet «Ceinture et route», un chapelet de pays vassaux. Tandis que du côté des pays riches, l’OTAN devient bien plus qu’une alliance militaire: une sorte de nouvelle forteresse occidentale qui englobe, en Asie, le Japon, la Corée du Sud et Taïwan. Le monde n’est plus celui des Nations Unies. Il est celui d’une destruction massive de l’ordre international dont personne, puissant ou non, n’est aujourd’hui capable d’anticiper les conséquences. Et les dommages.