Lampedusa face aux migrants
L'état d'urgence migratoire européen, c'est maintenant

Les chiffres sont sans appel: l'afflux de migrants en provenance du sud de la Méditerranée est en nette augmentation ces derniers mois. Les pays européens ne peuvent plus échapper à un état d'urgence collectif
Publié: 16.09.2023 à 10:25 heures
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Plus de sept mille migrants sont arrivés sur l'île italienne de Lampedusa ces dernières semaines. Le site d'accueil prévu pour ces derniers compte 400 places..
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Alerte absolue: l'île italienne de Lampedusa est à nouveau au bord de l’asphyxie en termes d’accueil de migrants arrivés par la mer.

Plus de sept mille migrants originaires des pays africains y ont échoué ces derniers jours. Les chiffres d’arrivée en Espagne explosent également, avec près de 20'000 clandestins débarqués depuis le début 2023. Une réalité que les drames au Soudan (guerre civile), en Libye (inondations à Derna), au Maroc (tremblement de terre dans l’Atlas) ou au Niger (Coup d’État militaire) ne va faire qu’aggraver…

Une copie européenne à revoir

La présidente de la Commission européenne doit donc d’urgence revoir sa copie. Car c’est l’ensemble du continent qui est concerné. A Strasbourg, dans son discours sur l’état de l’Union prononcé mercredi 13 septembre, Ursula von der Leyen s’est à demi félicitée des mesures prises jusque-là: «J’ai toujours été fermement convaincue que les migrations doivent être gérées», a-t-elle déclaré.

«Avec le Pacte sur la migration et l’asile, nous avons trouvé un nouvel équilibre. Entre protection des frontières et protection des personnes. Entre souveraineté et solidarité. Entre sécurité et humanité. Nous avons signé un partenariat avec la Tunisie qui apporte des avantages mutuels au-delà de la migration – de l’énergie à l’éducation, en passant par les compétences et la sécurité. Nous souhaitons à présent conclure des accords similaires avec d’autres pays.»

De quoi rassurer les habitants de l'Union européenne? Non. Car ces bonnes paroles ne correspondent pas à la réalité. A moins d’un an des élections européennes de juin 2024, et malgré le casse-tête de la guerre en Ukraine, le branle-bas de combat migratoire doit être déclenché.

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Premier élément d’urgence: reconnaître que l’accord passé avec la Tunisie, poussé par l’Italie et la Commission européenne, est très mal parti. Cet accord, conclu le 16 juillet avec le président Tunisien Kais Saied par la première ministre Italienne Giorgia Meloni, son homologue néerlandais Mark Rutte et Ursula von der Leyen prévoit d’allouer rapidement à ce pays 785 millions d’euros en échange du contrôle de ses frontières. 

Or l’État Tunisien n’en a aujourd’hui ni la volonté, ni la capacité. La population ne veut pas que des sanctuaires pour migrants soient installés sur son sol. La chasse aux Africains devient courante. Les départs en bateaux vers l’Europe sont encouragés. Seul le déploiement de contingents policiers et militaires européens sur place pourrait changer la donne.

Répartir le fardeau

Deuxième alarme: la répartition équitable du fardeau migratoire entre pays européens n’est toujours pas acceptée. La preuve en France, où le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin vient d’ordonner un renforcement du contrôle aux frontières avec l’Italie. Logique. 

Mais après? Les «Hotspots» financés par l’Union européenne aux frontières extérieures de l’UE sont toujours aux abonnés absents. Les infrastructures existantes explosent sous l’afflux de migrants. 400 places à Lampedusa pour 7000 arrivées! Il faut que ces chantiers de centres d’accueil soient accélérés. Les construire et en assumer ensemble le coût, d’abord entre pays membres de l’espace Schengen (dont la Suisse), est indispensable.

Troisième impératif: mettre dès maintenant en œuvre la proposition du pacte sur les migrations proposé par Bruxelles et approuvé par les 27 pays membres en juin 2023. Il prévoit que les ressortissants de pays tiers tentant de passer la frontière sans y être autorisés n’auraient pas le droit d’entrer sur le territoire d’un pays de l’Union européenne avant de procéder aux procédures filtrage prévue par le règlement.

Ce qui ramène à la construction de centres – en fait des camps – pour y maintenir les clandestins, et impose d’accélérer les procédures de retour dans leurs pays d’origine. Mais avec une exigence d’humanité pour que ces lieux ne deviennent pas la honte de l’Europe et ne fracturent pas davantage nos sociétés.

Si ces décisions ne sont pas prises? Alors l’on reviendra au point de départ. L’Italie ouvrira les vannes de ses frontières pour se débarrasser des migrants. Idem pour l’Espagne. Le flot des clandestins remontera vers le Nord. La Suisse sera concernée, à un moment où la secrétaire d’Etat aux migrations Christine Schraner-Burgener avoue son inquiétude devant les 26'000 demandes d’asile attendues cette année: «Nous sommes confrontés à une situation exceptionnelle. Avec des nombres aussi élevés, nous atteignons de temps en temps nos limites», avait-elle déclaré en mars, soulignant que le taux de renvoi a atteint 54% en 2022.

Il faut rouvrir les yeux et braquer de nouveau les projecteurs sur la Méditerranée, même si la Mer noire est en feu. Sur cet autre front, la digue européenne menace de craquer si elle n’est pas renforcée, repensée et soutenue par tous.

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