Eurosceptiques, s'abstenir! Europhobes, préparez votre riposte! C'est un catalogue de réussites et de promesses positives qu'a déroulé dans son discours de rentrée Ursula von der Leyen. Une longue liste de performances. Un hommage à la puissance européenne actuelle et en devenir. Ceux qui croient encore à la capacité de l’Union européenne (UE) à peser sur les événements du monde face aux États-Unis et à la Chine peuvent en revanche écouter ce discours de rentrée prononcé ce mercredi 13 septembre à Strasbourg.
Devant les eurodéputés, la présidente de la Commission européenne a listé les succès de son mandat, qui s’achèvera en juillet 2024, après les élections européennes de juin. Elle a promis de redonner confiance aux 450 millions d’Européens.
Coté social et économique? Une Europe «proche du plein-emploi». Coté climat et écologie? Une Union désormais résolue à promouvoir «une industrie décarbonée Made in Europe»? Coté géopolitique? Une UE qui va continuer d’accorder aux Ukrainiens la protection temporaire qui leur permet de travailler et vivre dans les 27 pays membres, et qui va débloquer 50 milliards d’euros pour leur pays agressé par la Russie d’ici à 2027.
Retrouvez le discours d’Ursula von der Leyen
Carton plein pour l’ancienne ministre allemande de la défense, âgée de 64 ans? Dans son discours, oui. Mais en oubliant au passage beaucoup de problèmes qui, selon ses détracteurs, font que l’Union sort au contraire affaiblie de son passage à la tête de la Commission, pouvoir exécutif de l’Union.
Premier problème? L’angoisse économique
On parle ici des difficultés économiques annoncées entre des États-Unis de plus en plus protectionnistes et une Chine en mal de croissance. Fait symbolique: Ursula von der Leyen a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions aux véhicules et batteries électriques chinoises qui inondent le continent. Mais c’est tard.
Idem dans le domaine de l’internet et de l’intelligence artificielle. Le fait que l’UE soit, selon elle, le «champion mondial des droits numériques des citoyens», ne signifie pas que des géants européens sont prêts à émerger pour concurrencer les GAFAM (Google, Amazon, Facebook…). Bref: la dépendance économique du continent, et la dette publique de nombreux pays membres de l’UE, sont très inquiétantes.
Second problème? Son alignement sur les États-Unis
Ursula von der Leyen s’est bien gardée de prononcer le mot «d’autonomie stratégique» cher à Emmanuel Macron. Pour elle, l’Europe doit regarder vers les États-Unis. L’Otan est le bouclier. Fait logique: la dimension sécuritaire et la capacité de l’UE à décider davantage de son destin n’ont pas été évoquées dans son discours.
L’ancienne ministre de la Défense allemande parle beaucoup de réveil économique et numérique. Elle parle de fourniture accélérée de munitions à l’Ukraine. Elle défend son «pacte pour les migrations». Mais elle ne répond pas à la question centrale: l’Europe peut-elle, vis-à-vis de la Chine, de la Russie ou des géants émergents, se distancier de Washington si ses intérêts sont en jeu? Silence…
Ursula von der Leyen accusée de corruption
Troisième problème? Son plaidoyer pour l’élargissement
Sa volonté d’élargissement est claire. «L’avenir de l’Ukraine, des Balkans occidentaux (Albanie, Serbie, Macédoine du Nord, Kosovo, Bosnie-Herzégovine) et de la Moldavie se trouve dans notre Union» a-t-elle martelé affirmant que cette nouvelle vague d’intégration est «dans l’intérêt stratégique de l’UE».
Rien de concret en revanche. Pas de date, ce qui nourrit chez les intéressés l’espoir d’une entrée rapide. Pas de précisions sur les réformes de l’Union à accomplir, sauf l’annonce d’une prochaine «convention» pour réformer les traités. Ursula von der Leyen fonce dans le tunnel de l’élargissement tous feux éteints. Sa seule lumière est sa promesse de faire des rapports sur le respect de l’État de droit dans les pays concernés. Faible, très faible, vu les risques et les enjeux.
Quatrième problème? Les questions sur sa probité.
Aucune réponse d’Ursula von der Leyen sur les accusations portées contre elle en matière de gouvernance. Rien sur ses supposées compromissions et les soupçons de corruption consécutifs, avec le laboratoire pharmaceutique Pfizer, via son mari. Rien sur la nomination avortée, en dépit des procédures normales, de l’économiste américaine Fiona Scott-Morton qui aurait dû intégrer la très puissante direction de la concurrence cet été. Silence.
Au contraire. Sa réponse consiste à centraliser encore plus de pouvoir entre ses mains et celle de son cabinet. L’ancienne ministre allemande agit de plus en plus comme la présidente de l’UE qu’elle n’est pas. A deux doigts de dicter leur conduite aux États membres.
Ursula von der Leyen, une gouvernance controversée
Cinquième problème: Ursula von der Leyen est en campagne.
Elle veut être reconduite après les élections européennes de juin 2024. Donc tout ce qu’elle dit et écrit est à but électoral. Elle doit séduire les chefs de partis au parlement européen, qui devra la soutenir. Elle se garde bien d’attaquer la Pologne ou la Hongrie, qui contestent le droit communautaire. Elle flirte désormais politiquement avec Giorgia Meloni en Italie.
Ursula von der Leyen affaiblit-elle l’Europe en prétendant la défendre haut et fort? La lucidité, et les réalités géopolitiques, obligent à se poser la question.