Plus qu’une «affaire», une bombe. Imaginez ce qui pourrait advenir si des révélations venaient confirmer ce que de nombreuses rumeurs agitent depuis des mois autour de la Commission européenne: une collusion entre sa présidente Ursula von der Leyen et le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer, auquel l’exécutif communautaire a commandé le montant record de 1,8 milliard de doses de vaccins contre le Covid-19 (deux contrats de 900 millions de doses) depuis novembre 2020?
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D’abord, la fronde sur les réseaux sociaux
Cette question était jusque-là posée le plus souvent sur les réseaux sociaux, amplificateurs bien connus de toutes les informations sanitaires non vérifiées véhiculées par les sphères complotistes. Or elle est maintenant dans les mains de la justice, amenée par un plaignant pas comme les autres: le quotidien américain «New York Times». Celui-ci a déposé le 25 janvier une demande officielle d’accès aux SMS et autres communications confidentielles de la présidente de la Commission européenne avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla.
La demande est confirmée par le registre public de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Pour obtenir satisfaction, les avocats du «New York Times» s’appuient sur l’article 4 du Règlement 1049/2001 de l’UE selon lequel «Les institutions peuvent refuser l’accès à un document […] à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé».
En arrière-plan? La possibilité que des délits d’initiés aient été «couverts» au plus haut niveau, permettant à quelques entreprises, fonds ou individus de réaliser d’énormes bénéfices compte tenu de l’ampleur des commandes européennes pour faire face à la pandémie.
Selon les chiffres publics de la Cour des comptes européenne, la Commission a signé, au nom de ses 27 États membres, onze contrats avec huit fabricants de vaccins entre août 2020 et novembre 2021. Quantité commandée? 4,6 milliards de doses. Coût total? 71 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB annuel de la Croatie!
Pour rappel: 83% de la population européenne a été vaccinée contre le Covid-19 au cours des années 2020, 2021 et 2022. En clair: le marché pharmaceutique du siècle pour lequel Pfizer, associé à l’Allemand BioNTech (premier laboratoire homologué dès le 21 décembre 2020) a remporté la part du lion avec plus de la majorité des doses. Sept autres fabricants ont vu leurs vaccins homologués par l’Agence européenne du médicament (Moderna, AstraZeneca, Janssen, Novavax, Valneva, Sanofi et GSK).
Ursula von der Leyen dans le viseur
La question posée par le «New York Times» revient à s’en prendre directement à Ursula von der Leyen. Laquelle est, depuis le début, au centre de toutes les rumeurs de collusion. La cause? Le rôle joué par son époux Heiko, directeur médical d’une société de biotechnologie américaine soupçonnée d’avoir eu partie liée avec Pfizer. Une première enquête du quotidien américain avait mis le doigt sur ce sujet en septembre 2021. Blick avait évoqué cette affaire en décembre dernier, alors que la question des influences problématiques planait sur Bruxelles, ébranlée par le «Qatargate» au parlement européen.
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La Commission s’est jusque-là contentée de répondre à toutes les questions sur les données échangées entre sa présidente et le laboratoire Pfizer, disant de ces conversations qu’elle ne les avait pas «identifiés» et qu’elle ne les retrouvait plus. La commissaire européenne chargée de la transparence Věra Jourová avait ensuite répondu que la recherche des SMS incriminés «n’avait donné aucun résultat».
Michèle Rivasi, députée européenne écologiste, réclamait les données Pfizer:
Des demandes déjà déposées dans le passé
Attention toutefois à ne pas crier de suite au complot ou à la tentative de masquer les échanges survenus, en pleine pandémie, entre le Berlaymont (le siège Bruxellois de la Commission) et le laboratoire américain dont la principale usine européenne de vaccins se trouve à Puurs, au nord de la capitale belge. Plusieurs autorités se sont en effet déjà saisies de cette question de façon publique, sans attendre la demande du «New York Times».
Une plainte de la médiatrice européenne, Emily O’Reilly en janvier 2022, avait d’abord exhorté la Commission à «effectuer une recherche plus approfondie des messages pertinents» avant de déplorer, quelques mois plus tard, «le manque de volonté de retrouver ces SMS». Ce qui laisse «la regrettable impression d’une institution européenne qui n’est pas franche sur des questions d’intérêt public majeures».
Cinq eurodéputés écologistes avaient ensuite déposé plainte en avril 2022 auprès de la Cour de Justice de l’UE pour obliger la Commission à divulguer ces mêmes documents. Le Parquet européen (European Public Prosecutor's Office) a enfin annoncé, le 14 octobre 2022, l’ouverture d’une enquête sur l’achat de vaccins anti-Covid dans l’UE «en raison d’un intérêt extrêmement élevé du public».
Albert Bourla, la loi du silence
Les députés européens avaient pour leur part auditionné, quelques jours plus tard, des représentants de firmes pharmaceutiques productrices de vaccins. Coïncidence troublante: le PDG de Pfizer, Albert Bourla, avait refusé de se rendre à leur convocation. «Nous n’avons pas d’autres informations à partager», avait-il fait répondre au parlement européen.