Vladimir Poutine est dans les cordes. Presque K.O. Du moins, sur le plan de la communication et du soutien affiché par les principaux dirigeants européens mercredi 8 février à celui qu’il rêvait de déboulonner, voire de tuer en déclenchant la guerre voici un an: le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Après sa visite à Washington le 22 décembre, ce déplacement à Bruxelles est la seconde étape cruciale pour consolider l’alliance occidentale autour de son pays.
Carton plein à Londres et Paris
Carton plein, d’abord à Londres, où Zelensky est arrivé en visite surprise et a successivement rencontré le Premier ministre Rishi Sunak, les parlementaires britanniques puis le roi Charles III, avec une escale dans une base militaire où sont formés des soldats ukrainiens… et une photo dans le métro londonien! Et réception triomphale à Paris, tard dans la soirée, par Emmanuel Macron et le Chancelier Olaf Scholz. Depuis l’aéroport d’Orly, le convoi de Volodymyr Zelensky a été suivi en direct par les télévisions jusqu’au palais de l’Élysée. Avant une courte conférence de presse commune durant laquelle le président français a promis l’aide «indéfectible» des alliés européens «jusqu’à la victoire».
Poutine – Zelensky. Ce jeudi 9 février, le duel se déplace à Bruxelles où, dès dix heures du matin, l’ancien acteur de la série TV «Serviteur du peuple» sera, pour une journée, l’homme fort de l’Union européenne engagée dans un bras de fer qu’elle doit gagner contre Moscou. «La Russie ne peut, ni ne doit gagner cette guerre», a averti à Paris Emmanuel Macron qui, il y a pile un an, avait pourtant tenté une ultime négociation au Kremlin avec Vladimir Poutine. Symbole encore plus fort: Poutine et Zelensky s’étaient retrouvés ensemble à l’Élysée fin 2019 dans le cadre d’une réunion au «format Normandie» des défunts accords de Minsk.
Allocution devant le Parlement européen
Le programme bruxellois? Une allocution solennelle devant le Parlement européen réuni en session extraordinaire, puis une participation au sommet européen extraordinaire des chefs d’État ou de gouvernement des 27, et sans doute une visite au QG de l’OTAN, l’Alliance atlantique engagée militairement aux côtés de l’Ukraine, sans envoyer de troupes au sol. A Bruxelles se trouve le nerf de la guerre, même si le soutien militaire américain est bien plus important. L’Ukraine a, depuis juin 2022, le statut de candidate à l’UE. Les Ukrainiens démontrent, depuis le début du conflit, qu’ils veulent rejoindre le bloc européen et se dissocier de la Russie. Plus qu’un symbole, cette visite de Volodymyr Zelensky concrétise le pacte passé entre les 27 et son pays face à la Russie, sa dictature et sa remise en cause brutale de l’ordre international.
Mais ces Européens peuvent-ils et vont-ils tenir leurs promesses? Quels que soient la réussite de cette visite et le tonnerre d’applaudissements obtenus par le président ukrainien en tenue kaki, pull-over de soldat et pantalon militaire, la question demeure. Car deux doutes ne pourront de toute façon pas être levés par ses interlocuteurs, parmi lesquels figure un dirigeant toujours tourné vers Moscou, au moins en paroles: le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán.
Le premier doute est celui du calendrier. Il y a un an, le conflit en Ukraine était déclenché par l’invasion russe, le 24 février. Personne ne voit d’issue en 2023, même si Emmanuel Macron a rappelé la proposition existante ukrainienne d’un plan de paix en dix points, et la nécessité d’une conférence internationale. Un dixième paquet de sanctions va être présenté au sommet européen. Les livraisons d’armes ont pris un tour nouveau avec l’arrivée des premiers chars lourds Léopard II en Ukraine, et l’annonce de l’envoi de système de missiles sol-air franco-italiens Mamba.
Quels engagements sur la durée?
Mais jusqu’à quand et jusqu’où? Les Européens doivent tenir dans la durée. Ils doivent vider leurs arsenaux. Ils doivent assumer les conséquences économiques et énergétiques de cette guerre. Tiendront-ils jusqu’en 2024, 2025 ou au-delà alors que les élections européennes interviennent l’année prochaine, avec nouvelle Commission à la clé?
Le deuxième doute est militaire. Même renforcée par des matériels européens sophistiqués, voire des avions, l’armée ukrainienne peut-elle infliger une défaite à l’armée russe renforcée par la mobilisation de nouvelles recrues et retranchée dans les régions sécessionnistes qu’elle occupe? La question des avions de chasse a été passée au crible. La France n’a pas fermé la porte à la fourniture éventuelle de Mirage F1 ou de Mirage 2000, même si rien n’a été publiquement évoqué. Les pays européens et les États-Unis disposent de F16 stationnés en Europe en grande quantité. Mais le risque d’engrenage serait presque irrémédiable. Impossible de l’empêcher. L’ambassade de Russie à Londres a prévenu les Britanniques et les Européens: «Dans un tel scénario, la moisson sanglante du prochain cycle d’escalade sera sur votre conscience, ainsi que les conséquences militaires et politiques pour le continent européen et le monde entier […]. La Russie trouvera une réponse à toute mesure hostile.» Avec toujours, la menace nucléaire en arrière-plan.
«Nous avons la liberté, donnez-nous des ailes», a répété Volodymyr Zelensky à Londres en remettant un casque de pilote ukrainien à ses homologues britanniques. Pour l’heure, la réussite de cette visite surprise à Londres et à Paris est totale. Emmanuel Macron, longtemps soucieux de «ne pas humilier la Russie» a fait volte-face. Il tourne désormais le dos à la Russie, malgré la résistance d’une partie de la classe politique et intellectuelle dans son pays. Il tutoie Volodymyr Zelensky. Il l’a décoré mercredi soir de la Légion d’honneur au palais de l’Élysée.
Macron décore Zelensky de la Légion d’Honneur
A Bruxelles, le président ukrainien aura gagné s’il obtient de nouvelles promesses de ses interlocuteurs, mais surtout s’il quitte la capitale européenne avec des dates de livraison, des listes de matériel et la mise en œuvre de sites d’entraînement pour les artilleurs, tankistes et pilotes ukrainiens. La question des missiles longue portée, susceptibles d’atteindre Moscou et donc, de faire basculer le conflit vers un engagement européen direct, est sur ce point décisive.
Pour Volodymyr Zelensky interviewé par «Le Figaro», la position de la France a changé. Paris et Berlin ont rejoint Londres, dont le soutien à l’Ukraine a été immédiat derrière les États-Unis. Il lui faut maintenant solidariser derrière lui l’ensemble des dirigeants de l’Union européenne, et surtout obtenir la preuve ultime de leur soutien: un calendrier d’adhésion que beaucoup estiment impossible avant dix ans. Du côté de Kiev, le rêve s’accroche à une date bien plus proche: 2026 ou 2027!