Les dirigeants européens doivent bien l’admettre: Volodymyr Zelensky ne craint personne en matière de communication. À peine débarqué à Londres mercredi 8 janvier, alors que les rumeurs prédisaient une arrivée le lendemain à Bruxelles pour le sommet extraordinaire de l’UE, le président ukrainien a répété sa demande: obtenir au plus vite des avions de combat, pour appuyer les chars lourds que ses alliés se sont engagés à livrer à son pays. «Merci pour le délicieux thé anglais. […] Je quitterai le Parlement aujourd’hui en vous remerciant tous à l’avance pour les puissants avions anglais. God bless the King!» a asséné l’ancien comédien, avant de rejoindre Buckingham Palace pour y rencontrer le roi Charles III.
L’arrivée à Londres de Volodymyr Zelensky:
Maître ès communication, superman des pressions politiques et de l’agenda diplomatique! La visite européenne de Volodymyr Zelensky intervient à deux semaines de l'an 1 de l’agression russe sur l’Ukraine, le 24 février 2022. Choisir Londres avant toute autre escale européenne, après avoir voyagé dans un avion de la Royal Air Force, est aussi très habile, vu l’engagement précoce des Britanniques aux côtés de l’Ukraine. Encore mieux vu: son détour par Paris mercredi soir et sa présence à Bruxelles jeudi 9 janvier coïncident avec le premier anniversaire de l’ultime tentative de médiation diplomatique effectuée à Moscou par Emmanuel Macron.
Ce dernier accueillera Volodymyr Zelensky au côté du chancelier allemand, Olaf Scholz. «Ce sera l’occasion de réaffirmer le soutien indéfectible de la France et de l’Europe à l’Ukraine, et de poursuivre l’étroite coordination qui permet de répondre avec réactivité et efficacité aux besoins exprimés par Kiev», affirme le communiqué élyséen.
Macron à Moscou, il y a un an
Le 8 janvier 2022, le président français s’était rendu au Kremlin pour y rencontrer Vladimir Poutine. Les deux hommes avaient échangé, de part et d’autre de la très longue table imposée par les réglementations sanitaires. Résultat? Nul. Poutine n’avait rien cédé.
Zelensky, lui, entend bien obtenir ce qu’il veut à l’issue de son déplacement européen: à savoir davantage d’armes antiaériennes (comme le système de missiles franco-italien Mamba), davantage de chars lourds (la Finlande coordonne la livraison de chars Léopard II en provenance de plusieurs pays) et surtout des avions. Il a d’ailleurs obtenu, dès son arrivée à Londres, la confirmation que l’armée de l’air et la marine britanniques vont commencer à former des pilotes ukrainiens. Il n'y aura en revanche pas de déplacement à Berlin, où le soutien à l'Ukraine divise davantage la classe politique.
Imiter son déplacement aux États-Unis
À Bruxelles, lors du sommet européen, le président ukrainien fera d’une pierre trois coups. Il démontrera d’abord au monde qu’il n’est pas prisonnier de la situation sécuritaire de son pays, alors que l’intensité des combats a fortement augmenté ces derniers jours et que la crainte d’une grande offensive russe est palpable.
Il prouvera ensuite à ses partenaires européens qu’ils sont aussi importants à ses yeux que l’Amérique de Joe Biden, où il s’est rendu juste avant Noël pour une rencontre avec son homologue à la Maison-Blanche puis un discours au Congrès.
Il profitera enfin de cette visite pour mettre une pression maximale sur les dirigeants européens au sujet de l’adhésion de son pays à l’UE. À Kiev, beaucoup rêvent d’un processus accéléré qui pourrait voir l’Ukraine intégrer l’Union dès 2026. Un rêve écarté par Paris et Berlin, mais que d’autres pays membres, comme la Pologne ou les Pays Baltes, se sont promis de concrétiser dès que possible.
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Une intervention de Volodymyr Zelensky devant les eurodéputés réunis en session plénière est prévue jeudi 9 février à 10h. Et après? Difficile d’imaginer que le président ukrainien vienne à Bruxelles sans se rendre au siège de l’OTAN, cette Alliance atlantique qui le soutient à bout de bras contre Vladimir Poutine. Son meilleur argument sera son statut de résistant. Comment refuser en effet de faire de nouvelles promesses à ce chef d’État d’un pays assiégé qui se bat pour l’Europe? Qui aura le courage de lui dire publiquement ce que l’entourage d’Emmanuel Macron, à l’Élysée, répète lors de rencontres avec la presse. «L’octroi du statut de candidat à l’Ukraine et à la Moldavie, le 27 juin, était un miracle, témoigne une diplomate. Maintenant, à part les Polonais, personne ne veut accélérer le calendrier. Il faut apprendre à dire aux Ukrainiens: patience!»
Avant de compléter, laconique, les yeux rivés sur un écran montrant Zelensky à Londres: «C’est dur de dire ça, vu le niveau des sacrifices qu’ils consentent sur le champ de bataille.»