La Confédération cherche désespérément des places d'hébergement pour les requérants d'asile. C'est pourquoi le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) avait chargé les cantons d'annoncer jusqu'à mardi dernier les installations de protection civile qui pourraient, si nécessaire, être exploitées pendant six mois comme centres fédéraux d'asile. Condition: les infrastructures doivent pouvoir héberger au moins 100 personnes.
Or, il s'avère que plusieurs cantons rechignent à donner un coup de main à la Confédération. Ainsi, les cantons de Suisse centrale dont Lucerne, Schwyz, Uri, Zoug, Nidwald et Obwald ont déjà fait savoir qu'ils ne voulaient pas mettre leurs infrastructures à disposition de la Confédération. D'autres cantons disent qu'ils ont les mains liées – les installations relèvent de la compétence des communes.
Le Conseil des Etats est en partie responsable
La Confédération veut constituer une réserve de 3000 places dans les constructions protégées. Elle en aura besoin si, comme prévu, une vague d'exilés déferle à l'automne. C'est notamment à cause du Conseil des Etats que la Confédération est réduite à quémander de l'aide auprès des cantons. La Chambre haute a effectivement pris une décision explosive lors de la session d'été. Elle a désavoué la ministre de l'asile Elisabeth Baume-Schneider en rejetant sa demande de crédit de 132 millions de francs pour construire des villages de conteneurs sur des terrains de l'armée. La Chambre basse a également rejeté un compromis plus avantageux et a privilégié l'option des installations de protection civile cantonales.
Mais avec le Non des cantons, la Suisse risque de bientôt manquer de places. «Le Conseil des Etats a coulé la solution qui était dans l'intérêt des cantons», déclare le conseiller aux Etats socialiste Roberto Zanetti. Mais selon le Soleurois, le Conseil national est également responsable de la pénurie de places d'hébergement qui forcera la Confédération à distribuer les demandeurs d'asile directement aux cantons cet automne.
A Berne, la Confédération et les cantons se renvoient la patate chaude. Et même le Conseil des Etats décline toute responsabilité face au chaos qui menace. Le conseiller aux Etats saint-gallois Benedikt Würth estime que la réponse négative de nombreux cantons n'est «pas une attitude fédéraliste et est décevante». Or, la Confédération et les cantons n'ont pas d'autre choix que de collaborer pour résoudre le défi de l'asile: «Nous devons mettre un terme à ce jeu de ping-pong fédéraliste.»
Elizabeth Baume-Schneider négocie avec les cantons
Le refus de divers cantons n'est de loin pas une raison pour la Confédération de recourir au droit d'urgence, prévient le conseiller aux Etats UDC Alex Kuprecht. «Les cantons concernés veulent inciter la Confédération à utiliser en priorité ses propres locaux pour loger les requérants d'asile.» Or, la Confédération affirme qu'elle ne dispose plus d'aucune place libre. Le SEM indique d'ailleurs être en train d'échanger avec l'armée au sujet d'éventuelles autres places d'hébergement.
Pour la conseillère aux Etats uranaise du Centre Heidi Z'graggen, il est clair que «c'est désormais au Conseil fédéral de chercher des solutions en collaboration avec les cantons». Mais la conseillère fédérale en charge du dossier s'y emploie déjà. Ainsi, Elisabeth Baume-Schneider rencontre ce vendredi des représentants des cantons pour discuter de cette situation inextricable. Si elle ne parvient pas à dégager une issue, l'automne risque d'être très inconfortable pour la Jurassienne.
Personne ne veut payer
Même avec les cantons qui tendent la main à la Confédération, tout n'est pas rose. Le canton d'Argovie a par exemple annoncé qu'il mettait 200 places à disposition du SEM pour héberger des requérants d'asile à Wettingen. Mais la question des coûts crée la discorde.
Des aménagements sont nécessaires avant la mise en service du centre d'hébergement. Il s'agit par exemple d'installer des détecteurs d'incendie, d'aménager des douches et des toilettes supplémentaires et d'adapter les cuisines. Cela coûterait jusqu'à un demi-million de francs, selon la lettre du Conseil d'Etat argovien au SEM – et la Confédération devrait les payer entièrement. Or celle-ci fait la sourde oreille. Les coûts doivent être pris en charge par le propriétaire ou le canton d'implantation, martèle Berne.
L'automne promet donc de nombreux rebondissements dans le domaine de l'asile. Roberto Zanetti met en garde: «Il ne serait pas étonnant qu'un plan de sauvetage précipité cet automne coûte plus cher que le crédit proposé autrefois par Elizabeth Baume-Schneider pour des conteneurs.»