Ils n’en peuvent plus. Et le ministre de l’Éducation nationale vient en partie de leur donner raison. Après le nouveau suicide d’un adolescent harcelé à Poissy (nord-est de Paris), la mobilisation générale vient d’être décrétée par Gabriel Attal, 34 ans, en poste depuis quelques semaines pour diriger les 850'000 enseignants français. Logique.
L’annonce de ce suicide survenu le 5 septembre après de nombreux autres drames similaires, a été suivie par une douloureuse révélation pour l’administration: le rectorat de Versailles (Yvelines) dont dépend le lycée de Poissy où était scolarisé le garçon qui a mis fin à ses jours, avait menacé ses parents de porter plainte! Le monde à l’envers. D’un côté, un père et une mère sous le choc après avoir appris que leur fils est harcelé dans son établissement scolaire. De l’autre, des responsables pédagogiques intransigeants et dans le déni.
En vidéo, le récit du suicide d’un élève à Poissy
L’affaire de Poissy démontre la loi du silence qui pèse sur de nombreux collèges et lycées en France. Les phénomènes de bande y sont de plus en plus fréquents, accéléré par les réseaux sociaux et les campagnes d’insultes sur internet. Or pour beaucoup d’enseignants, cette réalité d’écoles devenues des lieux de guérilla entre ados n’est pas encore entrée dans les mœurs.
La crainte de voir les parents exagérer les douleurs subies par leurs enfants, le risque de tomber dans le piège d’élèves affabulateurs, la pression engendrée par la diminution du nombre de professeurs et par l’absence de psychologues... tout cela a fini par ériger un mur d’indifférence. Entre 800'000 à 1 million d’élèves français, enfants et adolescents, seraient pourtant harcelés chaque année. Vous avez bien lu! Prés d’un million de victimes d’insultes, de boutades, de discriminations, de gestes violents.
Et en face? «La question du harcèlement scolaire n’est pas abordée dans la formation initiale des enseignants soulignait en 2021 une étude du site The Conservation, pointant «le désarroi du milieu éducatif», avec 65% des enseignants se considérant comme mal armés face au harcèlement. Et ce pour des raisons variées: un manque de formation, des difficultés à le détecter ou une absence de soutien de la hiérarchie».
Ce silence, Gabriel Attal veut le briser. Le jeune ministre, déjà sur le front scolaire avec l’interdiction récente du port de l’Abaya par les jeunes filles au nom de la laïcité, a dit sa «honte» devant le courrier du rectorat, et promis plusieurs enquêtes. Sauf que pour les parents d’élèves, le risque d’enlisement est redouté : «Nous sommes trop souvent seuls face à cette réalité. Lorsque les enfants harcelés parlent enfin, les brimades ont lieu depuis des semaines, voire des mois» explique Olivier Toutain, responsable d’une Fédération de parents d’élèves de l’enseignement public.
Son organisation a, comme d’autres, fait circuler chez ses adhérents des modèles de lettres à adresser au rectorat: «Madame, Monsieur, Je soussigné (Nom, Prénom), mère (père) de (nom de l’enfant concerné), qui est dans la classe XXX, vous signale par la présente, mon inquiétude envers la situation de mon fils à l’école qui est sinon alarmante, tout du moins préoccupante. En effet, j’ai noté une altération notable au sein du foyer de l’état notre (fils, fille puis prénom) au niveau physique et/ou psychologique faisant suite à des événements le concernant et qui nous affectent profondément en tant que parents…».
Ce courrier modèle distingue les jeux dangereux, le harcèlement verbal, le cyber–harcèlement, les brutalités. Mais la démarche butait jusque-là toujours sur le même obstacle: l’appréciation des chefs d’établissement.
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L’heure de la révolte des parents d’élèves a donc sonné. Parce que, pour beaucoup, le milieu enseignant ne les comprend pas ou se méfie d’eux. «je me souviens qu’en 2012, lorsqu’un de mes fils n’allait pas bien, pris en grippe par une poignée de voyous, il a dû faire une dissertation sur le sujet suivant: «Vous venez d’avoir 18 ans. Vous avez décidé d’en finir avec la vie. Votre décision semble irrévocable. Vous décidez dans un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant votre autoportrait, vous décrivez tout le dégoût que vous avez de vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l’origine de ce sentiment». Vous imaginez le choc?» s’énerve Claire, une journaliste mère de trois enfants.
Peur des enseignants
A l’inverse, les professeurs répondent qu’ils doivent, eux-mêmes, faire face à une forme de harcèlement. «Les agressions et incivilités de la part de parents d’élèves font partie des principaux risques du métier pour les personnels d’éducation notait récemment une organisation syndicale. En effet, la majorité des plaintes concernent des insultes et menaces (45,7%) et de la diffamation (24,9%). Et de lister les difficultés: «Sortie de l’établissement, voyage scolaire, information aux parents séparés, divorcés, cours à distance, protocole sanitaire depuis la crise de la Covid-19, ou encore développement des réseaux sociaux sont de multiples situations pouvant générer des conflits avec les parents d’élèves».
Révolte des deux côtés: enseignants et parents. Le ministre Gabriel Attal, ancien élève d’une école privée parisienne huppée, a choisi de s’interposer. Avec le soutien d’Emmanuel Macron pour qui l’Éducation nationale doit être au cœur de son second mandat présidentiel.
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