Macron mobilise les Européens
Pourquoi Trump épargne la France et écrase l'Allemagne

Une nouvelle réunion des dirigeants européens sur la défense est organisée ce mercredi 19 février à Paris. Emmanuel Macron avance ses pions. Avantage: Trump l'épargne alors qu'il pilonne l'Allemagne.
Publié: 19.02.2025 à 10:15 heures
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Donald Trump évite pour le moment d'attaquer Emmanuel Macron. Une erreur ou un calcul tactique?
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump ne tire pas sur Emmanuel Macron. Pourquoi employer le verbe «Tirer»? Parce que le nouveau Secrétaire à la Défense américain Pete Hegseth a prévenu ses partenaires de l’OTAN, à Bruxelles, le 12 février: «il y a un nouveau Sheriff en ville», à propos du nouveau locataire de la Maison-Blanche. Or sur la France, le pistolet de Trump (et aussi celui d’Elon Musk) semble enrayé, ou pas chargé. C’est sur le Chancelier allemand Olaf Scholz et sur le Premier ministre britannique Keir Starmer que les critiques fusent en priorité.

Pourquoi épargner Macron, qui réunit à nouveau ce mercredi à Paris un groupe de dirigeants européens avec le Canada (Roumanie, pays baltes, Suède ou encore Norvège) pour parler défense, dépenses militaires, et reconfiguration européenne de l’OTAN, cette Alliance atlantique dominée sans partage par les Etats-Unis depuis sa création en 1949? La réponse est double.

Rapport de force

La première raison est celle du rapport de force. On sait que Trump ne respecte que cela, ou presque, au point de se rapprocher aujourd’hui à vitesse grand V de la Russie de Vladimir Poutine, si riche en ressources naturelles convoitées par la Chine, quitte à abandonner l’Ukraine. Or la France de Macron conserve deux atouts que les Etats-Unis respectent. L’atout 1 est sa dissuasion nucléaire, complètement indépendante de Washington, alors que l’arme atomique du Royaume-Uni est bien plus tributaire du lien transatlantique. L’atout 2 reste, même si elle quitte ce terrain, la capacité éprouvée de l’armée française à mener des opérations en Afrique, ce continent que Trump ignore et dont il ne veut pas entendre parler.

L’Afrique? Que vient-elle faire dans l’équation actuelle qui concerne l’Europe, la Russie et bien sûr la Chine considérée par Washington comme le principal ennemi? Elle est un fardeau dont Trump veut se débarrasser. Or la France, rejetée aujourd’hui par ses anciens protégés au sud du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Senegal) conserve les compétences et les connaissances de ce continent. Mieux: le rapprochement entre Paris et Rabat convient aux Etats-Unis dont le Maroc est l’un des principaux points d’entrée dans cette partie de l’Afrique.

La seconde raison est que Trump connaît la volonté d’une défense européenne plus autonome, voire souveraine, exprimée par Emmanuel Macron et réitérée par ce dernier lors de la réunion organisée lundi à Paris avec les dirigeants des grands pays européens. Et elle lui convient!

La France est utile

Trump veut rapatrier une partie du contingent militaire américain (environ 100 000 soldats, dont 60 000 de façon permanente) déployé en Europe. Il veut que les Pays européens augmentent leurs dépenses de défense jusqu’à 5% de leur produit intérieur brut (PIB). Or Macron acquiesce. Mais Trump sait aussi que le Président français, à la tête d’un pays endetté à hauteur de 3300 milliards d’euros, n’a pas les moyens d’agir seul, surtout pour accroître la production d’armement «Made in Europe». En clair: La France est utile aux Etats-Unis de Trump. Lequel pense qu’elle manque cruellement de moyens pour vraiment résister, voire contrer ses plans sur l’Ukraine. La confirmation, par Emmanuel Macron dans un entretien à la presse régionale française, que les troupes françaises envoyées éventuellement dans ce pays «ne seront pas belligérantes» a de quoi le rassurer…

A l’inverse, l’Allemagne est la cible idéale du tandem Trump-Musk. La première puissance économique européenne est en panne. Des élections législatives anticipées ont lieu ce dimanche 23 février et les sondages donnent perdant l’actuel Chancelier social-démocrate Olaf Scholz. Les Etats-Unis misent donc, pour la suite, sur deux leviers: le parti Chrétien-démocrate CDU, donné favori, qui a toujours été «dans la main» de Washington, même si son leader Friedrich Merz affiche aujourd’hui ses désaccords. L’autre levier est le parti d’extrême droite AfD, pour lequel Elon Musk fait ouvertement campagne sur son réseau social X.

Origines du Palatinat

L’Allemagne a, en plus, beaucoup de défauts pour Trump, dont le grand-père était originaire de Rhénanie-Palatinat. Ce pays exporte beaucoup trop vers les Etats-Unis (notamment des voitures). Il paie certes pour les bases militaires américaines, mais il a longtemps évité de dépenser pour sa défense. Il est bien trop exposé commercialement à la Chine, cet adversaire que Trump entend fragiliser. L’Allemagne, en plus, «domine» l’Union européenne grâce à Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission dans laquelle Trump voit une sorte d’Angela Merkel bis: une femme têtue, avec laquelle il n’aime ni échanger, ni négocier.

L’Allemagne, enfin, est le verrou européen dont Trump a besoin pour continuer – tout en prétendant le contraire – de «tenir» les Européens. Sans l’accord de Berlin, pas de possibilité de grand emprunt européen pour la Défense (les fameux 500 milliards d’obligations communautaires envisagées). Et sans un «Ja» allemand, aucune possibilité de confisquer les 300 milliards d’euros d’avoirs de la banque centrale russe bloqués dans les banques de l’UE, pour alimenter un éventuel fond d’armement pour l’Ukraine.

Un boulet allemand

Faire pression sur l’Allemagne, c’est donc mettre un boulet dans les pieds d’Emmanuel Macron. D’autant que les Allemands sont prêts à acheter beaucoup d’équipements militaires américains, avec leur fonds de 100 milliards d’euros pour l’armée (la Bundeswehr) débloqués en 2022…

Macron pour faire illusion et être utile en Afrique (au cas où…). Berlin pour s’assurer que l’Europe n’échappera pas, sous une nouvelle forme, à une tutelle américaine. Dans les deux cas, l’Amérique de Trump pense qu’elle sortira gagnante.

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