Les représentants du gouvernement et les fonctionnaires ukrainiens s’enrichissent-ils grâce à la guerre? C'est en tout cas l'impression que donnent les scandales de corruption qui ont éclaté ces derniers jours dans les cercles du pouvoir ukrainien.
Le président Volodymyr Zelensky a réagi en procédant à de nombreux licenciements afin de rétablir la confiance dans le gouvernement. Seuls les hauts responsables des ministères ne sont pas touchés pour le moment.
Mais le problème n’est pas nouveau. Selon l'ONG Transparency International, l’Ukraine est l’un des pays les plus corrompus d’Europe. Dans son classement mondial de 2021, l'organisation plaçait l'Ukraine à la 122e place sur 180 Etats en matière de lutte anti-corruption. Toujours selon le classement, les pays les moins corrompus sont le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande. La Suisse pointe quant à elle à la 7e place.
Bureau anti-corruption submergé de signalements
Mark Pieth, professeur de droit pénal à l'université de Bâle et expert sur les questions de corruption, s’est intéressé de près à la corruption en Ukraine par le passé. Lorsque Viktor Ianoukovitch était encore président, Mark Pieth a présidé un groupe de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ayant pour but de créer un bureau anti-corruption en Ukraine. C'était avant les émeutes de Maïdan, entre novembre 2013 et février 2014. «Les fonctionnaires pouvaient ainsi s'adresser au médiateur anti-corruption s'ils étaient contraints par des organismes publics de payer des pots-de-vin, explique le professeur de droit. À l’époque, la plupart des fonctionnaires étaient corrompus.»
Afin de garantir la plus grande indépendance possible, un étranger a été désigné pour ce poste de médiateur. «Il a reçu par la suite des milliers de signalements», poursuit l’expert. Le bureau anti-corruption est resté actif même après la révolution de Maïdan - sous la direction d'un autre médiateur, lui-aussi étranger. «Malheureusement, ce dernier a dû fuir l’Ukraine à cause de la guerre», déclare Mark Pieth.
Effets de l'aide occidentale et de la guerre encore incertains
Selon lui, il est difficile de savoir ce qui a changé en matière de corruption depuis le début de la guerre. «Je suppose qu’en raison de la situation d’urgence, les gens tolèrent désormais beaucoup moins la corruption qu’auparavant. Mais le problème, c’est que pendant une guerre, la société civile et les autorités ont d’autres priorités que la lutte anti-corruption.»
Sonia Thurnherr, du cabinet de conseil genevois Global Risk Profile, confirme elle aussi que la corruption est un énorme problème en Ukraine. La spécialiste et ses collaborateurs publient chaque année leur propre indice de corruption. «Sur les 45 pays et territoires européens analysés, l’Ukraine est le deuxième pays le plus corrompu, juste devant le Kosovo», explique-t-elle. Avant de préciser que l'impact de la guerre et de l'aide occidentale sur le niveau de corruption en Ukraine est pour le moment difficile à prédire.
Achats surfacturés, prix volontairement gonflés
Les achats de nourriture pour soldats surfacturés par l'armée ainsi que les prix artificiellement gonflés des générateurs électriques payés par l'Etat sont au coeur des derniers scandales de corruption. Le Ministère de la défense aurait ainsi conclu un contrat pour la fourniture des denrées alimentaires des soldats en convenant de prix deux à trois fois plus élevés que ceux pratiqués dans les supermarchés.
De nombreux représentants du gouvernement et fonctionnaires sont soupçonnés de s’être enrichis illégalement grâce à ces transactions.