Spécialistes en informatique, personnel soignant, ingénieurs — de nombreux secteurs manquent actuellement de personnel spécialisé en Suisse. Et la situation devrait encore s'aggraver. Les Ukrainiens bénéficiant du statut de protection S, qui se sont réfugiés en Suisse en raison de la guerre dans leur pays, pourraient donner un coup de main. Ils sont très motivés, bien formés et apprennent rapidement les langues nationales suisses. Telle est la conclusion d'une étude de la Haute école spécialisée bernoise (HESB).
Elle a été réalisée sur mandat du Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et avait pour objectif d'examiner le potentiel sur le marché du travail des Ukrainiens bénéficiant du statut de protection S. L'analyse se base sur les auto-évaluations d'environ 2000 personnes qui y ont participé entre fin septembre et mi-octobre 2022.
70% ont un diplôme universitaire
Quelque 40% ont indiqué dans l'enquête avoir de bonnes connaissances en anglais. Plus de 80% avaient même commencé ou déjà terminé un cours de langue. Selon leurs propres déclarations, la plupart des Ukrainiens disposent également d'une bonne formation.
Au total, 95% ont un diplôme post-obligatoire. Et 70% des personnes interrogées possèdent un diplôme universitaire. Les domaines professionnels les mieux représentés sont l'économie, l'administration et le droit, l'ingénierie, l'industrie manufacturière et la construction. En outre, on trouve aussi des personnes ayant une expérience professionnelle dans le domaine de la santé et de la pédagogie. Autrement dit, des professions qui seraient utiles sur le marché du travail suisse.
Malgré ces résultats, le taux d'emploi des réfugiés bénéficiant du statut de protection S n'était que de 14,5 % à la mi-janvier, selon le SEM. Alors, pourquoi les Ukrainiens bien formés et désireux de travailler ne trouvent-ils pas plus rapidement un emploi en Suisse?
Manque de connaissances linguistiques
Le directeur des Affaires sociales de Lucerne Guido Graf a déjà évoqué les raisons possibles dans une interview accordée à Blick au début de l'année. «Beaucoup ne savent ni l'allemand ni l'anglais, et le niveau de formation est également plus bas que prévu, disait-il. Les femmes médecins et les spécialistes en informatique — comme on le pensait — n'en font guère partie.»
Une enquête de Blick auprès des cantons le confirme aussi. Le principal obstacle à l'intégration professionnelle des personnes bénéficiant du statut de protection S est souvent le manque de connaissances d'une langue nationale. Les postes qui pourraient être occupés par des demandeurs d'emploi anglophones seraient plutôt limités à des professionnels hautement spécialisés.
De plus, il s'avère que peu d'entre eux ont une formation dans les métiers de l'information et de la communication, où l'on pourrait rapidement les employer. Une formation post-obligatoire ne signifie donc pas toujours que les personnes sont des spécialistes hautement qualifiés recherchés par le marché du travail suisse. De même, le contenu de la formation ne correspond pas toujours aux exigences requises. Les domaines professionnels tels que la pédagogie, l'économie, l'administration et le droit exigent souvent des connaissances spécifiques.
Beaucoup de femmes avec enfants
Concrètement, cela signifie qu'une comptable ukrainienne devrait apprendre, en plus d'une langue nationale, de nouveaux logiciels et toutes les particularités de l'assurance sociale et de la fiscalité suisses, avant de trouver un emploi correspondant. Dans la même veine, un ingénieur ne sera pas embauché sans connaître les normes de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA). Tout cela prend du temps.
À noter qu'en plus, de nombreux réfugiés sont des femmes qui sont arrivées avec leurs enfants, la grande majorité sans leur compagnon. Nombre d'entre elles doivent s'occuper principalement de la garde.
Sur le long terme, c'est flou
Les prévisions d'une installation à long terme en Suisse ne sont pas claires non plus: pour de nombreuses personnes ayant fui, il y a l'attente et l'espoir de pouvoir retourner bientôt en Ukraine. Pour cette raison, beaucoup de personnes concernées n'ont pas encore pu s'engager de manière sérieuse dans une perspective d'intégration, surtout les adolescents et les jeunes adultes.
La plupart des cantons précisent en outre qu'en plus des cours de langue, ils soutiennent les personnes bénéficiant du statut de protection S de manière ciblée, par des mesures de formation ou des cours de perfectionnement lorsque des employeurs à la recherche de personnel s'annoncent.