Seule face à Poutine. Cette réalité, l’armée ukrainienne la vit au quotidien sur le front depuis l’agression russe du 24 février 2022. Mais dans les semaines à venir, la formule sera encore plus vraie. À l’issue de la première journée de leur Sommet à Bruxelles, jeudi 21 mars, les dirigeants des 27 pays membres de l’Union européenne n’ont fait que répéter leurs promesses. Sans passer à l'acte. Et sans changer la donne sur le terrain alors que l'aide militaire et financière américaine promise de 60 milliards de dollars demeure bloquée au Congrès, à Washington.
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Oui, l’Ukraine recevra des armes et des munitions payées, via la facilité européenne pour la paix, par les intérêts des avoirs russes gelés dans le cadre des treize paquets de sanctions en vigueur – que la Suisse a intégralement repris. Oui, l’Ukraine recevra les 800'000 obus aujourd’hui achetés et collectés à travers le monde par la République tchèque. Celle-ci s’est transformée en «acheteur en chef», en faisant l’inventaire des arsenaux mondiaux d’obus de 122 (calibre russe) et 155 (calibre OTAN), à la tête d’une coalition de 18 pays pour une somme totale d’environ 1,5 milliard de dollars.
Oui, l’Ukraine devrait voir voler, à l’approche de l’été, les premiers chasseurs américains F16 donnés notamment par les Pays-Bas. Mais d’ici là? Les trois mois à venir seront terribles. En avril, mai et juin, l’armée ukrainienne n’aura qu’une seule consigne: Tenir. Coûte que coûte. Pour éviter la percée du front par les troupes russes qui s’apprêtent à être renouvelées par des unités récemment recrutées.
Macron reste isolé
L'Ukraine seule face à Poutine? À Bruxelles, le président du Conseil européenne, Charles Michel, et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen ont répété le contraire. Les Européens se tiennent fermement aux côtés de Kiev «aussi longtemps qu’il le faudra». Mais à part ça? Rien de nouveau. Lors de ce Conseil européen, personne n’a suivi Emmanuel Macron, ce président français qui a récemment évoqué la possibilité d’envoyer des troupes au sol si la «dynamique» du conflit l’exige.
Même le premier ministre polonais Donald Tusk, pourtant le plus proche du locataire de l’Élysée, n’a pas embrayé. La question d’emprunter collectivement, pour financer l’industrie de défense, a été mise sur le tapis, mais elle n’a pas encore été tranchée. La première ministre estonienne Kaja Kallas, l’une des figures de proue de la résistance à la Russie, a répété que l’Europe doit s’armer. Et après?
Pressions russes
D’avril à juin, rien ne va donc changer sur le terrain pour les forces ukrainiennes qui devront compter chaque obus et chaque batterie de leur défense antiaérienne, de plus en plus éprouvée par les attaques russes – de drones ou de missiles. Tout va dépendre de la solidité de leurs lignes de défense, dont beaucoup d’observateurs s’inquiètent de la vulnérabilité.
Côté financier, un chiffre a été avancé jeudi soir par Ursula von der Leyen: trois milliards d’euros. C’est ce que devrait rapporter la première opération de captation des intérêts des capitaux russes gelés. «Ils pourront être versés à l’Ukraine en juillet» a-t-elle promis. Mais ce chiffre reste très modique. Il confirme en outre que les avoirs russes ne seront pas confisqués, comme certains l’espèrent encore.
Le premier ministre hongrois Viktor Orbán a par ailleurs fait savoir à nouveau à Bruxelles qu’il s’oppose au transfert direct de cette somme pour acheter des armes. «Les dirigeants de l’UE sont d’accord pour augmenter les fonds destinés à l’armement de l’Ukraine. Ils ne parviennent tout simplement pas à se mettre d’accord sur la manière d’y parvenir. Rien de concret n’est décidé en matière de financement de la défense» note l’influent quotidien en ligne Politico.
Armée ukrainienne humiliée
La réponse, sur le terrain, a été immédiate. «Malheureusement, l’utilisation de l’artillerie sur la ligne de front par nos soldats est humiliante dans le sens où l’Europe peut fournir davantage», a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d’un appel vidéo, tandis que la Russie a confirmé qu’elle allait redoubler d’efforts dans la guerre en Ukraine en ajoutant deux nouvelles armées d’ici la fin de l’année.
«Le débat n’en est qu’à ses débuts et non à sa fin» a déclaré jeudi soir la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. C’est bien le problème.