Le Royaume appelle à l'aide
Même avec le soutien de l'Europe, le Danemark peut perdre le Groenland

Mette Frederiksen, la Première ministre danoise, a indiqué mardi 28 janvier avoir reçu un «très grand soutien» de l'Allemagne et de la France lors de son déplacement à Berlin puis à Paris sur le dossier du Groenland. Et après?
Publié: 29.01.2025 à 10:28 heures
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Dernière mise à jour: 29.01.2025 à 11:07 heures
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La Première ministre du Danemark, Mme Mette Frederiksen, participe au sommet des alliés de l'OTAN sur la mer Baltique à Helsinki (Finlande), le 14 janvier 2025.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Mette Frederiksen, combien de divisions? Cette question, les 56'000 habitants du Groenland ont quatre mois pour se la poser et y répondre. C’est au plus tard le 6 avril 2025 que les élections générales auront lieu dans ce territoire rattaché au Danemark. Une date qui rime avec heure de vérité stratégique, militaire et diplomatique pour la Première ministre danoise, confrontée aux revendications de Donald Trump. Lequel s'est fait un plaisir de les exprimer sans détours dans la foulée de son investiture, lors d'une conversation téléphonique «horrible» avec la cheffe du gouvernement, selon le Financial Times du 24 janvier.

Pour faire bloc face aux exigences du président des Etats-Unis, désireux de faire main basse sur cet espace de 2,1 millions de kilomètres carré riche en ressources naturelles, et essentiel pour le futur passage maritime de l’Arctique, Mette Frederiksen, 47 ans, s’est rendue à Paris et à Berlin mardi 28 janvier. Mission réussie: elle en est repartie avec le plein soutien d’Emmanuel Macron et d’Olaf Scholz. Sauf que les paroles, et les promesses, du président français et du chancelier allemand ne pèsent pas très lourd. Voici pourquoi.

Le Groenland va voter, attention danger


Le thème principal des prochaines élections groenlandaises, attendues d’ici avril 2025, est déjà trouvé: indépendance ou protectorat américain? Un raccourci exagéré? Non, car en quelques semaines, l’administration Trump et ses émissaires locaux peuvent faire beaucoup avancer la cause de Washington.

Promesse de passeport américain pour tous les 56 0000 groenlandais? Promesse de subventions massives pour un pays qui possède, dans son sous-sol, la troisième réserve d’uranium au monde et la seconde réserve de terres rares? Tout est possible. Depuis un siècle, les Etats-Unis ont plusieurs fois proposé d’acheter le territoire. Pour l’heure, l’opinion publique au Groenland est ferme: moins de 10% des sondés se disent prêts à devenir américains.

Le Groenland ne peut pas être défendu

La France s’est dit «prête à réfléchir» à l’envoi de renforts militaires, aux côtés de l’armée danoise, pour défendre le Groenland en cas d’agression. Le chef du Comité militaire de l’Union européenne (CMUE), l’Autrichien Robert Brieger, a pour sa part souhaité dimanche dans le journal allemand «Welt am Sonntag» que des soldats européens devraient être stationnés au Groenland.

«Cela enverrait un signal fort et contribuerait peut-être à la stabilité de la région» a-t-il dit. Sauf que dans les faits, une guerre ne sera pas déclenchée par les Etats-Unis qui disposent d’une base dans la région de Thulé. Et défendre un territoire contre la volonté de sa population, dont une partie réclame l’indépendance du Danemark, prendrait vite la forme d’un piège.

Le Groenland est une faille

Toute instabilité au Groenland, ou toute situation conflictuelle, dans un environnement géographique difficile, représenterait une faille stratégique pour l’Union européenne. L’intérêt objectif du Danemark est donc de dissuader les Etats-Unis d’ouvrir une crise. Mais Donald Trump a déjà avancé ses pions. Le nouveau Président américain a jugé par avance «très inamical» le refus du Danemark de lui céder ce territoire autonome.

Il y va, selon Trump, de la «protection du monde libre» face aux «navires russes et chinois rôdant en Arctique». Et de gifler Copenhague publiquement: «Les Danois ont mis deux traîneaux à chiens supplémentaires il y a deux semaines, et ils pensent que c’est ça, la protection» a ironisé le locataire de la Maison-Blanche.

Le Groenland divise dans l’Union

Qui est prêt à défendre le Groenland? La question sera peut-être posée lors de la première rencontre (informelle) des chefs d’Etat ou de gouvernement des 27 pays de l’Union européenne le 3 février, près de Bruxelles. Le problème est que la réponse pourrait bien ne pas être unanime.

On sait déjà qu’une fois encore, le premier ministre hongrois Viktor Orban, soucieux de ménager Poutine, va jouer la vision. La Pologne, qui assume la présidence tournante de l’Union jusqu’au 31 juin, veut pour sa part parler surtout de l’Ukraine. Mieux: certains estiment que pour convaincre Trump d’aider Kiev, lui céder Nuuk (la capitale du Groenland) ne serait pas une mauvaise idée.

Le Groenland peut être partagé

L’idée n’est pas évoquée, mais elle court dans les couloirs du Département d’Etat à Washington. Pourquoi ne pas faire du Groenland un «condominium» américano-européen? Les Etats-Unis auraient ainsi l’assurance de mettre la main sur ses ressources naturelles, et l’UE ne perdrait pas tout. Le grand perdant serait le Danemark, qui devrait s’accommoder de cette situation.

Dans son discours du Nouvel An, le premier ministre groenlandais Mute Egede a déclaré que la prochaine législature préparera un référendum sur l’indépendance et ses modalités. Le Parlement danois n’aurait pas d’autre choix que de donner son accord.

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