Les talibans ont pris le contrôle de la capitale afghane, Kaboul, quasiment sans résistance. Dans la population, l’ombre de la prise de pouvoir de 1996 du mouvement islamiste est toujours présente. Les talibans avaient alors instauré un État théocratique dans lequel les femmes et les jeunes filles étaient privées de leurs droits.
Des rapports provenant de diverses parties du pays suscitent déjà la peur et la terreur. Les islamistes traqueraient les filles et les femmes non mariées pour les forcer à épouser des combattants talibans. Certaines femmes ne sont désormais autorisées à sortir de chez elles qu’entièrement voilées et accompagnées d’un homme de la famille.
Les femmes sont «réquisitionnées» pour les combattants
Selon «Bloomberg», dans certaines régions, les talibans passent de maison en maison et dressent des listes de femmes et de jeunes filles âgées de 12 à 45 ans en vue d’un mariage forcé.
Le Wall Street Journal rapporte un incident du genre. Après que les talibans ont capturé le district de Rustaq, dans la province septentrionale de Takhar, à la fin du mois de juin, un représentant de haut rang s’est adressé aux fidèles pendant la prière du vendredi à la mosquée. Selon un habitant présent, il aurait exhorté les habitants à marier toutes les filles de plus de 15 ans et les veuves de moins de 40 ans à des combattants talibans.
L’habitant a ensuite été convoqué lui-même et on lui a demandé de remettre sa fille de 15 ans. Par téléphone, il a déclaré avoir fui la région avec sa fille et s'être rendu à Kaboul. Depuis l’arrivée des islamistes dans la capitale, elle n’y est à nouveau plus en sécurité.
«Mes filles ne peuvent pas s’échapper»
Ismael Shahamat, un ancien journaliste de la BBC qui a fui en Suisse il y a trois ans, a également peur pour ses filles. Sa famille est toujours à Kaboul.
«Beaucoup d’informations provenant d’organisations internationales confirment que les talibans cherchent à mettre la main sur des jeunes filles de l’âge de la mienne, et ce dans toutes les provinces du pays», raconte-t-il.
«Mes filles ne peuvent pas s’échapper, révèle-t-il. En ce moment, toutes les frontières sont sous le contrôle des Talibans.»
«Ma vie entière a été balayée»
Une journaliste afghane de 22 ans a partagé anonymement son histoire au «Guardian». Elle y raconte sa fuite des talibans, dans laquelle elle a dû abandonner la maison familiale située dans le nord du pays.
«La semaine dernière, j’étais une journaliste d’information», écrit-elle. «Aujourd’hui, je ne peux plus écrire sous mon propre nom ni dire d’où je viens ou où je suis. Ma vie entière a été balayée en quelques jours.»
Elle ne se sent plus non plus en sécurité parce qu’elle est une femme de 22 ans. «Je sais que les talibans obligent les familles à donner leurs filles comme épouses à leurs combattants.»
Une image emblématique
Les talibans nient officiellement la présence de tout mariage forcé. Selon leur porte-parole, Zabiullah Mujahid, cela serait contraire aux lois islamiques. Cependant, le régime de contrôle et de terreur des talibans se met déjà en place, et ce de manière visible.
Comme le rapporte «Al Jazeera», les islamistes ont demandé aux employées de certaines banques de ne pas retourner au travail.
À Kaboul, l’image emblématique d’un propriétaire de salon de beauté photographié en train de repeindre des images de mannequins sur l’extérieur de son magasin a fait le tour du monde. Il l’a fait le jour même où les talibans prenaient le pouvoir, par crainte de répression.
Des avertissements ont été affichés dans les magasins où les femmes ont l’habitude de se rendre. Si elles y entrent, elles devront en «assumer les conséquences», indiquent ceux-ci. Des informations indiquent que les talibans auraient abattu une femme portant des vêtements trop serrés.
Le secrétaire général de l’ONU réagit
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, se dit préoccupé par les informations faisant état de violations des droits de l’homme envers les femmes et les jeunes filles en Afghanistan.
Il craint un retour aux conditions des années 1990, lorsque l’éducation des filles était interdite et des règles draconiennes étaient imposées aux femmes.
Les informations selon lesquelles les jeunes filles et les femmes afghanes sont privées de leurs droits durement acquis sont «consternantes et déchirantes», dit Antonio Guterres.
«Les attaques contre les civils constituent une grave violation du droit humanitaire international et sont assimilables à des crimes de guerre», rappelle-t-il.