Retenez bien ce terme car il dit toute l’ambiguïté des propositions européennes sur les futures «garanties de sécurité» données à l’Ukraine, pour une paix durable. Plus question, en effet, de parler de force d’interposition ou d’unités déployées au sol, dans ce pays en guerre, pour y former des unités ukrainiennes.
Le terme employé désormais par l’entourage d’Emmanuel Macron est «force de réassurance». Traduisez: la sécurité de l’Ukraine sera d’abord assurée par les Ukrainiens. Les Européens seront en soutien, sans préciser comment, où et dans quelles conditions. «La première garantie de sécurité pour l’Ukraine de demain, ce sera d’avoir un format d’armée crédible qui permette de dissuader toute nouvelle agression et de résister éventuellement à de nouvelles attaques de l’armée russe » a déclaré mercredi soir le président français. Viendront s'y ajouter «les forces de garantie dans le cadre d’un accord de paix, pour aider à dissuader toute nouvelle agression russe ». Une nouvelle aide française de deux milliards d'euros à l'Ukraine sera débloquée.
Brouillard de la coalition
C’est ce brouillard de la «coalition des volontaires» que Volodymyr Zelensky va donc tenter de dissiper à Paris, où il est arrivé ce mercredi soir. Il a de suite rencontré Emmanuel Macron, puis tenu à ses côtés une conférence de presse, et accordé un entretien à plusieurs chaînes de télévision européennes. «L’Ukraine, en se défendant, défend l’Europe » a-t-il réaffirmé, en déplorant que l’émissaire américain pour l’Ukraine, Steve Witkoff, « cite assez souvent le narratif du Kremlin ». Une réunion de 31 pays, représentés pour la plupart par leurs «leaders», sera tient ce jeudi matin à l'Elysée. L’objectif est d’y aborder, une fois de plus, la nature et le volume du soutien militaire que les Européens, plus le Canada, la Turquie et la Norvège, sont prêts à apporter à l’armée ukrainienne.
Apprendra-t-on enfin, par exemple, la livraison prochaine par le gouvernement allemand des missiles longue portée Taurus? C’est peu probable. La réalité est que pour l’heure, les Européens attendent de savoir à quoi ressemblera le cessez-le-feu. Le regard rivé sur leur allié (qui ne les supporte pas) Donald Trump, ils semblent avoir fait le deuil d’une participation effective aux pourparlers entre les Etats-Unis et la Russie. Lundi à Riyad, en Arabie saoudite, les deux pays, pour rappel, sont tombés d’accord lundi 24 mars sur une trêve navale en mer Noire, à laquelle l’Ukraine a donné son accord.
Que proposent les Européens?
Que proposent les Européens? Pas grand chose de neuf et rien de vraiment susceptible d'obliger Trump et Poutine à prendre en compte leur avis.. L’idée d’une force maritime de surveillance est évoquée. L’Italie, réticente à envoyer des troupes au sol, pourrait y participer, tout comme la Turquie. Mais tout cela reste vague. Pas question, en revanche, de lever des premières sanctions contre Moscou, alors que les Etats-Unis pourraient le faire. Pour les Européens, seul un retrait «inconditionnel» de l’armée russe des zones qu’elle occupe ouvrirait ce chapitre d’une levée de l’embargo commercial et financier. Volodymyr Zelensky a donc, à la télévision, par avance enfoncé le clou: «La Russie met un veto à toutes les décisions de l’Europe en matière de sécurité, est-ce que l’Europe va mettre un veto à tous les désirs de Poutine ? Peu importe ce que veut la Russie, il faut renforcer notre sécurité (…) pour les citoyens de toute l’Europe (…) et non pas se demander ce que dira le Kremlin. »
Pourquoi se réunir alors à Paris, après les négociations de Riyad? Au moins trois raisons sont évoquées. La première est de soutenir publiquement le président ukrainien, en lui assurant qu’il n’est pas seul face à Trump et Poutine. La seconde est de s’assurer que l’unité européenne demeure, maintenant que la Hongrie du pro-russe Viktor Orbán est marginalisée au sein de l’Union sur la question du soutien à Kiev (son ministre des Affaires étrangères était mercredi en visite à Moscou). La troisième est une raison interne à l’Union européenne. Il faut à tout prix éviter les dissensions internes. Il faut serrer les rangs pour que les investissements en matière de défense se fassent au profit des industries européennes en priorité.
Ras-le-bol des idées
Et Zelensky dans tout ça? Le président ukrainien a impérativement besoin d’autre chose que de discours, de concepts, et de plans brumeux sur une force de «réassurance». Il va donc pousser en ce sens, avec sans doute le soutien d’Emmanuel Macron et du Premier ministre britannique Keir Starmer. Cette force européenne est en effet au cœur du débat. Elle devrait être composée de forces de différents pays, autour d’un noyau franco-britannique. Elle ne jouera pas en revanche le rôle de force de contrôle de la ligne de front de 1400 kilomètres. Rôle qui pourrait être rempli, après une résolution de l’ONU, par des forces internationales.
Pour le moment ? Plus d'armes mais pas de plan capable de se substituer aux pourparlers américano-russes ou, mieux, de s'imposer entre Trump et Poutine. A ce stade, Zelensky risque surtout de repartir de Paris avec des encouragements à compter sur lui-même et sur la résistance de son armée.