Il va falloir attendre un peu. Très vite, plus de détails sur la seconde conversation téléphonique entre Vladimir Poutine et Donald Trump depuis l’élection de ce dernier vont sans doute émerger.
Pour le moment en tout cas, une chose est claire: le «cessez-le-feu total» de trente jours déjà accepté par les Ukrainiens n’est pas au rendez-vous. Les deux présidents sont seulement tombés d’accord sur un arrêt des frappes sur les cibles énergétiques et les infrastructures, et sur un échange de prisonniers. Un résultat bien éloigné des ambitions initiales du locataire de la Maison Blanche.
Pas de concessions russes
La question se repose donc aussitôt: Donald Trump a-t-il encore les moyens, et surtout la volonté, d’obliger son homologue russe à plier et à faire de réelles concessions? Tout dépend de ce que contient la promesse, faite lors de cette conversation téléphonique de deux heures, d’entamer immédiatement de nouvelles négociations au Moyen-Orient, sans doute en Arabie saoudite. Va-t-on vers un dénouement dans les prochains jours, une fois que les délégations américaines et russes se seront retrouvées? Quelle réponse les Etats-Unis vont-ils apporter aux trois demandes officiellement exprimées par Vladimir Poutine, à savoir «la fin du réarmement» de l’Ukraine, la fin de «la mobilisation forcée» et «l’arrêt complet» de l’aide militaire étrangère à ce pays agressé par la Russie le 24 février 2022?
Deux facteurs plaident pour la thèse d’un Poutine en position de force après ce second coup de fil, dont les détails vont encore une fois sans doute faire surface.
Avantage militaire pour Poutine
Le premier est l’avantage militaire et territorial que les Russes conservent. La poche de Koursk/Soudja, conquise en territoire russe par les Ukrainiens en août 2024, est désormais presque complètement évacuée par ces derniers, dans des conditions de retraite très éprouvantes, comme le confirment tous les témoignages de combattants sur les réseaux sociaux. Vladimir Poutine ne s’est par ailleurs pas engagé à stopper la poussée de ses troupes dans les autres oblasts annexés par la Russie. En clair: les combats continuent sur le front terrestre, et ils sont depuis plusieurs semaines en faveur des forces du Kremlin.
Second facteur qui place Poutine en position de force: l’arrêt des frappes sur les installations énergétiques et les infrastructures prive l’Ukraine de l’un de ses atouts militaires les plus efficaces. Les tirs de missiles de longue portée par les forces ukrainiennes sur les raffineries et les bases aériennes russes se sont montrés dans le passé très efficaces. Ils ont même contraint la Russie à diminuer ses exportations de carburant. Or si cela s’arrête, l’Ukraine va perdre ce moyen de pression.
Trump n’est pas dupe
Deux autres facteurs en revanche laissent penser que Donald Trump n’est pas dupe, même s’il n’a toujours pas pour l’heure décidé d’inclure les Ukrainiens et les Européens dans les pourparlers directs avec Poutine.
Le premier facteur à prendre en compte est le calendrier. Pendant qu’il discute avec Poutine, Trump laisse les Européens préparer leurs plans pour une éventuelle force qui serait déployée en Ukraine (à laquelle la Russie a dit s’opposer par avance). Cette situation est très inconfortable pour les Européens qui ne savent plus s’ils peuvent compter sur leur allié américain, mais le fait est que la coalition reste soudée autour de Volodymyr Zelensky, arrivé ce mardi en Finlande.
Plan européen ce mercredi
Un premier plan détaillé européen pour l’industrie de défense doit être dévoilé le 19 mars à Bruxelles. Un sommet européen aura ensuite lieu entre les dirigeants des 27 les 20 et 21 mars. Une nouvelle réunion simultanée des responsables militaires des pays de l’UE et de leurs alliés est au programme. Or pour le moment, Trump laisse faire… La question est donc de savoir si, suite à l’exigence russe de voir cesser l’aide militaire étrangère à l’Ukraine, le président américain va changer de ton.
Le second facteur moins favorable à la Russie est la détermination de l’Ukraine. Ce pays agressé a accepté le principe d’une trêve. Le narratif de la paix n’est donc pas dans les mains de Poutine qui reste l’agresseur et se comporte comme tel. Zelensky, au contraire, peut arguer de son accord pour la cessation des combats. Il est, en fait, bien plus aligné sur Trump que le Kremlin.
Trump et le tapis vert
Résultat: le président américain ne va pas pouvoir continuer de dialoguer avec Moscou sans obtenir des concessions significatives. Le plus probable est que les Russes veulent maintenant régler cela autour du tapis vert des négociations. Trump n’a peut-être rien obtenu, mais en imposant de nouveaux pourparlers, il tient Poutine en joue. Il ne lui a pas cédé.
Poutine a-t-il pris l’ascendant sur Trump? Oui, si l’on considère que le président russe n’est désormais plus présenté comme l’agresseur (ce qu’il est), et qu’il peut pousser ses pions militaires. Le fait est en revanche que les Etats-Unis ont repris leur aide militaire à Kiev, et qu’ils n’ont pas tordu le bras aux Ukrainiens pour qu’ils cessent unilatéralement les combats. A force de parler directement, Trump, comme Poutine, semblent plutôt réaliser qu’ils n’ont, ni l’un ni l’autre, intérêt à se faire complètement confiance.