800 milliards d'euros annoncés
Emprunter encore pour s'armer et aider Kiev, le piège européen

Ursula von der Leyen vient de le proposer. 800 milliards d'euros sont envisagés pour armer les pays de l'Union européenne. 150 milliards sont déjà sur la table. Un scénario crédible à la veille du sommet extraordinaire de l'UE le 6 mars?
Publié: 04.03.2025 à 17:03 heures
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Si les Etats-Unis suspendent leur aide militaire, les pays européens vont devoir vider leurs arsenaux.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il y a trois façons d’évaluer le «paquet» défense qu’Ursula von der Leyen a présenté ce mardi 4 mars à Bruxelles, en amont de la réunion extraordinaire des chefs d’Etat ou de gouvernement des 27 pays membres de l’Union européenne, jeudi 6 mars. Est-ce qu’emprunter encore pour s’armer et aider Kiev, revient, pour les Européens, à se tendre un piège?

La première est de s’attarder sur les chiffres, au moment où les Etats-Unis s’apprêtent à suspendre leur aide militaire à l’Ukraine. Le seul chiffre avancé pour l’heure par la présidente allemande de la Commission européenne est celui de 150 milliards d’euros, sous forme de prêts aux Etats-membres pour «financer le renforcement des capacités de défense en Europe». Est-ce suffisant? Non.

Par comparaison, le budget que la France consacre à sa défense était d’environ 50 milliards d’euros en 2024, dont 6 milliards pour la dissuasion nucléaire. La Pologne, pays qui dépense le plus pour son armée dans l’Union avec plus de 4% du PIB, débourse pour sa part environ 35 milliards d’euros. Et l’ensemble des pays membres de l’UE ont dépensé 279 milliards d’euros pour leur défense en 2023. Faites le calcul: ces 150 milliards ne permettront jamais d’atteindre les 5% des PIB exigés par Trump des pays de l’OTAN, l’Alliance atlantique.

La conclusion: Il faut impérativement que les pays européens dégagent aussi des ressources nationales pour financer leurs armées.

Enveloppe globale

La seconde façon est d’évaluer l’enveloppe globale évoquée, à moyen terme par Ursula von der Leyen, soit 800 milliards d’euros. Là, le chiffre est plus conséquent. Mais il n’est assorti pour l’heure d’aucun calendrier, et d’aucun mode d’emploi opérationnel.

Pour mémoire, l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi préconisait aussi, dans son rapport sur le marché européen, 800 milliards d’euros d’investissement par an dans l’innovation et la recherche pour permettre aux 27 de rattraper leur retard sur les Etats-Unis et la Chine. 800 + 800 = 1600 milliards d’euros, soit beaucoup plus que le budget pluriannuel de l’UE pour la période 2021-2027 qui s’élève à 1074 milliards d’euros. Alors, possible?

Le risque est que tout cela finisse en arbitrages mal ficelés. Côté défense, le livre blanc européen sur l’industrie de défense est attendu le 19 mars. Ursula von der Leyen a déjà évoqué les priorités: défense antiaérienne, missiles, drones, systèmes anti-drones ou systèmes d’artillerie.

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La conclusion: L’Union européenne n’a pas aujourd’hui les moyens de se lancer simultanément dans une course aux armements et à l’innovation.

Détermination politique

La troisième façon de juger ce plan «défense» est de mesurer la détermination politique européenne. Or là, la seule indication disponible est pour l’heure le sommet d’une partie des dirigeants européens qui s’est tenu à Londres le 2 mars, sans conclusions concrètes autres qu’un soutien réaffirmé à l’Ukraine. Il ne faut pas oublier que la défense n’est pas une compétence communautaire, au contraire du commerce. La Commission peut servir de catalyseur, mais elle n’est pas décisionnaire.

Alors? Une révolution politique accélérée est donc indispensable. Avec l’acceptation par les pays membres de l’UE (ou une partie) d’un degré de fédéralisme industriel et militaire. Pour mémoire, le Traité européen de Lisbonne prévoit, en son article 42.7, une clause de défense mutuelle. Son texte? «Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir.»

Or pour le moment, aucun pays de l’UE n’a été agressé. C’est l’Ukraine, pays candidat, qui l’a été. Une Ukraine qui dispose aujourd’hui de la première armée européenne après la Russie. Une Ukraine très en avance en matière de drones. Une Ukraine à qui Ursula von der Leyen a promis, lors de l’anniversaire des trois ans de guerre à Kiev, le 24 février «une adhésion à l’Union possible avant 2030». Autant dire que la défense européenne demeure, à ce stade, un champ de mine politique. 

La conclusion: Une défense européenne en partie fédérale, avec l’Ukraine en son sein, paraît aujourd’hui hors d’atteinte.

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