Sa motion de censure a été rejetée de justesse
Bertrand Pancher, le partisan du référendum qui énerve Macron

Son nom ne vous dit sans doute rien. Mais à l'Élysée, tous le redoutent. Bertrand Pancher est député de la Meuse. C'est son groupe parlementaire qui a déposé la motion de censure rejetée de justesse. Son combat, aujourd'hui? Un référendum sur les retraites! Interview.
Publié: 29.03.2023 à 18:31 heures
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Dernière mise à jour: 29.03.2023 à 19:06 heures
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Le député de la Meuse Bertrand Pancher s'élève contre la politique d'Emmanuel Macron et défend l'idée d'un référendum sur les retraites.
Photo: IMAGO/IP3press
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il est le député qui énerve Emmanuel Macron. Et pour cause: à la tête du groupe parlementaire LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) à l’Assemblée nationale française, le député de la Meuse Bertrand Pancher a failli renverser le gouvernement.

C’est la motion de censure transpartisane présentée par son groupe, le lundi 20 mars, qui a tout bousculé sur l’échiquier politique. Rejeté à neuf voix près, ce texte a disloqué la droite traditionnelle et le groupe Les Républicains, sur l’appui duquel comptait Emmanuel Macron pour faire adopter la réforme des retraites. Alors, heureux? Non. Car Bertrand Pancher et les élus qui l’entourent sont très inquiets. Pour eux, c’est la démocratie française qui va mal. Et pour la remettre sur les rails, le référendum «à la Suisse» a toute sa place, selon eux. Interview.

Bertrand Pancher, neuf voix vous ont manqué, le 20 mars, pour que votre motion de censure soit adoptée et que le gouvernement d’Élisabeth Borne soit renversé. Vous êtes aujourd’hui l’ennemi politique numéro un d’Emmanuel Macron?
Ce n’est pas le sujet. Nous ne sommes pas des «ennemis». Nous sommes des parlementaires résolus à ne pas laisser la France être prise en otage par les trois populismes à l’œuvre aujourd’hui: le national-populisme de Marine le Pen et du Rassemblement national, le populisme d’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise, et le populisme libéral-autoritaire d’Emmanuel Macron. Nous voulons créer une alternative, car elle est terriblement nécessaire. Les Français veulent plus de démocratie. Ils veulent participer aux décisions. Ils ne supportent plus un pouvoir exécutif qui impose tout. Notre objectif est de construire des propositions pour sortir de ce guêpier et rassembler. Nous allons créer une association, Utiles, pour organiser ce rassemblement, au service de propositions concrètes. Dans cette bataille des retraites, le pays et notre démocratie sont perdants. Il était impératif de dire «non». C’est ce que nous avons fait avec notre motion de censure qui a failli être votée.

Vous n’avez que vingt députés sur 577 dans votre groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Chacun de vos membres vote comme il le souhaite. Ce n’est pas un peu hétéroclite et opportuniste?
Vous pensez que les Français préfèrent les décisions tombées d’en haut, décidées par la technocratie qui nous gouverne, sans débat? Je discute en permanence avec des maires et des élus ruraux. Je sais ce qu’ils me disent: on n’en peut plus! Ils veulent une décentralisation qui fonctionne. Ils ne veulent plus se contenter d’obéir. Alors oui, nous ne donnons pas de consigne de vote dans notre groupe. Oui, nous rassemblons des députés d’horizons différents, venus de la gauche ou de la droite. Et alors? Notre motion de censure était «transpartisane». C’est pour cela qu’elle a failli être votée! Ce que nous voulions sanctionner, c’est une méthode. On ne modifie pas le régime des retraites, qui touche chaque citoyen, de cette façon. Emmanuel Macron aurait dû engager une vaste concertation. Il aurait dû inclure les organisations de la société civile, et bien sûr les partenaires sociaux. Nous avons dans ce pays une Commission nationale du débat public. Elle aurait pu faire ce job! On n’était pas à trois mois ou six mois près. J’ai dit tout cela à la Première ministre, Élisabeth Borne. Mais j’ai buté sur un mur. Le pouvoir actuel ne cherche pas le consensus national. Vous voyez le résultat?

Vous dites que le référendum est l’une des solutions. Vous y croyez vraiment? Quand je pose la question aux responsables politiques français, ils me répondent tous que c’est impossible! On me dit que jamais les Français ne voteront pour le sujet du référendum, comme le font les Suisses…
Parce que le courage manque et que le peuple fait peur aux élus. Le référendum est pourtant bien inscrit dans la Constitution. Le Général de Gaulle le considérait comme essentiel. Le président peut le déclencher au titre de l’article 11. Et on nous explique que les Français n’en veulent pas! Notre idée est de pousser pour un référendum à choix multiples. Pourquoi, en 2005, lorsque le projet de traité constitutionnel européen a été soumis aux Français, ne pas avoir posé deux questions? La première: souhaitez-vous que l’intégration de la France à l’Union européenne se poursuive? La seconde: êtes-vous pour ou contre ce traité constitutionnel? De cette façon, on lève l’ambiguïté. On aurait pu faire de même sur les retraites. Question 1: estimez-vous nécessaire que chacun participe au financement du régime général des retraites (aujourd’hui financé par les seuls salariés)? Question 2: êtes-vous pour ou contre cette proposition de réforme? Si on n’innove pas, la démocratie française va se déliter. Il faut plus de démocratie pour sauver la démocratie!

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Une procédure de «Référendum d’initiative partagée» a été enclenchée par 250 députés de gauche sur la réforme des retraites. Vous la soutenez?
Oui, mais c’est un dispositif qui arrive très tard. Et sans doute trop tard. Il faudra maintenant recueillir 4,8 millions de signatures pour enclencher ce processus, alors que la loi sera sans doute déjà promulguée. Ce type de référendum est bienvenu, mais à condition d’abaisser le seuil des signatures requises autour d’un million, pour aller plus vite. Et je répète qu’il faut innover, avec le référendum à choix multiples. Nous devons créer de l’intelligence démocratique collective.

Macron et vous, c’est fini? La rupture est consommée?
Nous sommes dans une caricature de concentration des pouvoirs en France. Bien sûr, cela est lié à nos institutions. Mais c’est aussi le résultat de la façon de présider le pays d’Emmanuel Macron, plus que jamais au service des grandes entreprises du CAC 40. L’État exerce une tutelle sans partage. Tout remonte à l’Élysée. Or la société française n’est plus celle de 1958, au moment de l’entrée en vigueur de l’actuelle Constitution! Notre motion de censure a libéré les consciences des parlementaires. Les maladresses du président et du gouvernement dans cette réforme des retraites ont été telles que beaucoup de députés sont à bout. À quoi sert le Parlement si toutes les procédures sont accélérées, tronquées, et finalement écartées au profit de l’adoption d’un texte sans vote, grâce au 49.3?

Et à la fin, comme beaucoup le pensent, c’est le Rassemblement national qui gagne
Je ne le crois pas. C’est l’abstentionnisme qui va gagner et sortir renforcé. Avec pour résultat de miner encore plus nos institutions et notre démocratie, qui sera de plus en plus jugée illégitime. Les trois populismes que j’ai cités sont un danger pour nous tous. Ils vont paralyser le pays si on ne fait rien. Notre proposition de référendum «à la suisse» est l’une des solutions. Et le slogan de notre association Utiles dira cela: «Décidons ensemble!»

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