Violences contre la réforme des retraites
En France, la dérive autoritaire ne peut pas être la solution!

Les nombreuses dégradations commises à Paris et plusieurs grandes villes en marge de la manifestation du jeudi 23 mars peuvent-elles rester sans réponse? Le pire, pour le président français, serait de s'enfermer dans une spirale autoritaire.
Publié: 24.03.2023 à 10:02 heures
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Vitrines cassées, magasins abimés... Le spectacle des Grands boulevards parisiens ce vendredi 24 mars fait remonter à la surface les pires souvenirs des gilets jaunes.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le pire est en train d’arriver. La France est peut-être en train de s’embraser.

Ceux qui n’y croient pas me rediront que les flambées de violence sont régulières dans cette République rongée par son goût de la révolution. Ils me diront aussi que la grande majorité des Français sont, ce vendredi 24 mars, retournés de bon matin au travail comme si de rien n’était.

Bref, il est encore possible, selon eux, d’imaginer que cette bataille sociale sur la réforme des retraites va finir par s’étioler. C’est le pari qu’a pris Emmanuel Macron, mercredi, dans son intervention télévisée durant laquelle il a promis «de continuer à avancer», malgré l’opposition tenace d’une partie de la population à ce projet de loi adopté sans vote.

Le pire est redevenu réalité

Soit. J’avoue, pour ma part, ne pas croire à un tel dénouement. Je n’y crois pas parce que j’ai vu, la nuit passée, le pire redevenir réalité. Les grands boulevards parisiens jonchés de brasiers d’immondices. Des kiosques à journaux en feu, place de l’Opéra.

Des bandes de casseurs poursuivis par des policiers après minuit, dans les ruelles proches de la gare de Lyon. La mairie de Bordeaux incendiée. Nantes, Rennes, Montpellier, Lyon happés par ces batailles rangées entre casseurs et forces de l’ordre.

Des scènes copiées-collées du triste hiver 2018-2019, lorsque la fièvre des gilets jaunes menaçait de tout emporter sur son passage. Jusqu’à ce que l’abandon du projet de taxe sur le carburant, une pluie d’aides financières diverses et l’ouverture du Grand débat national parviennent péniblement à éteindre l’incendie.

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Et maintenant? Le risque en train de poindre, du côté de l’Élysée, est celui d’une possible dérive autoritaire. Je pèse mes mots. Mais au vu des finances publiques françaises à bout de soufflée, du contexte international marqué par la guerre en Ukraine, et des échéances à venir telles que la Coupe du monde de Rugby cet automne et les Jeux Olympiques d’été 2024, Emmanuel Macron est bien plus sous pression qu’il ne l’était au moment des gilets jaunes.

En clair: ce président incapable de donner du sens à son second mandat a besoin d’urgence d’un retour à l’ordre. Il sait que si la violence urbaine s’installe et que l’épuisement policier guette, son quinquennat virera au cauchemar. Marchés financiers en embuscade alors que la France doit emprunter cette année 270 milliards d’euros, partenaires européens dubitatifs, majorité législative introuvable… Plus les Français se cabrent, plus Macron risque d’être désarçonné.

Une solution pour ramener le calme est de mettre en mode pause la réforme des retraites, comme vient encore de le suggérer le patron du syndicat réformiste CFDT Laurent Berger, juste après avoir confirmé une nouvelle journée d’action le 28 mars. Mais cela signifierait, pour ce président résolu à avancer «à marche forcée», une capitulation. Une autre option serait de frapper un grand coup politique: référendum ou dissolution de l’Assemblée, ce qui semble pour l’heure exclu par l’Élysée.

Reste donc l’autre alternative: taper fort. Tenter d’incarner la puissance d’un État qui ne cède pas, au nom de l’intérêt macroéconomique du pays, et se réfugier derrière cette formule énigmatique prononcée mercredi devant les caméras: «Tout ne passe pas par la loi».

Tenter de ramener le calme à coups d’interpellations et de réquisitions pour éviter les blocages de raffineries ou imposer un ramassage minimum des ordures. Vu de l’étranger, cela peut paraître justifié. «La chienlit» des casseurs, pour reprendre le terme du Général de Gaulle en mai 1968, ne doit pas faire la loi. Sauf que Macron n’est pas de Gaulle, que les caisses sont vides, et que le risque d’un chaos aggravé ne peut pas être exclu.

En novembre 2005, l’État d’urgence

Jacques Chirac avait, le 8 novembre 2005, autorisé le gouvernement de Dominique de Villepin à décréter l’État d’urgence pour mettre fin aux émeutes de banlieue, déclenchées par la mort de deux adolescents près de Paris. Mais il s’agissait alors d’un autre type de violences. Cette fois, C’est une partie du pays que cette réforme des retraites, aussi justifiée soit-elle sur le fond, a antagonisé et radicalisé. Et ce, alors que l’Assemblée nationale est fragmentée, et que les extrêmes prospèrent, à droite comme à gauche.

Croire que la politique du coup de poing ramènera le calme est dès lors très hypothétique. Le plus probable est que le couvercle policier, s’il se referme, n’empêchera pas la France de continuer de bouillir. Bien qu’il soit impeccablement conforme à la constitution et qu’il ait été très souvent utilisé, le recours à l’article 49.3 pour faire adopter cette réforme a ouvert un dangereux procès en illégitimité.

S’il fait le choix d’une dérive autoritaire, Emmanuel Macron ne fera que l’amplifier. Dans un pays où la défiance envers les élites est aujourd’hui le carburant de tous les populismes. Et de toutes les violences.

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