Un discours peu applaudi
Imposer le compromis pour dépenser moins: le pari (dingue) de Bayrou

Devant le parlement mardi 14 janvier, le nouveau Premier ministre français a prononcé un discours exigeant compromis et sacrifices. Y compris sur la réforme des retraites. Sérieux ou dingue?
Publié: 14.01.2025 à 16:53 heures
|
Dernière mise à jour: 15.01.2025 à 07:25 heures
1/5
Le Premier ministre français François Bayrou a prononcé ce mardi 14 janvier sont discours de politique générale, destiné à définir l'action future de son gouvernement.
Photo: AFP
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

On vous avait expliqué, dans Blick, pourquoi François Bayrou, 73 ans, croit pouvoir être le sauveur de la France enlisé dans une grave panne politique, économique et financière. Notre réponse à cette question a trouvé un écho et une confirmation dans le discours de politique générale de plus d’une heure que celui-ci a prononcé, mardi 14 janvier, devant les députés à l’Assemblée nationale.

Trois mots ont dominé ce discours entamé sur un soutien renouvelé au projet européen et ciselé de formules littéraires, y compris une référence à une fable de Jean de la Fontaine: «La poule aux œufs d’or».

Mot n°1: l’endettement. Ce n’est pas nouveau chez François Bayrou, mais le fait de commencer son intervention par le rappel de la spirale de l’endettement à l’œuvre en France depuis les années 80 s’est avéré très efficace. Tout le monde en a pris pour son grade. Tous les partis de gouvernement se sont retrouvés accusés. Une manière efficace de rappeler que certains de donneurs de leçons de 2025 feraient mieux de parler moins fort, car ils ont contribué à mettre les finances nationales en danger, au point d’atteindre cette année plus de 3200 milliards d’Euros de dette publique, un record absolu.

Mot n° 2: la négociation (et le compromis). On s’attendait à ce que François Bayrou suspende ou abroge la réforme controversée des retraites de 2023, qui a repoussé l’âge de départ à 64 ans contre 62. L’on présentait cette concession comme indispensable pour obtenir un accord de non-censure (l’engagement à ne pas renverser le gouvernement) de la part du parti socialiste. Habile, le nouveau Premier ministre a contourné l’obstacle en renvoyant la balle aux partenaires sociaux qui pourront détricoter le texte législatif, voire le remplacer, mais à une condition: tomber d’accord sur un mode de financement qui permette des économies identiques. François Bayrou a redit que le système français par répartition (les actifs paient pour les retraités) est chaque année déficitaire d’environ 55 milliards d’euros. La réforme de 2023 prévoyait une réduction de coûts moins ambitieuse, autour de 15 milliards d’euros. Un «conclave social», ouvert dès ce vendredi, devra dégager des options alternatives, sur la base d’un audit de la Cour des comptes. Sans alternative financière, la réforme si impopulaire auprès des Français s’appliquera.

Les entreprises, cœur du pays

Mot n°3: l’entreprise. François Bayrou a aussi, dans son discours, parlé de démocratie, de financement des partis politiques (il relance sa vielle idée de créer une banque de la démocratie) et de changement du mode de scrutin vers la proportionnelle, plus représentative. Mais la grande nouveauté est de l’avoir entendu répéter qu’il faut réconcilier les Français avec les entreprises, y compris les multinationales qui réalisent leurs profits à l’étranger. C’est à ce propos que le leader centriste nommé à la tête du gouvernement le 13 décembre a évoqué la fable «La poule aux œufs d’or». Ceux qui veulent lui couper la tête pour récupérer les œufs finissent par se retrouver avec un volatile mort. Et plus d’œufs du tout…

On pourrait résumer ce discours de politique générale d’une phrase: François Bayrou, politicien expérimenté, veut imposer aux Français des compromis pour dépenser moins. Car il a été clair: il faudra moins dépenser. Comment? Les remèdes restent flous, même si le Premier ministre a déploré l’existence d’un millier d’agences publiques dans le pays. L’objectif de croissance économique de la France pour 2025 est révisé à la baisse, 0,9%. Le déficit public atteindra cette année 5,4% du produit intérieur brut. Mais pour Bayrou le vertueux, l’intention de ramener ce déficit en dessous des 3% en 2029 demeure.

Coquilles vides

Personne n’a franchement applaudi au fil de son discours. Pas étonnant. L’homme qu’Emmanuel Macron a choisi pour diriger le pays avec lui a d’abord brossé le portrait d’une France en besoin cruel de sursaut et de pragmatisme. Bien vu. Assez juste. Il lui faut, maintenant, prouver que ces mots ne seront pas (une fois encore) des coquilles vides pour un pari dingue. 

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la