Et une moisson de promesses d’investissements en plus! C’est presque devenu le rituel présidentiel préféré d’Emmanuel Macron, ce chef de l’État qui fut banquier d’affaires avant de rejoindre l’Élysée sous François Hollande, puis de se lancer en politique avec le succès que l’on sait. Chaque année, le sommet «Choose France» (Choisissez la France) réunit sous les ors du Château de Versailles le gotha du patronat mondial. Objectif: convaincre ces dirigeants de multinationales de sortir leurs carnets de chèques et de choisir la France comme destination pour leurs nouvelles usines, leurs laboratoires, ou leur QG européen.
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Or ça marche! Jugez plutôt le bilan officiel de cette septième édition: 56 annonces, quinze milliards d’euros d’investissements et 10'000 emplois potentiels annoncés pour cette édition 2024, après les six milliards d’euros promis l’année passée. Au total depuis la création de ce rendez-vous patronal à Versailles, initialement programmé à la veille du Forum économique mondial de Davos, 122 annonces et plus de vingt milliards de projets dans lesquels les partisans d’Emmanuel Macron voient la preuve que la France, cette République si sociale, est redevenue attractive pour les capitalistes du monde entier.
Une grand-messe prisée des multinationales helvétiques. Pour cette édition, le cimentier Holcim a annoncé un investissement de plus de soixante millions d’euros en faveur de la décarbonation, avec 40 emplois à la clef. Novartis poursuit les investissements dans son laboratoire de recherches d'Huningue, près de Bâle. Nestlé et Syngenta sont des habitués de la Galerie des Glaces. Un rappel, au passage, des liens étroits qu’Emmanuel Macron entretient avec Peter Brabeck, l’ex-PDG autrichien de Nestlé dont il fut le banquier d’affaires, chez Rothschild, lors du rachat par ce dernier de la branche nutrition infantile du géant Pfizer en 2011-2012.
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Macron, PDG de l’entreprise France plutôt que Chef d’État? Dans tout autre pays, l’accusation semblerait injuste, voire stupide. Tous les dirigeants politiques se livrent, dans cette situation de concurrence mondiale exacerbée pour les contrats et les investissements, à des opérations de séduction XXL envers les grands patrons. Joe Biden y a, lui, ajouté d’importantes subventions, dans le cadre de son «Inflation Reduction Act» (369 milliards de dollars d’aides publiques sur dix ans) destiné à rapatrier le maximum d’usines et de technologies stratégiques aux États-Unis. Mais en France, jouer aux VRP capitalistes de façon aussi ostensible n’a pas bonne presse.
Président des riches
Sans surprise, les opposants de gauche à Emmanuel Macron voient dans «Choose France» la preuve qu’il est bien le «président des riches» qu’ils dénoncent depuis son accession à l’Élysée, en mai 2017. A droite, ses détracteurs dénoncent le double langage d’un président qui ouvre grand les portes aux investisseurs étrangers, mais ne parvient pas à retenir les talents français et a, depuis sept ans, laissé filer la dette publique qui atteint désormais plus de 3000 milliards d’euros. S’y ajoutent les critiques des écologistes qui redoutent de voir sacrifier les normes antipollutions sur l’autel de l’attractivité.
Alors, «Choose France», grand-messe économique triomphale ou show sans lendemain, et sans impacts sur la réalité sociale et économique française? Si l’on s’en tient aux chiffres, Emmanuel Macron a raison. L’un de ses principaux succès, depuis sa première élection en 2017, est d’avoir réconcilié les patrons avec Paris (où quantité de services financiers hébergés autrefois à la City de Londres ont déménagé, suite au Brexit), mais aussi avec certains terroirs industriels comme les Hauts-de France (Nord-Picardie), devenus l’une des principales plates-formes industrielles européennes pour la production de batteries et de véhicules électriques.
Industrie de défense
Le président français est aussi cohérent: sans vitalité industrielle et technologique, l’Europe puissance qu’il défend dans l’actuelle campagne pour les élections européennes du 9 juin ne sera qu’un vain mot. La France, qui dispose d’un socle solide dans le domaine des industries de défense (aéronautique, artillerie, cyber…) est aussi bien placée pour profiter des investissements attendus dans ce domaine par les pays européens membres de l’OTAN. Une posture que concrétisera, du 17 au 21 juin, le salon militaire Eurosatory à Paris.