Français, accrochez-vous: le toboggan de vos finances publiques est de plus en plus glissant!
Ce n’est pas Blick qui le dit. C'est l'INSEE, l'Institut national de la statistique qui a rendu public ses chiffres pour 2023 ce mardi 26 mars.
Selon ces chiffres, le déficit public de la France a atteint 5,5% du PIB en 2023, à 154 milliards d'euros. C'est bien plus que les 4,8% de déficit réalisés en 2022 et que les 4,9% initialement prévus par le gouvernement. Une confirmation des avertissements lançés par la très sérieuse Cour des comptes. Le déficit public de la France se retrouve donc proche du double du maximum de 3% fixé depuis février 1992 par le traité européen de Maastricht, socle de l’euro, la monnaie unique entrée en circulation dix ans plus tard.
5,5% de déficit, engendrés selon l'INSEE «par le ralentissement de l'économie, par des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et un recul des transferts reçus». Qu'en penser ? L’économiste très libérale Agnès Verdier-Molinié, habitué à publier des best-sellers sur la dégradation des finances française, y voit la preuve que le glissement vire au précipice. «La devanture du village Potemkine commence sérieusement à se fissurer», écrivait-elle ce week-end dans Le Journal du Dimanche. Et de s’inquiéter: « On craignait que la France ne devienne lanterne rouge du déficit public en zone euro en 2024, elle sera en avance d’un an.»
Ajoutez à cela l’explosion de la dette publique française, qui devrait se stabiliser fin 2024 à 110% du produit intérieur brut, soit plus de 3000 milliards d’euros, et le compte est bon. Enfin, plutôt pas bon du tout: «Nous enregistrons le déficit le plus élevé hors récession et hors crise sous la Ve République», poursuit Agnès Verdier-Molinié, auteure de «La France peut-elle tenir encore longtemps?» (Ed. Albin Michel). À ce stade, la pire prévision est la Slovaquie à 5,5% de déficit selon le FMI. Et avec la croissance revue à la baisse, la France pourrait de nouveau être lanterne rouge en 2024.
Macron, l’ex-banquier
Tout ceci ne serait pas si grave si Emmanuel Macron n’était pas aux commandes du pays depuis sept ans. Pour rappel, ce jeune président passé par la banque Rothschild avait commencé son premier mandat en promettant, comme ses prédécesseurs, une réduction de l’endettement et de l’incapacité de la France à boucler un budget en équilibre depuis 1974, soit pile un demi-siècle. 50 ans de déficits accumulés. 50 ans de dette publique en augmentation continuelle. Le Chef de l’État, champion de l’attractivité industrielle, se retrouve pris au piège de son «en même temps».
Coté pile, le pays attire les investisseurs étrangers comme jamais, avec environ six milliards de projets industriels annoncés pour 2024, soit un record. Coté face, la crise du Covid et le «quoiqu’il en coûte» ont laissé une marque indélébile. La France ne sait plus endiguer la propension de son administration à dépenser plus qu’elle ne collecte d’impôts et de cotisations. Et ce, dans un pays pourtant champion du monde des prélèvements obligatoires, avec 46,1% du PIB en 2022, devant la Norvège pétrolière et la frugale Autriche, opposante déclarée aux emprunts mutualisés au sein de l’Union européenne.
Et si la France faisait faillite?
Alors, danger? Et si demain la France faisait faillite, comme l’ont prophétisé, au début des années 2000, les auteurs d’un livre qui portait ce titre? La réponse est contenue dans le rapport annuel que la Cour des comptes a publié le 12 mars dernier. «Deux ans après la sortie de la crise sanitaire, la France reste l’un des pays de la zone euro dont la situation des finances publiques est la plus dégradée et dont les objectifs de rétablissement sont les plus étalés dans le temps». Nuages à l’horizon donc, alors que les agences de notation financières surveillent toujours Paris, à la veille de Jeux Olympiques dont le budget pourrait, lui aussi, excéder les prévisions.
Deux dates sont à retenir et retiennent l’attention de Bercy, la forteresse du ministère français de l’Économie et des Finances, sur la rive droite de la Seine, près de la gare de Lyon: le 26 avril sera connue la notation des agences Fitch et Moody’s, puis le 31 mai 2024 celle de l’agence Standard and Poors. Laquelle a jusque-là maintenu son AA qui permet à Paris d’emprunter sans difficulté sur les marchés financiers. Une mission carrément risquée pour l’agence France Trésor qui doit trouver, en 2024, 285 milliards d’euros d’argent frais pour rembourser les bailleurs de fonds de la République.
On emprunte davantage
On fait quoi alors? On emprunte davantage! C’est en tout cas ce que défend Emmanuel Macron sur le plan européen, puisque le président Français plaide pour de nouveaux emprunts communautaires mutualisés afin de financer l’industrie de défense, sur le modèle de ce qui avait été fait en juillet 2020 pour financer la plus grande partie du plan de relance «Next Génération EU» de 750 milliards d’euros (dont 40,3 milliards pour la France). Avec une garantie que brandissent à chaque fois les dirigeants Français: les rentrées fiscales et le socle de l’épargne privée nationale qui avoisine, hors immobilier, les 6000 milliards d’euros, soit le double de la dette publique.
Mais après? Bruno Le Maire, lui, parle quand même de dépenser moins. Le ministre des Finances promet de ramener le déficit sous la barre des 3% en 2027, année de l'élection présidentielle. Ce qui fait évidemment sourire. Il prévient par ailleurs qu’il faudra trouver 20 milliards d’euros de coupes budgétaires d’ici 2025, puis autant en 2026 et 2027. De quoi éviter la chute libre ? Peut-être. A moins que l'effet toboggan se poursuive.