Il y a toujours des gentils et des méchants dans une enquête policière. Il peut même y avoir ces temps-ci, dans les affaires de drogue et de terrorisme, des criminels très méchants. Si vous êtes à la recherche d’affreux, capables du pire, alors ne lisez pas «Kim et les papys braqueurs» de Patricia Tourancheau (Ed. Seuil).
C’est en effet une toute autre catégorie de gangsters que cette journaliste spécialisée dans les affaires policières et dans les faits divers a choisi de raconter, avant le procès qui se tiendra à partir du 28 avril 2025. Des gangsters qui, à l’écran, auraient pu jadis être campés par Lino Ventura ses complices dans le film culte «Les Tontons flingueurs». Des criminels qui parviennent, dans ce livre qui relate leurs témoignages, à ce que personne n’aurait osé imaginer: voler la vedette à celle qui passe son temps à s’exhiber et à capter l’attention des foules: Kim Kardashian «herself».
Cette histoire-là n’est pas franchement celle du bien contre le mal. Logique. Croyez-vous vraiment que Kim, l’ex épouse de Kanye West, icône des réseaux sociaux et du capitalisme et du luxe le plus débridé, puisse incarner le bien dans sa chambre d’hôtel parisien où elle avait, à partir du 28 septembre 2016, choisi de séjourner pour assister à la «fashion week». Et quid de ses vrais bijoux, d’une valeur de plusieurs millions de dollars? Tout sonne faux dans les choix de Kim et de son entourage.
Pieds nickelés
L’hôtel des stars du quartier de la Madeleine où réside la star américaine, le «No Adress», sis dans l’Hôtel de Pourtales – voisin de l’Hôtel Bedford, possédé de longue date par une famille suisse – supposé discret et sécurisé, est une absolue passoire. Tous les paparazzis parisiens le connaissent. Les noctambules branchés de la capitale française en connaissent tous le digicode d’entrée. La serrure d’une des portes principales ne ferme pas. Le footballeur Zlatan Ibrahimovic y a vécu un an avec femme et enfants, dans la suite qu’avait choisi d’occuper Kim, pour 25'000 euros les quatre nuits passées à Paris, petit-déjeuner et minibar inclus. On se croirait chez les «pieds nickelés». Or voilà que de vrais «pieds nickelés» ex-gangsters vétérans reconvertis en braqueurs de star entre deux siestes et deux sorties de taule, vont se ruer avec succès sur Kim et ses bijoux dont une bague sertie d'un diamant solitaire à quatre millions d'euros.
L'heure du crime sur RTL
La force du récit de Patricia Tourancheau, un peu trop écrit et ciselé pour préparer le scénario du film ou de la série à venir, est d’avoir renversé le sablier de la criminalité. Imaginez: de vieux voyous, tous plus ou moins sortis de taule après des vies cabossées par leurs cambriolages et leurs forfaits, capables de rejouer dans les rues de Paris un «Ocean’s Eleven» à la française! Une sorte de «grande vadrouille» sans Louis de Funès, où même les policiers se laissent attendrir.
Qui n’a pas envie de souhaiter le meilleur à Cathy, l’unique femme du groupe, octogénaire sémillante qui, toute sa vie, a fréquenté de trop mauvais garçons? C’est la première morale du livre: tout au long du récit, personne, vraiment personne, n’a envie de défendre Kim Kardashian en peignoir pourtant agressée à deux heures du matin, ligotée, menacée par une bande de voyous bien résolus à ne lui laisser que ses robes dans ses armoires et ses dressings.
Tout est foireux
La suite? Une succession de faits foireux qui conduiront les policiers français à mettre rapidement la main sur les protagonistes de ce cambriolage à main armée qui fait passer Paris, fin 2016, pour la capitale la moins sûre du monde. Tout y est. Le collier qui tombe par terre après que l’un des braqueurs chute de vélo. Le même collier ramassé dans le caniveau par une employée de bureau qui le porte une journée autour du cou avant de prévenir le commissariat voisin.
Les bijoutiers véreux d’Anvers, en Belgique, qui retaillent les pierres et fondent les métaux précieux. Les liasses de billets cachés dans le jardin ou sous le matelas des protagonistes. Terrible époque. Dans les années 70, le casse de Kim aurait été une réussite. Mais comment ne pas se faire repérer, à l’heure des prélèvements ADN, de la police scientifique, des caméras de vidéo surveillance qui épient chaque fait et geste dans les rues?
Le récit du braquage
Les papy braqueurs racontent tout. Ils n’ont pas violenté Kim Kardashian, revenue depuis à Paris sous bonne escorte. Ils l’ont surpris autour de trois heures du matin, ligoté, menacé, et c’est tout. En criant «ring» pour mettre la main sur la fameuse bague. Neuf millions d'euros de préjudice. Le plus original est que l’intéressée ne semble, au fond, même pas leur en vouloir. Elle a été choquée, mais cela lui a un peu remis les pieds sur terre. La Kardashian est un peu redevenue Kim. L’air de Paris lui a peut-être fait comprendre que les cimes de la célébrité hollywoodienne sont toutes aussi factices que les décors des films et des séries.
Paris sera toujours Paris
Une enquête policière réussie, comme un reportage, est un mélange de personnages d’anthologie, de chance, et d’une histoire qui parle aux gens. «Kim et les papys braqueurs» possède cette qualité rare, malgré la volonté d’en rajouter sans cesse dans l’argot des truands, là aussi pour plaire aux futurs scénaristes. Moralité: capitale du luxe mondial, et hôte des Jeux Olympiques à venir, Paris restera toujours Paris. Une ville où la pègre des quartiers n’a pas renoncé à jouer les trouble-fêtes. Kim Kardashian devrait produire le futur film du casse dont elle fut victime dans la nuit du 2 octobre 2016. Cela finirait, au moins, par la rendre sympathique.
A lire: «Kim et les papys braqueurs» (Ed. Seuil)