La couleur rouge du fameux tapis du Festival de Cannes sera-t-elle, en 2024, celle de la révolte et du lynchage public? Depuis la parution ce mercredi d’un article du «Canard enchaîné» intitulé «Avec #MeToo, les producteurs se font un film d’horreur», le monde du cinéma français redoute le bug XXL au plus grand rendez-vous mondial du septième art.
Plus inquiétant: le site Médiapart préparerait une «enquête retentissante». Résultat: le défilé des stars au palais des Congrès, sur la Croisette, pourrait se transformer en stand de tirs pour dénonciations et accusations trop longtemps tues. «La série de révélations #MeToo va-t-elle se poursuivre?», interroge l’hebdomadaire satirique, qui cite une liste impressionnante de films dont la sortie est retardée à cause des risques encourus par leurs acteurs ou leurs réalisateurs.
Un nom se distingue dans cette édition du Festival de Cannes que présidera l’actrice et réalisatrice américaine Greta Gerwig: celui de Judith Godrèche. La comédienne française y présentera un court métrage intitulé «Moi aussi». Selon le quotidien français «Libération», ce film de 17 minutes «met en lumière les récits de victimes de violences sexuelles. Autant d’expériences individuelles qui s’ajoutent à la sienne et soulignent leur caractère tristement universel.» Il sera montré le 15 mai en ouverture de la compétition «Un certain regard».
Qui sera mentionné à l’écran? Quels témoignages contient ce documentaire destiné à porter la caméra dans la plaie des violences sexuelles et du harcèlement qui a longtemps prévalu sur les plateaux et dans les tournages? La diffusion de ce court métrage est assurée de marquer le festival qui démarre quelques jours seulement après l’annonce d’un procès, en octobre, de la plus grande star du cinéma français: Gérard Depardieu.
Au nom de toutes les autres
Judith Godrèche assume aujourd’hui d’être celle qui parle au nom de toutes les autres. «Tout à coup, devant moi une foule de victimes, une réalité qui représente la France aussi, tant ces récits surgissent de toutes les origines sociales, de toutes les générations», raconte-t-elle, dans le communiqué diffusé par le Festival de Cannes. Mais comment faire oublier que cette compétition a, dans le passé, accordé la part belle à des hommes aujourd’hui mis en cause, comme le réalisateur Benoit Jacquot? En 1998, celui-ci y avait défendu son film «L’Ecole de la chair». En 2004, il fut sélectionné pour «A tout de suite», parmi les longs métrages présentés dans le cadre, justement, d’«Un certain regard».
Difficile d’oublier aussi les symboles forts, comme cette Palme d'or attribuée en 1997 au film de Maurice Pialat «Sous le soleil de Satan», avec Depardieu dans le premier rôle. Dix ans plus tôt, en 1985, l’actrice Sophie Marceau a été violentée par ce même acteur, lors d’une séance où il doit lui donner une gifle, sur le tournage de «Police». La liste de douleurs cinématographiques est longue.
L’article du «Canard enchaîné» ne focalise pas que sur les actrices. Il dit aussi que plusieurs affaires en cours concernent des accusations de harcèlement sexuel entre hommes, dont l’une vise l’acteur Samuel Theis, qui joue la victime dans le film lauréat de la Palme d'Or en 2023 «Anatomie d’une chute». Il explique surtout qu’au-delà du festival, c’est l’industrie cinématographique française qui est menacée de panne… budgétaire.
Avances sur recettes
Le cinéma français dépend beaucoup des avances sur recettes, c’est-à-dire des fonds publics. Or le ministère de la Culture et le Centre National du Cinéma (CNC) sont aujourd’hui tétanisés. La liste compilée par Médiapart contiendrait les noms d’acteurs très célèbres. «Cette liste va faire trembler le cinéma français, et plus encore, risque même de le détruire au vu des noms cités. C’est du lourd. Du très, très lourd», peut-on lire sur les réseaux sociaux.
Cannes 2024? Le tapis rouge sera-t-il le décor d’une hécatombe #MeToo?